Cette phrase d’Hawking me fait penser à
L’universalisme européen de Wallerstein. Il y présente les trois universalismes qui sont, d’après lui, à la base de notre système-monde moderne : le premier universalisme est celui des valeurs (droits de l’homme et démocratie), le deuxième s’appuie sur un particularisme au travers duquel on classifie et hiérarchise les civilisations (cf. Edward Saïd,
L’Orientalisme) et le troisième correspond à l’universalisme scientifique (C'est à ce dernier que me fait penser la phrase d'Hawking).
Immanuel Wallerstein, L’universalisme européen, p123 a écrit: A quel point notre universalisme a-t-il vraiment été universel ? Une fois que nous avons divisé le monde entre deux cultures, l’universalisme est tombé dans le domaine des scientifiques, qui partaient d’une certaine méthodologie, d’une certaine posture politique (la science délestée des valeurs) et d’un isolationnisme corporatiste face à toute évaluation sociale directe des retombées de leur travail. Il en résulta inévitablement une concentration géographique aussi bien du travail que des travailleurs qui partageaient ces critères, et par conséquent un certain degré d’inégalité sociale non reconnue mais très réelle. Mais par-dessus tout, cela a permis de protéger les puissants contre toute critique éthique, en dévaluant fondamentalement la crédibilité et l’objectivité de la critique éthique elle-même. On pouvait se permettre d’ignorer les humanistes, surtout s’il s’agissant d’humanistes critiques, en objectant que leurs analyses ne relevaient pas de la science. C’était là le verrouillage définitif du processus d’autojustification du système-monde moderne.
Les "deux cultures" dont parle ici Wallerstein correspondent aux sciences naturelles d’un côté et aux humanités de l’autre. Ce qui traite du "vrai" est donc séparé de ce qui traite du "bien" et du "beau" avec un favoritisme social très net pour la première catégorie. Or, si la philosophie s’intéresse au "vrai", elle s’intéresse également au "bien" et au "beau". Son argumentation concernant les dangers à favoriser socialement une seule de ces trois questions me semble convaincante et la philosophie pourrait bien ramener sur le devant de la scène le lien nécessaire entre les sciences et les humanités.