Kvothe a écrit:Qu'entendez-vous par révolution ?
J'entends par là l'action collective du peuple pour renverser le régime politique, l'élite et ses instruments (comme l'État) par la force. Je ne sais pas si l'on peut parler de révolution sans usage de la force, ni si une révolution pacifique pourrait fonctionner. Il me semble que la révolution provoque une rupture radicale de l'ordre institué et ce à un niveau global, sans quoi l'on parlerait seulement de rébellion ou d'évolution.
Kvothe a écrit:Le déclin des communistes est symbolique d'un affaissement des valeurs, de l'attachement à un système de pensée clair. Est-ce en réaction à cette perte de valeur, oserais-je dire d'identité politique du citoyen (avec les critiques habituelles faites à la Démocratie : désengagement, ochlocratie, etc.) que vous prônez la révolution ?
Je ne prône pas la révolution. Elle constitue pour moi un problème, tout comme l'action en général. D'un côté, je vois la nécessité de changer de société (sans croire toutefois qu'une société idéale est réalisable) car le capitalisme et le libéralisme actuel (politique et économique) me semblent néfastes à l'homme (devenu effectivement un individu consommateur qui ne connaît pas ou plus ni la liberté (qu'il croit posséder), notamment politique, ni ne se soucie du commun, donc de lui-même), tandis que de l'autre côté la révolution soulève de nombreux problèmes (la violence, le désordre, la récupération par une élite et la constitution de régimes dictatoriaux et/ou bureaucratiques, etc., bref tout ce qui concerne le caractère imprévisible d'un mouvement qui peut se retourner contre lui-même ou contre les intérêts du peuple lui-même). Par ailleurs, c'est au peuple lui-même de se prendre en main, ce qui implique que les conditions pour la révolution soient rassemblées. Or depuis la chute du mur de Berlin c'est l'apolitisme qui triomphe, laissant le pouvoir faire son œuvre. On nous a vendu la victoire du libéralisme (la fin de l'histoire de Fukuyama) alors qu'elle constitue seulement la nouvelle idéologie dominante. J'admets volontiers que la littérature critique est abondante, mais les moyens d'action ont changé, de même que les mentalités. La critique est noyée dans l'information et plus personne ne sait agir globalement : non seulement on n'a plus aucun modèle alternatif à suivre (ce qui, cela dit, peut éviter le dogmatisme), mais les nouveaux mouvements sociaux sont le fait de gens qui veulent participer au mode de vie bourgeois et qui finalement ne le contestent pas tellement (cf. Parti Pirate, Anonymous, Indignés). Pour finir, je suis partisan de la démocratie, non de l'oligarchie libérale (que l'on qualifie de démocratie représentative). Mais la démocratie (directe, radicale, réelle, c'est comme on veut) peut-elle être instituée ? Est-elle réalisable, et à quel prix, ou n'est-elle qu'une visée et un critère normatif pour juger de ce qui est actuellement ?
Kvothe a écrit:Sur le machiavélisme de l'UMP, je ne vous rejoins pas. Sarkozy savait pertinemment qu'une alliance avec le FN serait décrédibilisant (en raison de valeurs que vous ne reconnaissez apparemment pas à l'UMP) mais surtout parce que cela impliquait de laisser des sièges de députés au FN.
Qu'entendez-vous par là ? Pour ma part, je pense que l'UMP n'aurait pas dû approcher le FN pour récupérer des voix, tout simplement parce que l'UMP n'a pas de valeurs communes avec le FN et il me semblait déshonorant, du point de vue républicain (normalement partagé par l'UMP), de transiger sur ses principes. Mais force est de constater que la donne politique a changé et qu'une partie de l'électorat UMP s'est rapprochée des idées du FN. Je trouve que ça a obscurci les choses, mais ça a peut-être révélé, finalement, que l'UMP n'a qu'une seule grande idée fédératrice (alors qu'elle ni tout à fait souverainiste, ni tout à fait libérale, ou encore gaulliste, etc.) : le pragmatisme. Ça n'a peut-être rien d'étonnant dans le jeu politique - ça fait partie de ses règles. Je trouve ça d'autant plus dommage et dangereux s'il ne s'agit que d'une manœuvre électorale et d'une stratégie pour diminuer les voix du FN, car on risque de s'accaparer les idées du FN et d'en devenir le double, et de banaliser ces idées et de légitimer leurs conséquences probables. Pour préciser, je prends en compte les problèmes soulevés par les électeurs du FN, mais j'ai du mal à adhérer au diagnostic, et je refuse les solutions proposées.
Kvothe a écrit:Ne pensez-vous pas que la mise en exergue de la sphère privée (par le biais des réseaux nouveaux, ou un besoin plus grand de se situer en fonction de repères) aboutit à la fusion (le terme est maladroit) de la sphère publique et de l'environnement privé qui tend à s'étaler à la vue de tous ?
Une fusion est dangereuse en ce qu'elle mène les deux termes liés à se dissoudre l'un dans l'autre. On serait alors proche du totalitarisme critiqué par Arendt. Mais je ne crois pas que ce soit encore le cas dans notre société.
Kvothe a écrit:Quant à l’État, il se modernise. Que ce soit dans la gestion des budgets (quel retard avions-nous !) et dans le domaine du droit notamment. Quant à la Bureaucratie, elle est appliquée et heureusement ! L'État échappe ainsi au clientélisme.
L'État échappe-t-il au clientélisme ? Je n'en suis pas certain, si l'État est dirigé par la même élite politique qui favorise ses intérêts privés et ses amitiés (lesquelles dirigent les grands groupes industriels, financiers, et peuvent faire aussi bien pression sur les politiques gouvernementales menées que sur les médias qu'ils détiennent et qui peuvent être directement ou indirectement au service de la classe politique). Pour ma part, je suis contre l'État et contre la bureaucratie.
Kvothe a écrit:Sur le PS et l'imaginaire véhiculé par les idées de gauche, je rebondis sur mon précédent propos, ne l'imputez-vous pas à une absence de culture, d'attachement politique ?
Pourriez-vous préciser le sens de votre question ?