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Stephen Hawking et la philosophie

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descriptionStephen Hawking et la philosophie - Page 4 EmptyRe: Stephen Hawking et la philosophie

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Au moins dix années se sont écoulées depuis que j'ai lu les deux livres de Prigogine, et comme je ne suis pas physicien, je n'ai pas gardé le souvenir de ses démonstrations et arguments. Je vous conseille de lire au moins La Nouvelle Alliance, écrit en collaboration avec la philosophe Isabelle Stengers. De mon côté, je vais le relire aussi un de ces jours, afin de retrouver des passages significatifs.

En attendant, je butte sur le problème de m'adresser à un spécialiste de Wittgenstein (en admettant que vous vous considériez comme tel) et de la logique langagière (si je peux utiliser cette expression. Je prends ainsi le risque de vous sembler encore condescendant, si vous avez lu Henri Laborit, médecin-biologiste qui privilégiait une approche physiologique des comportements humains et de la sociologie, et qui utilisait l'expression "logique langagière" d'une façon un peu méprisante, comme "ceux prenant leur domaine d'expertise pour l'alpha et l'oméga de toute réalité", pour reprendre la phrase de pierrepons ici plus haut). Comment expliquer la phrase "Rien n'est écrit d'avance, donc il n'y a pas de vérité définitive" sans étaler l'argumentaire de l'auteur, d'une façon purement logique ? Oserais-je dire que je trouve le rapport de consécution plutôt évident. Ce n'est pas un argument. Je cherche, je cherche, et je ne trouve pas (j'ai dit quelque part que je laissais la philosophie du langage aux philosophes du langage, mais vous me direz peut-être que c'est encore une autre affaire). Oserais-je proposer une analogie ? Non, cela ne vaut pas grand chose, sans doute. Peut-être une citation voisine : "La vie est un mystère à vivre et non un problème à résoudre". C'est de Gandhi, mais ça n'engage que lui, ce n'est pas une démonstration logique. Bref, comme vous le voyez, je patauge dans ce qui me semble davantage une torture mentale qu'un plaisir. Et pourtant je trouve cela évident. Est-ce parce que j'ai lu le livre ?

J'essaie quand même ceci, au risque de vous contrarier : L'expression "tout est écrit" court le monde (peut-être surtout le monde monothéiste) depuis très longtemps. Notre Culture est empreinte d'une sorte de certitude que notre vie est déterminée par la parole divine écrite par les prophètes dans les fameux "livres sacrés". Cette parole détermine une "vérité définitive" : à notre mort, nous irons vivre dans l'au-delà, enfin notre âme, quoiqu'avec la résurrection des corps, on peut espérer mieux, y compris les je-ne-sais-combien de vierges musulmanes dont il faut bien jouir physiquement. Si Hawking, et d'autres physiciens qui croient à "une théorie de tout", pensait que la philosophie disparaitra au profit d'une vision strictement scientifique, je pense que c'est une marque de cette Culture. Mais il remplace la certitude religieuse par une autre certitude : Un jour tout s'expliquera par des équations qui tiendront lieu de "vérité définitive". Qu'est-ce qui nous prouve que ces équations correspondent à "ce qui est écrit d'avance" ? En fait, c'est plus simple : "ce qui est écrit d'avance" = "la vérité définitive". Donc il ne s'agit pas d'un rapport de consécution. C'est juste un effet du scientisme, comme vous dites. Mais cela ne change rien à l'importance des "circonstances actuelles" comme j'écris plus haut. Aujourd'hui, la science fournit la vision du monde qui convient (qui me convient) le mieux, sans la certitude de Hawking. Et la vision de Prigogine est géniale car elle reprend un fait acquis durant les derniers progrès de la science et de la philosophie (Claude Bernard quand il philosophe dans "Introduction à l'étude de la médecine expérimentale", Karl Popper) : les théories scientifiques sont faites pour être remplacées par d'autres théories scientifiques. Il met philosophie et religion au même niveau que la science : devrait-il en être autrement des idées philosophiques et religieuses ?

