Si j'ai bien compris, la démocratie est le gouvernement du peuple.
Sa forme la plus courante est la démocratie représentative : le peuple élit ses représentants qui vont exercer le pouvoir politique. Si le peuple n'en veut pas, de ce pouvoir, et qu'il vote pour un dictateur, la démocratie s'est sabordée. S'il ne va pas voter, le résultat tend à être le même. Enfin, si la majorité ignore les désirs d'une minorité, cette dernière ne vit pas en démocratie.
A Athènes, 1/10ème de la population participait au pouvoir, de façon directe. Il fallait souvent envoyer les archers chercher des citoyens sur l'Agora pour les entraîner vers la Pnyx où ils devaient débattre des lois. Plus tard, sous Périclès et grâce à l'argent des cités alliées, on résolut ce problème en versant aux citoyens pauvres une indemnité compensatrice. Donc, plutôt qu'une démocratie véritable, Athènes peut être considérée comme un laboratoire de celles que nous connaissons actuellement.
Le peuple est censé élire des représentants qui vont gouverner le pays pour son bien. Mais, pour que son vote soit efficace, il faudra que la science politique soit à peu près fiable et que les citoyens l'aient étudiée, en cours d'éducation civique, par exemple. Faute de ces deux conditions, le "syndrome de la poule opère bien souvent". Au temps où les poules couraient encore librement sur les routes, après la guerre 39/45, une poule se trouvant au milieu de la route à un moment de grande circulation, connaissait l'affolement. "Une voiture par la gauche : vite, allons à droite. Une voiture par la droite : vite, allons à gauche." Et la poule était écrasée. Une variante a été inventée par Guy Bedos : "Gauche. Droite. Gauche. Droite. En avant, marche : gauche-droite, gauche-droite..." Quand j'étais enfant, à la ferme, j'aimais le syndrome la poule. Une fois par quinzaine, environ, il nous permettait de manger une poule écrasée, ce qui était bien meilleur que le lard quotidien, gras jusqu'à l’écœurement.
Au cours des élections, une fraction importante de l'électorat reste stable. Ce ne sont pas ces gens-là qui font la décision, ce sont les autres, l'électorat mouvant, celui-là précisément qui subit le syndrome de la poule. Ainsi, les Espagnols viennent de basculer à droite, pour éviter les souffrances de la cure d'austérité. Voyez ce qu'ils ont gagné.
Depuis une quinzaine d'années, les électeurs d'États laïcs donnent la majorité à des partis islamiques, en pays musulman : Turquie, Algérie (avant la répression), Irak, Tunisie, Égypte... A qui le tour ? Je vous propose une interprétation de ce phénomène. Un état laïc conduit les affaires publiques sans faire appel aux principes religieux. Hors de la religion, qu'est-ce qui le guide ? La raison, en s'appuyant le plus possible sur son outil le plus fiable : la science.
Quand les électeurs se détournent de la voie laïque, c'est qu'elle n'a pas su leur donner de bonnes conditions d'existence. Alors, ils cherchent ailleurs. Mais, que la voie laïque, quelque part dans le monde, réussisse à créer un semblant de paradis, un nouveau rêve américain, et les peuples accourront de nouveau. Vous souvient-il des foules qui, joyeusement, se jetaient dans les bras de la fiancée soviétique, après la victoire de l'Armée Rouge sur les Nazis ?
Si la science politique devenait fiable et efficiente, comme le rêvaient les idéologues ainsi que Comte et Marx, les électeurs auraient enfin les moyens de voter en connaissance de cause. Nul doute qu'ils se mettraient à nouveau en marche vers une vie meilleure. C'en serait fini du syndrome de la poule. Je crois que nous y arriverons un jour.