Liber le Ven 23 Nov 2012 - 14:32
Dernière édition par Euterpe le Mar 9 Aoû 2016 - 14:56, édité 1 fois
Euterpe a écrit:Et qu'y a-t-il d'autre dans ses œuvres qu'un corpus doctrinal ? Si nous parlions de Nietzsche, je serais d'accord avec vous, mais pas de Spinoza. C'est comme si vous disiez à un matérialiste : "Lisez Platon, vous verrez, vous serez peut-être convaincu par son allégorie de la Caverne, mieux que si je vous la résume moi-même". Je l'ai lue, j'ai lu des commentaires, je ne suis toujours pas convaincu, et à vrai dire, je ne le serai jamais. Pourquoi en irait-il autrement de Spinoza ? D'autant plus que sa philosophie ne me donnera pas plus que celle d'Épicure ou d'Epictète. Si j'étais croyant dans un des monothéismes, je pourrais sans doute trouver dans sa philosophie de quoi casser quelques préjugés, sauf que c'est déjà fait, je suis plus matérialiste que Spinoza, qui s'encombre inutilement de Dieu et de scolastique mathématique. Spinoza apporte-t-il plus de réconfort que Sénèque ? Non. Plus de liberté envers le plaisir qu'Épicure ? Non. Plus de connaissance en l'homme que les plus fins moralistes français ? Non. Plus d'agrément à la lecture que Montaigne, Nietzsche, Schopenhauer ? Non.Liber a écrit:Peu importe. Cette discussion ne saurait se substituer à ses œuvres, encore moins vous dispenser de les étudier, si votre objectif est de savoir si, oui ou non, Spinoza vous convainc.je ne suis toujours pas convaincu par la philosophie de Spinoza.
Euterpe a écrit:Eh non, justement. Tout est là. Oui, vous pouvez écrire même sur votre lit de mort, mais dire que votre état physique n'influe en rien, comme vous le prétendez, sur ce que vous écrivez, c'est une hypocrisie que Nietzsche a parfaitement comprise et su utiliser. Au lieu de se cacher comme Spinoza, il a décidé d'en jouer. Épicure fit de même, il a construit une philosophie à la hauteur de ce que son corps pouvait supporter. Il ne fut pas le fêtard que fut Aristippe de Cyrène, ni le solide stoïcien qui fait face à la douleur. Il a choisi de l'adoucir, car c'était un homme doux. Il a été humain, ni surhomme, ni sous-homme. Voilà pourquoi il sonne plus vrai que les autres. Montaigne aussi est vrai. Spinoza est faux. Nietzsche est faux, mais lui nous le savons, il nous a même dit qu'il l'assumait. Kant fut un mort-vivant. Pas étonnant que sa philosophie ait inspiré les camps de la mort.Tout le monde saura que, étant affecté par la tuberculose, vous pouvez écrire des poèmes, collectionner des endives, méditer le mouvement d'un hippocampe au galop, etc.
Euterpe a écrit:Au début seulement, quand sa santé le lui permettait. Par contre, vous ne devez sans doute pas ignorer que Spinoza ne se soignait pas, il était indifférent à son corps, comme Thoreau, mort lui aussi de la tuberculose. Dans leur cas, la mauvaise hygiène n'a pas dû arranger les choses. Au moins, les Romains se lavaient, aimaient leur corps. Spinoza était un ascète, pour quelqu'un qui vantait autant la puissance du corps, il n'en a pas fait usage du tout, préférant le mépriser.Mais tout le monde aura remarqué qu'ayant une idée adéquate de la tuberculose, vous avez pris rendez-vous chez le médecin. Avec tout ça, Spinoza n'était pas moins affecté que Pascal qui, pour quelqu'un dont la maladie empoisonnait l'existence, se montra particulièrement actif.
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