J'ai perdu mon temps. Il fallait répondre : Je m'suis trompé, m'sieur. J'ai écrit "donc" par erreur. Il faut lire : "Rien n'est écrit d'avance, il n'y a pas de vérité définitive". C'est con. Mais je laisse quand même ce qui est ci-dessus, car je n'aime pas user l'épiderme de mes doigts pour rien.

descriptionStephen Hawking et la philosophie - Page 4 EmptyRe: Stephen Hawking et la philosophie

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Je suis en train de réfléchir à une "vérité empirique" sur un mode conceptuel , un peu sur le mode kantien de l'intuition qui peut être pure ou empirique chez ce philosophe.
Cette vérité empirique serait opposée aux vérités pures dans le sens qu'on ne peut véritablement les ou la découvrir qu'en étant pris dedans.
Comme si on ne pouvait découvrir certaines "règles" d'un jeu ou ce qui s'apparenterait à un jeu qu'en jouant, la seule et unique manière de connaître la dite vérité en question d'où le terme d'empirique.
Par analogie, comme si on ne pouvait apprendre les règles de la roulette qu'en y jouant: soit 1 chance sur 36 de gagner, et que la seule martingale qui existe est celle de d'Alembert je crois .
Une martingale qui a autant de chance de vous mettre sur la paille que vous faire gagner, car on double la mise à chaque fois.
Et une mauvais série, une série par exemple avec 1000 pertes de suite est équiprobable avec une série où l'on perdrait 500 fois et gagnerait la 501ème fois, soit la fois suivante...
Cela fait intervenir une notion connue depuis longtemps, peut-être déjà de Pascal qui a beaucoup travaillé sur le hasard et les probabilités (la machine inventée par lui s'appelait la pascaline), la notion d'espérance mathématique fort utilisée dans les stats et probabilités.

Comme on dit, le hasard n'a pas de mémoire.

descriptionStephen Hawking et la philosophie - Page 4 EmptyRe: Stephen Hawking et la philosophie

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PhiPhilo a écrit:
"La méthode correcte en philosophie consisterait donc en ceci : ne rien dire que ce qui se laisse dire, à savoir les propositions de la science de la nature ; [mais] à supposer que toutes les questions théoriques possibles soient résolues, les problèmes de notre vie demeurent encore intacts"(Wittgenstein, Tractatus, 6.53-6.52). Il n'y a bien, rigoureusement parlant, de vérité que scientifique. En ce sens, la philosophie, qui, depuis depuis toujours, s'emploie, plus ou moins maladroitement, à circonscrire le domaine du vrai, est, de facto, au service de la science. D'accord. Mais là-dessus, Hawking ne nous apprend rien : ça fait au moins vingt-cinq siècles qu'on est courant. En revanche, ce qui, pour le coup, est résolument moderne, c'est qu'on s'est (enfin) aperçu que la valeur de vérité est loin d'être la seule valeur qui ait de la valeur pour l'humaine condition. Outre le vrai, il y a le beau, le juste, le bien etc., c'est-à-dire des valeurs "supérieures" (das Höhere, écrit Wittgenstein), nullement réductibles au vrai, et sur lesquelles, par conséquent la science n'a absolument rien à dire. Et la philosophie encore moins : "la plupart des propositions et des questions qui ont été écrites touchant les matières philosophiques ne sont pas fausses mais dépourvues de sens. Nous ne pouvons en aucune façon répondre à de telles questions, mais seulement établir leur non-sens"(Wittgenstein, Tractatus, 4.003). Tout au plus, cette dernière peut-elle (et doit-elle !) continuer à donner la chasse aux non-sens (sur ce point, cf. aussi Nietzsche, Bergson, Arendt, Rosset et quelques autres) consistant, non à poser des questions absconses et (prétendre) y apporter des réponses dont la soi-disant profondeur n'est que l'autre nom de l'obscurité, mais, tout au contraire, à purger la vie de la tentation de se poser ce genre de pseudo-questions ("Dieu existe-t-il", "y a-t-il une vie après la mort ?", "ma vie a-t-elle un sens ?", ou encore ... le paradoxe du sorite) "pseudo" parce que sans réponse possible : "d’une réponse qu’on ne peut formuler, on ne peut pas non plus formuler la question. Il n’y a pas d’énigme. Si une question peut de quelque manière être posée, elle peut aussi recevoir une réponse"(Wittgenstein, Tractatus, 6.5).


PhiPhilo.

C'est bien écrit, mais il ne semble pas appliquer ce qu'il encense, puisque ne faisant qu'afficher une suite de considérations basée sur on ne sait quoi. Cela manque de rigueur démonstrative. C'est plus de la littérature que de la philosophie au sens où je l'entends : ne pas aligner une suite d'affirmations sans la moindre rigueur logique, la moindre démonstration.
Si on ne peut penser sans science, qu'est-ce qui permet d'initier la science ? Qui pourrait dire ce qui est scientifique de ce qui ne l'est pas ? L'épistémologie ne serait que scientifique ? Mais même, puisque seule la science se justifierait, comment pourrait-elle même démarrer (puisqu'on ne pourrait penser sans science, on ne pourrait lui donner naissance avant qu'elle même existât déjà...). 

