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A la recherche du philosophe.

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Euterpe
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magma
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descriptionA la recherche du philosophe. - Page 9 EmptyRe: A la recherche du philosophe.

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Je ne suis pas philosophe, et je ne prétends pas l'être, de ce fait je ne sais pas vraiment comment on reconnaît un philosophe : Lacan était particulièrement intéressé par la philosophie et notamment par Spinoza, et Piaget a été professeur d'épistémologie à l'université de Neuchâtel (il a fait de nombreux travaux sur ce thème et il me semble que l'épistémologie est une branche de la philosophie ?).

"La maïeutique" est un mot qui fait consensus, car aujourd'hui si j'ose parler en termes psychanalytiques ou cognitivo-comportementaux, je suis presque certain que je ne toucherai qu'une partie des psychologues et travailleurs sociaux, en revanche si je parle de "maïeutique" cela fera plus consensus et les outils thérapeutiques adaptés à la psychose seront acceptés plus facilement par les différents intervenants dans le domaine (vous ne pouvez pas savoir comme cette guerre inutile perturbe le fonctionnement de certaines institutions du social, on en oublie presque parfois l'intérêt de la personne accompagnée.)

Je le redis, je ne suis pas philosophe, j'essaie d'appréhender la philosophie, mais ayant une formation de base en psychologie, il est difficile pour moi d'appréhender la philosophie sans le réflexe automatique d'y ajouter mes connaissances en psychologie. Merci de me le rappeler, je peux essayer de donner mon avis et je vous remercie d'accepter d'en discuter :

Dans l'Apologie de Socrate Socrate dit :
Mais considérons que les raisons sont nombreuses d'espérer que la mort soit un bien, en présentant les choses d'une autre façon. En ce qui concerne la mort, de deux choses l'une, en effet. Ou bien effectivement celui qui est mort n'est plus rien et ne peut avoir aucune conscience de rien, ou bien comme on le raconte, c'est un changement et, pour l'âme, un changement de domicile qui fait qu'elle passe d'un lieu à un autre... Si donc, dis-je, la mort est un sommeil de ce genre, il s'agit de quelque chose de profitable à mes yeux en tout cas...


Voilà comment j'interprète la "maïeutique" ou la méthode d'investigation de Socrate : il ne dit pas qu'il croit ou pas aux Dieux, il remplace son système de croyance par des hypothèses et des probabilités : dans cet extrait à propos de la mort, il émet deux hypothèses qu'il pense probables : soit la mort est la fin de tout comme un "sommeil profond", position qui me semble se rapprocher de l’athée ? Soit la mort n'est que celle du corps organique et l'âme continue de vivre dans un autre lieu, conception qui se rapproche plus de ceux qui ont la foi... Mais en posant ces deux hypothèses, il démontre une position agnostique, il ne choisit pas, il va donc continuer son travail d'enquête : il analyse dans les deux situations ce que cela pourrait entraîner comme conséquences : il s'aperçoit finalement que dans les deux cas la mort n'est pas à redouter, il n'a pas peur de mourir, du fait des conclusions qu'il tire de son enquête...

La "maïeutique" signifie "l'art d'accoucher", Socrate faisait accoucher les esprits comme sa mère, sage-femme, accouchait les bébés... Pour cela il enquête, effectivement pour comprendre la sagesse, il va à la rencontre des sages. Il s’aperçoit que beaucoup de ces sages ne le sont pas vraiment, il les met à l'épreuve par une série de questions sur leur savoir. La "maïeutique" me semble-t-il, est une technique d'enquête, qui consiste à faire des hypothèses alternatives, d'en étudier les probabilités et de les éprouver quand c'est possible par l'expérience. Cette technique permet d'assouplir certaines "croyances", à mettre un doute "socratique" sur nos croyances : l'extrait cité montre clairement ce travail d'investigation effectué par Socrate. Il est souvent mal vu, car certains imaginent qu'il cherche à critiquer ou contredire, alors qu'en fait il cherche à comprendre et à voir si ce que lui dit son interlocuteur est une vérité possible ou pas...

