PhiPhilo a écrit: Et si la philosophie n'avait définitivement rien à voir avec la science, en tout cas, pas plus que l'art, la religion, l'histoire ou la politique, par exemple ?
Mais effectivement, la philosophie n'a pas plus à voir avec la science que l'art, la religion, l'histoire ou la politique, et toute autre activité humaine, chacune à sa façon s'entend. Mais envisager une rupture radicale ("
définitivement") me semble se fourvoyer : qui pourrait soutenir que les grandes révolutions scientifiques telles que la révolution copernicienne, les découvertes de l'électricité et des ondes électro-magnétiques, celles de la structure atomique et de la physique quantique, aujourd'hui la révolution informatique, n'ont pas eu et n'ont pas un impact considérable dans tous ces domaines, sans excepter la philosophie ? Et quand je parle d'impact, je ne pense pas régression mais approfondissement, car si des parties de certains domaines philosophiques où des faits scientifiques établis s'échappent ainsi en raison de la philosophie, les questions restant pendantes ou les nouvelles questions induites y compris dans ces domaines ouvrent elles de nouveaux champs à la réflexion philosophique. Cette relation, loin d'être ancillaire, me semble enrichissante en retour, le cas du Kant de la critique de la raison pure en étant un exemple bien connu.
PhiPhilo a écrit: Si Wittgenstein écrit, à l'orée du XX° siècle (c'est-à-dire juste après la Grande Guerre) que :
le but de la philosophie est la clarification logique des pensées. La philosophie n'est pas une théorie mais une activité. Une œuvre philosophique se compose essentiellement d'éclaircissements. Le résultat de la philosophie n'est pas de produire des « propositions philosophiques », mais de rendre claires les propositions. La philosophie doit rendre claires, et nettement délimitées, les propositions qui autrement sont, pour ainsi dire, troubles et confuses (Wittgenstein, Tractatus, 4.112)
c'est, précisément, pour se démarquer d'un scientisme béat au motif que :
à supposer que toutes les questions théoriques possibles soient résolues, les problèmes de notre vie demeurent encore intacts (Wittgenstein, Tractatus, 6.52).
Bien d'accord la philosophie est une activité. Mais en quoi consiste cette activité sinon à produire des propositions le cas échéant assemblées en théories ? Que Wittgenstein réclame que les produits finaux de cette activité soient "rendus clairs et nettement délimités", ce n'est pas moi qui y trouverai à redire, et ça ne peut être moins utile dans les rapports de la philosophie avec la science que dans aucun autre de ses domaines. Pour ce qui est du scientisme béat, j'espère avoir fait valoir dans mon premier paragraphe que ce n'était pas ma conception.
Phiphilo a écrit: Et le ralliement de la quasi-totalité des neuroscientifiques à la notion d'Inconscient, même si elle n'est pas exactement celle de la conjecture freudienne.
C'est un euphémisme !
Dire aujourd'hui que la notion d'inconscient admise par les neuroscientifiques est substantiellement éloignée de la conjecture freudienne est me semble-t-il très prématuré. Les équipes qui partout dans le monde ont développé des programmes de recherche à partir des données initiales établissant le fait brut sont parties dans de multiples directions : physiologie cérébrale, recherche médicale, psycho-comportementale, etc., dans chaque branche chaque nouvelle équipe choisissant sa problématique. Les faits établis se multiplient, mais ils sont encore très divers et épars. Comme dans toute recherche scientifique en ébullition, les recoupements et intégrations des données se font à partir des publications et échanges dont la connaissance amène à modifier les problématiques et donc mettre en œuvre de nouveaux dispositifs expérimentaux. Tout ceci est d'autant plus long que le coût desdits dispositifs expérimentaux est tel qu'ils dépendent presque toujours de subventions publiques et donc de décisions d'institutions différentes d'un pays à l'autre et souvent dans un même pays d'une branche à l'autre. Mais l'épuration des schémas de recherche est néanmoins lancée et des percées se feront ici ou là qui l'accéléreront par l'acquisition de nouvelles données spécialement concluantes. Pour terminer, je crois quant à moi que la distance qu'auront à terme les découvertes neuroscientifiques avec la conjecture de Freud sera éminemment dépendante du résultat des recherches qui pourraient être faites (mais qui à ma connaissance ne le sont encore que très peu) sur le rôle des émotions d'une part et d'autre part de la mémoire (cft. Endel Tulving) dans la prise de décision non rationnelle et corrélativement l'établissement des valeurs, qui sont à mon avis justement l'élément déterminant de ces prises de décision non rationnelle.
En attendant, ce n'est pas un beau sujet philosophique, ça ?