"Il n'y a bien, rigoureusement parlant, de vérité que scientifique."
La vérité est la conformité du concept et de son objet (en sus de la "vérité" de cohérence, telle que celle utilisée en mathématiques). Pas besoin de le démontrer, soit il est exact, soit il ne l'est pas (soit il l'est selon un certain point de vue). Pas besoin de science pour confirmer le fait que la voiture bleue devant moi est bleue. Par ailleurs, tout n'est pas démontrable, mais uniquement expérimentable : je ressens telle sensation en tapant sur mon clavier, sensation conceptualisée, intellectualisée, que personne d'autre au monde ne pourra jamais poser dans sa complétude, scientifiquement ou non.
Par ailleurs, la science est la recherche de la vérité, pas la vérité même. Dire quelles sont celles qui sont vraies, et quelles sont celles qui ne le sont pas, n'est pas de la prétention du scientifique sérieux : on est toujours dans la "jusqu'à preuve du contraire". Allier science et vérité de manière dogmatique et présente (actuelle) est tout sauf de la démarche scientifique.


"En ce sens, la philosophie, qui, depuis depuis toujours, s'emploie, plus ou moins maladroitement, à circonscrire le domaine du vrai, est, de facto, au service de la science."

Une nouvelle fois cela revient à identifier science et vrai, ce qui est présomptueux. Science et philosophie s'emploient complémentairement à rechercher la vérité.


"Outre le vrai, il y a le beau, le juste, le bien etc., c'est-à-dire des valeurs "supérieures"
Il y aurait à dire là-dessus, à la fois concernant la validité du juste et du bien, ou encore la relativité du beau, le tout remettant en question leur "valeur supérieure". Je vois plus des niveaux d'évolution des êtres : le juste sera soit limité à l'individualité, soit à la communauté, soit à l'universalité selon le niveau d'évolution de l'être qui le considérera. Même chose pour le beau : le médiocre ne le voit pas tel que le voit l'individu recherchant l'excellence. Quant au bien (en tant qu'antagoniste du mal)...


"la plupart des propositions et des questions qui ont été écrites touchant les matières philosophiques ne sont pas fausses mais dépourvues de sens. Nous ne pouvons en aucune façon répondre à de telles questions, mais seulement établir leur non-sens"
Je souscris totalement à ce passage, y compris concernant Wittgenstein, en n'allant pas plus loin que dans ces courts extraits.


Idem concernant les paradoxes, dont la plupart sont solubles si on ne se laisse pas berner par la mauvaise présentation du problème. Particulièrement, mais pas exclusivement, par l'utilisation faite d'homonymes désignant deux ou plus choses différentes. Et à se limiter au langage sans visualiser le problème.
Paradoxe sorite : 
Tas : Accumulation d'une matière, de choses de même nature ou de nature différente, arrangées avec ou sans ordre et placées les unes sur les autres.
http://www.cnrtl.fr/definition/tas

Pour qu'il y ait tas, il faut donc qu'il y ait au moins deux objets d'une part, mais qu'il y ait empilement d'autre part. La notion de tas dépendra donc des composants utilisés. Si on prend des grains de sable, il suffit d'observer le nombre de grains nécessaire à ce qu'il y ait empilement possible (nécessite probablement une base de plusieurs grains sur lesquels on en placera au moins un). 
Noter que se jeter dans des considérations mathématiques sans se soucier de la nature des composants relève une nouvelle fois de l'absurdité : la mathématique ne se soucie guère de la substance de l'objet : 1 = 1, ne définissant en rien ce que ce 1 incarne. 1 tas de sable plus 1 tas de sable donne un tas de sable si on les réunit : donc 1 + 1 = 1. Sauf que le contenu de l'unité a varié au cours du temps, ce qui explique ce pseudo paradoxe. Si le tas avait été défini précisément (volume occupé), on aurait obtenu 1 + 1 = 2, puisque le résultat obtenu (gros tas de sable) incarnerait toujours 2 tas de sable définis rigoureusement.


La question du sens de la vie est absurde (le sens est donné par une entité pensante, par définition postérieure à l'existence de la vie elle-même : le sens  de la vie, s'il était consensuel ne pouvant donc être défini qu'à posteriori). Cette question du sens amenant la question de la finalité (ce vers quoi les objets tendent), ce qui peut être résolu (le devenir plus des êtres) de manière bien plus objective. On peut y participer, activement (en conscience) ou non, mais il s'agirait de la tendance générale : tant de l'univers dans sa globalité que des êtres qui le constituent. 

descriptionStephen Hawking et la philosophie - Page 4 EmptyRe: Stephen Hawking et la philosophie

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Concernant "rien n'est écrit d'avance, il n'y a pas de vérité définitive".

