Si vous n'êtes démocrate qu'en ces temps-là, que préconisez-vous pour les temps intermédiaires ? Le parlementarisme, consensus entre l'aspiration à la démocratie et l'aristocratie censée maintenir un minimum d'ordre ?
Silentio a écrit:Si vous n'êtes démocrate qu'en ces temps-là, que préconisez-vous pour les temps intermédiaires ? Le parlementarisme, consensus entre l'aspiration à la démocratie et l'aristocratie censée maintenir un minimum d'ordre ?
Euterpe a écrit:Vous avez probablement entendu Sarkozy et Fillon ces derniers temps : le premier parle des Français comme d'un peuple frondeur, le deuxième de la difficulté à réformer la France. Ils disent vrai, mais ne le disent qu'en usant d'euphémismes pour éviter le suicide politique.
Liber a écrit:Parce qu'ils s'en mêlent à tort et à travers. Les révolutions ne sont jamais venues d'en haut, c'est donc le pouvoir qui en a soupé. Pourquoi le peuple français fait-il plus de révolutions que les autres ? A intervalles si rapprochés et si réguliers ? Les réformes ? Elles viennent toujours d'en haut. Et la plupart sont proposées ou initiées parce que le pouvoir entend les vœux des uns et des autres. Dans aucun autre pays que la France l'autorité n'a été si réformatrice depuis des siècles. Peu de pays pourraient se targuer de vivre sous l'autorité d'un pouvoir qui entend, qui écoute et qui est tout disposé à satisfaire ce qu'on lui demande. Mais à l'heure des réformes, il faut toujours qu'un corps constitué, quel qu'il soit, vienne compliquer l'affaire, soit pour s'y opposer, soit pour en tirer avantage au détriment des autres. A l'heure des comptes, on constate que les Français ne savent pas se donner rendez-vous. Ils ne sont unanimes que pour crier la nécessité des réformes, comme s'il suffisait de les demander pour juger qu'elles sont faites. Mais quand il s'agit de les faire, c'est la guerre civile. Tous les pouvoirs en place ont en commun d'avoir été critiqués, ébranlés, paralysés. Déjà sous la Régence, l'opinion publique prétendait faire la loi, et la faisait de toute façon. Même Louis XIV s'est résigné à y recourir. Chez nous, l'opinion publique, c'est une menace et un chantage permanents face auxquels peu d'hommes politiques ont eu le courage de ne pas céder, et de répondre avec fermeté, par exemple Casimir Périer, mort beaucoup trop jeune, et Adolphe Thiers.Les réformes et les révolutions, les Français en ont "soupé", sans que leur quotidien en soit vraiment amélioré.
Liber a écrit:La dette n'a pas été doublée. Quant aux cinq années Sarkozy, de fait, ce sont les plus réformatrices de toute la cinquième. On ne compte plus les réformes (sur lesquelles aucun socialiste ne reviendra, du reste...) : très largement plus qu'une centaine. Mais comme on a reproché son rythme à Sarkozy, beaucoup de réformes importantes tiennent plus du compromis que de la réforme. De sorte qu'il faudra en faire d'autres pour terminer le travail dans quelques années. La vérité, Sarkozy la dit encore, mais il la dit moins, moins bien, et si diluée dans des capsules placebo que ce n'est pas sans risque. Les Français n'aiment pas déchiffrer ce qu'on leur dit. Mais Fillon, qui sera vital dans la campagne présidentielle si la droite veut gagner, il dit la vérité, et il la dit si bien que ce sera sa tâche principale jusqu'en mai. Il est l'un des seuls, peut-être le seul, à pouvoir la dire sans que personne ou presque ne lui en tienne rigueur. On le voit bien jusque dans les rangs de la gauche. La plupart des adversaires de la droite redoutent Fillon (le mot est faible... ils tremblent tous à l'idée de débattre avec lui, on l'a encore vu l'autre soir : Aubry ne maîtrisait pas sa respiration, et parlait la bouche asséchée comme un désert, ce qui est symptomatique) plus encore que ceux qui redoutaient Sarkozy en 2007.Fillon le reconnait volontiers : peut-être aurait-il fallu frapper beaucoup plus fort, les Français ne lui en auraient pas tenu rigueur. Car aujourd'hui, Sarkozy pour nous ménager une vie plus douce que certains de nos voisins qui boivent le calice jusqu'à la lie, a doublé la dette, et que lui reproche-t-on ? Justement cette irresponsabilité. "Je veux dire la vérité aux Français", mais il ne la dit pas. "Je veux réformer la France", mais il ne la réforme pas. Seul François Bayrou parait lucide, mais il est à peu près inaudible.