"Comme toutes les sciences, les neurosciences ont pour mission d'objectiver expérimentalement des faits inductfs d'une théorie et non pas de confirmer ce qui n'est, de la part de Freud ou d'anti-Freud ou de tout autre, en l'absence de tout fait expérimental méthodologiquement valide, vérifiable et reproductible, qu'une conjoncture, aussi féconde puisse-t-elle être en concepts et autres retombées psychologiques".Certes. Toute entreprise de confirmation ou d'infirmation des thèses de Freud est, de toute façon, vouée à l'échec pour la raison que"l’explication de Freud fait ce que fait l’esthétique : elle met deux facteurs l’un à côté de l’autre [...]. La question "quelle est la nature d'un mot d'esprit ?" est analogue à la question "quelle est la nature d'un poème lyrique ?"(Wittgenstein, Cours de Cambridge 1932-1935). Autrement dit, pour les motifs que vous évoquez et contrairement à ce que Freud a sans doute cru de bonne foi au début de ses recherches, d'une part la psychanalyse freudienne n'a absolument rien d'une technique médicale. Wittgenstein montre qu'en fait, c'est plutôt quelque chose comme une mise en scène théâtrale. C'est même exactement ce qui explique son succès (et aussi, dans un certain nombre de cas, son échec) : "il y a de nombreuses personnes qui, à un moment de leur vie, éprouvent des troubles si sérieux qu’ils peuvent conduire à des idées de suicide, [...] et qui peuvent ressentir un immense soulagement si on est ne mesure de leur montrer que leur vie a l’allure d’une tragédie"(Wittgenstein, Conversation sur Freud). D'autre part, toujours pour les mêmes raisons, son soubassement "méta-psychologique" (ce sont les termes de Freud) n'a rien de scientifique. Wittgenstein l'assimile, ni plus ni moins, à un courant philosophique : "repérer un mécanisme est une façon de trouver la cause, [mais] Freud a trouvé une façon tout à fait nouvelle de rendre compte d’une explication : non pas une explication conforme à l’expérience (cause) mais une explication simplement acceptée (raison). [En effet], certaines explications (par exemple en psychanalyse) ne sont pas conformes à l’expérience mais sont simplement satisfaisantes [dans le sens où] certaines explications exercent, à un moment donné, une attraction irrésistible"(Wittgenstein, Leçons sur l’Esthétique, III). Et, précisément, ce qui fait le succès d'une thèse philosophique dans un contexte socio-historique donné, c'est l'attraction irrésistible qu'elle suscite. Or, les thèses (et non les théories) philosophiques étant des tautologies (cf. Tractatus), autrement dit étant étrangères à la sphère du vrai, on voit mal comment une science pourrait les prendre en défaut.
""Toutes les questions théoriques possibles", au sens de votre citation c'est-à-dire susceptibles d'une problématique rationnelle ne pouvant jamais être "résolues" (théorèmes d'incomplétude de Gödel etc ...)". Les théorèmes de Gödel n'ont rien à voir avec notre problématique car ils ne concernent que les systèmes entièrement formalisés (c'est-à-dire logiques ou mathématiques) et non pas ceux qui, comme les sciences, ont recours à l'expérimentation et, donc, introduisent des éléments de preuve non formalisables. Bref, l'"incomplétude" (au sens de Gödel) des théories scientifiques n'a pas à être prouvée par des théorèmes. Elle découle naturellement du caractère "ouvert" (cf. Popper) de tout processus expérimental. Ce dont Wittgenstein est, bien entendu, parfaitement conscient. Lorsqu'il dit qu'"à supposer que toutes les questions théoriques possibles soient résolues, les problèmes de notre vie demeurent encore intacts"(Tractatus, 6.52), il opère un passage à la limite dans un raisonnement contrefactuel : outre la valeur de vérité, il y a tellement d'autres valeurs qui ont pour nous de la valeur, qu'à la limite, même si toutes les questions théoriques possibles étaient résolues (ce qui ne sera jamais le cas), donc même si nous possédions la vérité sur toute chose, notre vie humaine n'en serait qu'à peine moins problématique. "L'erreur me semble-t-il est de croire que la ligne de partage des eaux est immuable entre les deux domaines" : non, bien sûr, entre valeur de vérité et autres valeurs, la frontière n'est pas fixée une fois pour toutes. Sauf que, historiquement, c'est le domaine du vrai scientifique qui se rétrécit au profit du beau (l'harmonie), du juste (la politique), de l'efficace (la technique), du nécessaire (les mathématiques), du sagace (la philosophie), etc. Rappelons tout de même que pour Platon, tous ces domaines appartiennent à ce qu'il appelle "la philosophie", c'est-à-dire, comme "les vrais philosophes sont ceux qui aiment le spectacle de la vérité"(Platon, République, V, 475e), ce que nous appellerions aujourd'hui (mais Platon en fait déjà un synonyme de "philosophie), "la science".