Nouveau problème de langage. On mélange dans une bouillie indigeste une sorte de Vérité absolue, totale, qui définirait la totalité du Réel : cette "Vérité" définirait tout : à la fois l'ensemble de toutes les théories exactes qui existeront jamais, que toutes la théories qui auraient pu être mais la définissant sous une autre approche (potentiellement une infinité, comme peuvent par exemple l'être les bases numériques permettant de numériser les lois). En parlant de cette "Vérité totale", en effet, tant que tout n'est pas défini, rien ne l'est, car le tout ne l'est pas, et c'est seul ce qui nous intéresserait sous cette approche.

Mais lorsqu'on parle de "vérité", en général, on parle d'une vérité : une vérité parmi une multitude (voire une infinité). La Terre fait-elle partie du système solaire ? Combien font 2 fois 4 ? Quelle heure est-il ? Que je résolve une seule de ces questions, et la vérité définitive aura été établie sur cette question (quand bien même, par principe, je la déclarerais "jusqu'à preuve du contraire" : je ne saurais avec certitude l'avoir résolue, mais le fait est que je l'aurais fait, car ma réponse sera juste, la "réalité" étant le témoin ultime, et muet, de cette vérité établie).

Petite parenthèse qu'aimeraient les physiciens : si, l'histoire "est écrite à l'avance", l'histoire passée, si on regarde du présent et qu'on remonte vers le passé. Ce qui s'est passé est écrit, établi, et la vérité "la seconde guerre mondiale a eu lieu" est définitive puisque déjà écrite, quand bien même on pourrait pinailler sur les détails la concernant parmi les historiens du futur.

Enfin, "la vérité" n'a, selon moi, pas besoin d'être connue : ce n'est que la forme (potentiellement infinie, puisque les points de vue le sont potentiellement) conceptualisée du réel. Le concept Terre est vrai que je l'intellectualise ou non, correctement ou non. Ce qui pourra varier, c'est à la fois ma connaissance de ce concept, et l'adéquation de ce concept avec la conceptualisation que j'en ai.
De manière ultime, aucun concept se rapportant au phénoménal ne pourra être totalement acquis par quelconque individu que ce soit, car pour ce faire, il devrait connaître parfaitement à la fois la substance (particules composant l'objet, tant dans leur nombre que dans leurs positions au cours du temps, et ce pas simplement de manière théorique en le posant sur une formule : car si je prétends connaître parfaitement la substance de la Terre, c'est présentement, donc sans calcul à chaque instant (impossible vue la vitesse de la récurrence de calculs nécessaire) qui permettrait de définir la position de chaque particule). Que dans les interactions dudit objet avec l'ensemble  de l'univers : pour reprendre la Terre, quelles sont ses interactions avec chaque astre, chaque particule, chaque être de l'univers, à chaque instant. En somme, toute connaissance de tout objet phénoménal ne sera jamais que très parcellaire, en ce, le concept qu'on en a.

descriptionStephen Hawking et la philosophie - Page 4 EmptyHawking pointe quelque chose, me semble-t-il ...

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En somme, Hawking pointe qu'au cours des dernières décennies les scientifiques ont produit des résultats (beaucoup) dans leur domaine, c'est-à-dire élucidé des faits, et que les philosophes  ont peu produit de théories novatrices fertiles dans le leur.

A-t-il tort ?

Or depuis la séparation de la Science se la Philosophie, le domaine de celle-ci ne s'est-il pas restreint à ce qui est spécifiquement humain, c'est-à-dire le mental humain, et tout particulièrement ses productions, les valeurs, les émotions, les raisonnements, la mémoire, etc ...

Et si Hawking le laisse entendre sans le dire spécifiquement, peut-être parce que sa vision est celle d'un (astro)physicien, il se pourrait bien, à mon avis, que ce domaine résiduel de la Philosophie soit à la veille d'être à nouveau rogné par des scientifiques, en l'occurrence les Neuroscientifiques dont les mises en évidence de nos fonctionnements psychiques se multiplient ces dernières années.

Les philosophes n'ont-il aucun rôle à jouer dans ce processus ?

Ils ne sont certes pas formés ni équipés pour fournir les réponses, mais poser les bonnes questions, ou plutôt bien poser les questions, ne serait-ce pas là leur affaire ?

Eric Jalmasque.
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