Je crois qu'il faut faire la part de la rhétorique. Sur le même modèle, certains diront qu'après Bach il n'y a plus que du bruit ou de la musique de divertissement, ou que le roman est mort depuis Joyce et Proust, à moins que ce ne soit depuis Homère, je ne sais plus.
Toutefois je ferai quelque différence. Je suppose que celui pour qui la philosophie s'arrête à Spinoza entend par là que toute la vérité a été dite, les détails manquants relevant de la responsabilité du progrès scientifique. J'ai tendance à recevoir un tel jugement avec un sourire ironique en coin, mais il faudrait laisser parler l'auteur de cette apparente aberration avant de le condamner.
En revanche, en ce qui concerne Platon, d'abord j'ai lu avec beaucoup d'intérêt l'ouvrage de Monique Dixsaut qui s'intitule Platon, métamorphoses de la dialectique, d'autre part j'avoue qu'en fin de soirée il me prendrait bien l'envie d'en sortir une du même genre, et je crois que c'est tout à l'opposé d'un quelconque dogmatisme. Entre en compte le plaisir du paradoxe, parce que qualifier Aristote, Spinoza, Kant, Hegel ou Husserl de poètes, par opposition à Platon, cela va évidemment à l'encontre des idées reçues. Mais Monique Dixsaut doit savoir qu'en grec poiesis signifie fabrication. Après Platon, quelque chose s'arrête, en effet. Platon a montré ce que c'était que faire de la philosophie, que cela revenait à pratiquer la dialectique, et qu'il n'y avait rien à bâtir qui ressemblât de près ou de loin à un système, mais seulement à chercher à nourrir son âme de la vérité, en commençant par l'étape obligatoire de la prise de conscience de son ignorance. Après Platon, les philosophes ont fait de la poésie, en effet, en un certain sens (attention, qu'on ne se méprenne pas, je les aime bien quand même), au sens où ils ont construit un univers mental autonome, chacun le sien, avec tous les risques de vanité que cela comporte.