Il me semble que la "maïeutique" est une méthode de questionnement, d'enquête utilisée dans la dialectique qui peut amener l'interlocuteur à une forme de "conscientisation"... Mais ce n'est que mon interprétation, pouvez-vous me dire ce qu'est la "maïeutique" d'un point de vue philosophique ? Y a-t-il une différence pour vous avec la dialectique ?

descriptionA la recherche du philosophe. - Page 9 EmptyRe: A la recherche du philosophe.

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nnikkolass a écrit:
Je ne suis pas philosophe, et je ne prétends pas l'être, de ce fait je ne sais pas vraiment comment on reconnaît un philosophe : Lacan était particulièrement intéressé par la philosophie et notamment par Spinoza, et Piaget a été professeur à l'université de Neuchâtel d'épistémologie (il a fait de nombreux travaux sur ce thème et il me semble que l'épistémologie est une branche de la philosophie ?)


Piaget a consacré ses recherches à l'émergence et au développement de l'intelligence, de nos capacités cognitives, sa rencontre avec la philosophie kantienne était donc inévitable, puisqu'elle invente le cadre moderne de l'épistémologie avec les conditions de possibilité de la connaissance. Mais le projet de Piaget n'est pas un projet philosophique. Kant veut sauver la philosophie avec la raison pure pratique, l'action, les faits non empiriques (cf. la question de la morale kantienne), tout ce qui la distingue des sciences anthropologiques (non morales) - dont une fonction essentielle, pour la philosophie, est leur fonction prospective (cf. la téléologie kantienne). Piaget ne vise ni la vertu, ni le bonheur, ni la vérité de l'être, quoique son œuvre, comme celle de Lacan, puisse avoir des conséquences sur le champ d'intervention de la philosophie (notamment la question du sujet) - ainsi la psychanalyse détermina une part essentielle des choix philosophiques d'Alain ou de Sartre, pour prendre des exemples connus.

Mais tout cela participe d'un mouvement général clairement défini par Jacques Ellul, dans Les Nouveaux possédés (1973).

nnikkolass a écrit:
"La maïeutique" est un mot qui fait consensus, car aujourd'hui si j'ose parler en termes psychanalytiques ou cognitivo-comportemental, je suis presque certain que je ne toucherai qu'une partie des psychologues et travailleurs sociaux, en revanche si je parle de "maïeutique" cela fera plus consensus et les outils thérapeutiques adaptés à la psychose seront acceptés plus facilement par les différents intervenants dans le domaine (vous ne pouvez pas savoir comme cette guerre inutile perturbe le fonctionnement de certaines institutions du social, on en oublie presque parfois l'intérêt de la personne accompagnée.)

Il y a, dans l'usage de ces mots à la mode aujourd'hui et complètement intégrés au jargon (langue des techniciens), quelque chose de révélateur de l'auto-incantation généralisée : on prononce un mot, et voici la supposée réalité correspondante aussitôt advenue...

nnikkolass a écrit:
Dans l'Apologie de Socrate Socrate dit :
Mais considérons que les raisons sont nombreuses d'espérer que la mort soit un bien, en présentant les choses d'une autre façon. En ce qui concerne la mort, de deux choses l'une, en effet. Ou bien effectivement celui qui est mort n'est plus rien et ne peut avoir aucune conscience de rien, ou bien comme on le raconte, c'est un changement et, pour l'âme, un changement de domicile qui fait qu'elle passe d'un lieu à un autre... Si donc, dis-je, la mort est un sommeil de ce genre, il s'agit de quelque chose de profitable à mes yeux en tout cas


Voilà comment j'interprète la "maïeutique" ou la méthode d'investigation de Socrate : il ne dit pas qu'il croit ou pas aux Dieux, il remplace son système de croyance par des hypothèses et des probabilités : dans cet extrait à propos de la mort, il émet deux hypothèses qu'il pense probables : soit la mort est la fin de tout comme un "sommeil profond", position qui me semble se rapprocher de l’athée ? Soit la mort n'est que celle du corps organique et l'âme continue de vivre dans un autre lieu, conception qui se rapproche plus de ceux qui ont la foi... Mais en posant ces deux hypothèses, il démontre une position agnostique, il ne choisit pas, il va donc continuer son travail d'enquête : il analyse dans les deux situations ce que cela pourrait entraîner comme conséquences : il s'aperçoit finalement que dans les deux cas la mort n'est pas à redouter, il n'a pas peur de mourir, du fait des conclusions qu'il tire de son enquête...