"Le propre des acquisitions scientifiques, c'est de doter homo sapiens de la capacité de modifier, au-delà de ses moyens naturels pour ce faire, la réalité physique, modifications dont l'impact psycho-émotionnel finit par modifier les valeurs de sociétés humaines entières. Si l'animisme originel de l'humanité a quasiment disparu de la surface de la terre, la maîtrise du feu, l'invention de l'agriculture et de l'élevage, de la métallurgie et des armes et outils qu'elle a permis en sont les causes premières et on peut continuer comme vous l'avez du reste évoqué vous-même avec les révolutions coperniciennes, industrielles, informatiques, etc ... En somme, ce qui fait d'abord bouger la ligne de partage des eaux entre rationalité et valeurs, ce sont d'abord les acquisitions scientifiques". Comme si l'humanité avait attendu l'avènement de la science expérimentale (au XVII° siècle de notre ère et dans notre civilisation !) pour "doter homo sapiens de la capacité de modifier, au-delà de ses moyens naturels pour ce faire, la réalité physique" ! Car, comme Marx l'a montré, le fondement de la modification de la nature par l'homme, c'est la technique, et non pas la science. Or, non seulement la volonté humaine de perfectionner la technique est bien antérieure à celle de la théoriser abstraitement sous la forme de modèles scientifiques (les Egyptiens, les Sumériens, les Incas n'avaient aucune notion scientifique au sens moderne - post-kantien - de ce terme), mais, de plus, elle s'est longtemps nourrie (cf. Paul Feyerabend dans Against Method) des croyances les plus irrationnelles, les plus superstitieuses, voire les plus farfelues. Il est significatif que, tous les exemples que vous donnez, sont des exemples de techniques et non de sciences. Encore une fois, que la science instruise la technique en lui évitant un certain nombre de tâtonnements sans issue et, partant, en accélère sa progression, cela ne fait pas de doute, de même, je le disais supra, qu'elle impacte aussi la littérature, la philosophie, la politique, la religion etc. Mais réciproquement : la science a besoin de la technique non seulement pour formuler ses hypothèses, mais aussi et surtout pour procéder à ses expérimentations. C'est évidemment, l'interaction (d'ailleurs plus souvent conflictuelle que consensuelle, mais ceci est un autre problème) des diverses formes d'activités humaines résultant de la division sociale du travail qui constitue le moteur de l'histoire et de ses évolutions. Bref, il n'y a aucune raison sérieuse de penser que "ce qui fait d'abord bouger la ligne de partage des eaux entre rationalité et valeurs, ce sont d'abord les acquisitions scientifiques". Ce que vous dites là est symptomatique de cette confusion conceptuelle aujourd'hui encore (je dis "encore" parce qu'elle est tout de même moins répandue qu'au début du XX° siècle) largement partagée que Wittgenstein appelle le "scientisme" et qui repose sur le fantasme d'une sorte d'éminence de l'activité scientifique.
"Je pense tout à fait injuste votre affirmation comme quoi les neurosciences singent "les sciences expérimentales en prétendant objectiver quelque chose comme l'esprit", ne serait-ce que parce qu'elles ne cherchent pas à objectiver "l'esprit", mais le fonctionnement de l'esprit, tout comme la maîtrise du feu n'a pas été l'objectivation du feu en soi mais celle de son usage". Toujours la même confusion entre science et technique, entre théorie et pratique. Cela dit, la différence entre les "neuro-sciences" (pour ne rien dire des "sciences" économiques, politiques ou encore - c'est très tendance - de l'éducation !) et, mettons, les sciences biologiques ("sciences de la vie"), c'est que celles-là, contrairement à celles-ci, n'ont pas d'objet. Vous le dites vous-mêmes : "elles ne cherchent pas à objectiver "l'esprit"". Ce qui est quand même très gênant pour des "sciences" au sens moderne du terme. Car alors, sur quoi vont bien pouvoir porter leurs expérimentations ? On imagine mal un corpus théorique décrivant le fonctionnement d'un tissu cellulaire sans possibilité d'objectiver au moyen d'une définition (peu importe que celle-ci soit intensionnelle, extensionnelle ou ostensive) ledit tissu cellulaire. D'où la pertinence du rapprochement que Wittgenstein opère entre les neuro-sciences et la méta-psychologie freudienne incapable, elle aussi, d'objectiver l'inconscient.
