Silentio a écrit: On peut néanmoins être exigeant envers ce que l'on nous propose.
Alors vous serez exigeant aussi envers Colli/Montinari qui n'ont fait aucun effort de classement. Pourquoi n'avez-vous jamais protesté contre l'ordre dans lequel vous lisez les
Pensées de Pascal, où le problème est exactement le même (jusqu'à la soeur qui s'occupe des papiers qu'a laissés son frère) ?
Liber a écrit: Volonté de puissance est un titre de Nietzsche, "discipline et sélection", une de ses têtes de chapitre.
Ça n'en fait pas un nazi avant l'heure. Il faudrait voir le contenu, pour le moment ça ne me choque pas (de toute façon rien, a priori, ne me choque).
Pourtant, c'est cela qui choque les détracteurs de la
Volonté de puissance. Le titre et le plan du livre, trop connotés. Parce que sinon, sans le nazisme, nous en serions à lire la
Volonté de puissance de Nietzsche comme nous lisons les
Pensées de Pascal. Des papiers épars, une reliure brochée, et une ébauche de plan de l'auteur.
Liber a écrit: Et Nietzsche n'était pas fou quand il écrivait cela !
La folie est un argument mesquin pour discréditer ce que l'on ne veut pas comprendre, ce qui nous gêne. Jamais je n'oserai traiter Nietzsche de fou. Toute sa vie consciente, avant l'effondrement, me semble terriblement lucide.
J'ai déjà lu sur un autre forum (mais pas de vous) qu'on traitait ce Nietzsche là de délirant. Or, ces textes sulfureux sont en parfaite adéquation avec le reste de ses écrits, bien qu'ils paraissent l'exact opposé. Il n'y a pas de contradiction, dès lors qu'on envisage la philosophie de Nietzsche sous l'angle du dionysiaque. Tout ce qui est guerre, sacrifice, élimination des faibles, reçoit sa pleine justification.
Par contre, je ne sais pas s'il y a un vrai Nietzsche. Faut-il considérer VP comme un aboutissement et faire valoir le dernier Nietzsche sur toutes ses œuvres passées et publiées durant sa vie consciente ? Écrit-il clairement tout ce qu'il faut définitivement penser, ne laissant aucune place à l'interprétation ?
D'une part, la lucidité et la clarté du dernier Nietzsche efface à mon avis les précédents, puisque les idées de Nietzsche sont toujours les mêmes, il y revient systématiquement (là est son système), en les approfondissant. D'autre part, je parle du vrai Nietzsche par opposition au Nietzsche censuré, et là je parle d'une censure de gauche, morale, bien plus grave à mon sens que les coups de ciseaux d'Elisabeth.
le contexte dans lequel ce livre est élaboré et quand on prend en compte tout ce qui a pu se dire à son sujet.
La soeur de Nietzsche aurait pu faire à mon avis trois choses qui à ses yeux avaient de l'importance : 1) rendre Nietzsche plus chrétien qu'il ne l'était, or la Volonté de puissance est farouchement anti-chrétienne, 2) effacer certaines allusions personnelles à elle et à sa mère, ce qui manifestement n'a pas été fait dans Ecce Homo, publié par le Nietzsche-Archiv et qui est rigoureusement identique à la copie qu'en avait faite son ami Overbeck, qui possédait le manuscrit avant de le renvoyer à la soeur de Nietzsche (c'est d'ailleurs Overbeck qui a récupéré à Turin la malle contenant tous les papiers de Nietzsche). Au passage, on accorde une confiance aveugle à Overbeck, sur la simple foi de son caractère et la loyauté de son amitié avec Nietzsche, 3) effacer ses propos les plus virulents contre le Reich. Ses derniers écrits, sa correspondance grouillent pourtant de ces allusions.
Parfois il fait preuve de naïveté dans les deux cas, cela aussi il faudrait le montrer.
Nietzsche naïf ? Idéaliste, oui. Naïf, il l'était dans les affaires, mais en philosophie, je ne sais pas. A quoi pensez-vous dans ses œuvres qui est naïf ? Certains propos sur les femmes sont naïfs, effectivement. Mais à chaque fois, on pourra se demander si ce n'est pas de la comédie.