La "maïeutique" signifie '"l'art d'accoucher", Socrate faisait accoucher les esprits comme sa mère, sage femme, accouchait les bébés... Pour cela il enquête, effectivement pour comprendre la sagesse, il va à la rencontre des sages. Il s’aperçoit que beaucoup de ces sages ne le sont pas vraiment, il les met à l'épreuve par une série de questions sur leur savoir. La "maïeutique" me semble-t-il, est une technique d'enquête, qui consiste à faire des hypothèses alternatives, d'en étudier les probabilités et de les éprouver quand c'est possible par l'expérience. Cette technique permet d'assouplir certaines "croyances", à mettre un doute "socratique" sur nos croyances : l'extrait cité montre clairement ce travail d'investigation effectué par Socrate. Il est souvent mal vu, car certains imaginent qu'il cherche à critiquer ou contredire, alors qu'en fait il cherche à comprendre et à voir si ce que lui dit son interlocuteur est une vérité possible ou pas...

Il me semble que la "maïeutique" est une méthode de questionnement, d'enquête utilisée dans la dialectique qui peut amener l'interlocuteur à une forme de "conscientisation"... Mais ce n'est que mon interprétation, pouvez-vous me dire ce qu'est la "maïeutique" d'un point de vue philosophique ? Y a-t-il une différence pour vous avec la dialectique ?


Vous faites fausse route en assimilant deux choses : la méthode et la nature du questionnement socratique. L'enquête socratique est une question sans cesse posée (le "qu'est-ce que c'est que ?"), sans cesse ouverte, avec l'aporie comme résultat essentiel et qui doit être médité pour lui-même (on ne feint pas l'ignorance : ou bien on ne sait pas et on sait qu'on ne sait pas ; ou bien on ne sait pas). La maïeutique consiste pour Socrate, en les amenant à formuler eux-mêmes leurs idées, à faire surgir dans l'esprit de ses interlocuteurs leurs propres contradictions, puisque ils affirment en même temps ou alternativement des choses contradictoires (les opinions). Ainsi, les interlocuteurs de Socrate sont censés pouvoir se prendre eux-mêmes en flagrant "délit" de contradiction, ce que nul ne peut vivre sereinement, ni assumer. Cela les prépare, dans la mesure du possible, à l'étude de, et ultimement à recevoir la vérité, parce que le questionnement est la langue même du doute. Dans l'Alcibiade, vous aurez noté un passage essentiel, celui où Socrate explique à Alcibiade que la pratique prématurée de la dialectique est dangereuse, et que l'apprentissage de la philosophie doit être mené jusqu'au milieu de la trentaine. C'est une adresse à la jeunesse qui, une fois qu'elle s'est familiarisée avec la dialectique, est trop prompte à en faire usage, oubliant la prudence qu'exige la philosophie, et son "programme" : la recherche de la vertu, de la justice, et de la vérité. L'enjeu politique est essentiel (cf. la carrière d'Alcibiade). C'est la philosophie, pas la psychologie.

Dernière édition par Euterpe le Sam 23 Juil 2022 - 12:21, édité 2 fois

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Merci de votre réponse qui me donne à réfléchir et c'est justement ce que je suis venu chercher aussi sur ce forum (et d'autant plus quand cela concerne Socrate et Platon)...

Je suis justement en train de relire le premier Alcibiade... je m'attaquerai ensuite au second Alcibiade que je n'ai pas encore lu...
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