""Toutes les questions théoriques possibles", au sens de votre citation c'est-à-dire susceptibles d'une problématique rationnelle ne pouvant jamais être "résolues" (théorèmes d'incomplétude de Gödel etc ...)". Les théorèmes de Gödel n'ont rien à voir avec notre problématique car ils ne concernent que les systèmes entièrement formalisés (c'est-à-dire logiques ou mathématiques) et non pas ceux qui, comme les sciences, ont recours à l'expérimentation et, donc, introduisent des éléments de preuve non formalisables. Bref, l'"incomplétude" (au sens de Gödel) des théories scientifiques n'a pas à être prouvée par des théorèmes. Elle découle naturellement du caractère "ouvert" (cf. Popper) de tout processus expérimental. Ce dont Wittgenstein est, bien entendu, parfaitement conscient. Lorsqu'il dit qu'"à supposer que toutes les questions théoriques possibles soient résolues, les problèmes de notre vie demeurent encore intacts"(Tractatus, 6.52), il opère un passage à la limite dans un raisonnement contrefactuel : outre la valeur de vérité, il y a tellement d'autres valeurs qui ont pour nous de la valeur, qu'à la limite, même si toutes les questions théoriques possibles étaient résolues (ce qui ne sera jamais le cas), donc même si nous possédions la vérité sur toute chose, notre vie humaine n'en serait qu'à peine moins problématique. "L'erreur me semble-t-il est de croire que la ligne de partage des eaux est immuable entre les deux domaines" : non, bien sûr, entre valeur de vérité et autres valeurs, la frontière n'est pas fixée une fois pour toutes. Sauf que, historiquement, c'est le domaine du vrai scientifique qui se rétrécit au profit du beau (l'harmonie), du juste (la politique), de l'efficace (la technique), du nécessaire (les mathématiques), du sagace (la philosophie), etc. Rappelons tout de même que pour Platon, tous ces domaines appartiennent à ce qu'il appelle "la philosophie", c'est-à-dire, comme "les vrais philosophes sont ceux qui aiment le spectacle de la vérité"(Platon, République, V, 475e), ce que nous appellerions aujourd'hui (mais Platon en fait déjà un synonyme de "philosophie), "la science".
"Le propre des acquisitions scientifiques, c'est de doter homo sapiens de la capacité de modifier, au-delà de ses moyens naturels pour ce faire, la réalité physique, modifications dont l'impact psycho-émotionnel finit par modifier les valeurs de sociétés humaines entières. Si l'animisme originel de l'humanité a quasiment disparu de la surface de la terre, la maîtrise du feu, l'invention de l'agriculture et de l'élevage, de la métallurgie et des armes et outils qu'elle a permis en sont les causes premières et on peut continuer comme vous l'avez du reste évoqué vous-même avec les révolutions coperniciennes, industrielles, informatiques, etc ... En somme, ce qui fait d'abord bouger la ligne de partage des eaux entre rationalité et valeurs, ce sont d'abord les acquisitions scientifiques". Comme si l'humanité avait attendu l'avènement de la science expérimentale (au XVII° siècle de notre ère et dans notre civilisation !) pour "doter homo sapiens de la capacité de modifier, au-delà de ses moyens naturels pour ce faire, la réalité physique" ! Car, comme Marx l'a montré, le fondement de la modification de la nature par l'homme, c'est la technique, et non pas la science. Or, non seulement la volonté humaine de perfectionner la technique est bien antérieure à celle de la théoriser abstraitement sous la forme de modèles scientifiques (les Egyptiens, les Sumériens, les Incas n'avaient aucune notion scientifique au sens moderne - post-kantien - de ce terme), mais, de plus, elle s'est longtemps nourrie (cf. Paul Feyerabend dans Against Method) des croyances les plus irrationnelles, les plus superstitieuses, voire les plus farfelues. Il est significatif que, tous les exemples que vous donnez, sont des exemples de techniques et non de sciences. Encore une fois, que la science instruise la technique en lui évitant un certain nombre de tâtonnements sans issue et, partant, en accélère sa progression, cela ne fait pas de doute, de même, je le disais supra, qu'elle impacte aussi la littérature, la philosophie, la politique, la religion etc. Mais réciproquement : la science a besoin de la technique non seulement pour formuler ses hypothèses, mais aussi et surtout pour procéder à ses expérimentations. C'est évidemment, l'interaction (d'ailleurs plus souvent conflictuelle que consensuelle, mais ceci est un autre problème) des diverses formes d'activités humaines résultant de la division sociale du travail qui constitue le moteur de l'histoire et de ses évolutions. Bref, il n'y a aucune raison sérieuse de penser que "ce qui fait d'abord bouger la ligne de partage des eaux entre rationalité et valeurs, ce sont d'abord les acquisitions scientifiques". Ce que vous dites là est symptomatique de cette confusion conceptuelle aujourd'hui encore (je dis "encore" parce qu'elle est tout de même moins répandue qu'au début du XX° siècle) largement partagée que Wittgenstein appelle le "scientisme" et qui repose sur le fantasme d'une sorte d'éminence de l'activité scientifique.
"Je pense tout à fait injuste votre affirmation comme quoi les neurosciences singent "les sciences expérimentales en prétendant objectiver quelque chose comme l'esprit", ne serait-ce que parce qu'elles ne cherchent pas à objectiver "l'esprit", mais le fonctionnement de l'esprit, tout comme la maîtrise du feu n'a pas été l'objectivation du feu en soi mais celle de son usage". Toujours la même confusion entre science et technique, entre théorie et pratique. Cela dit, la différence entre les "neuro-sciences" (pour ne rien dire des "sciences" économiques, politiques ou encore - c'est très tendance - de l'éducation !) et, mettons, les sciences biologiques ("sciences de la vie"), c'est que celles-là, contrairement à celles-ci, n'ont pas d'objet. Vous le dites vous-mêmes : "elles ne cherchent pas à objectiver "l'esprit"". Ce qui est quand même très gênant pour des "sciences" au sens moderne du terme. Car alors, sur quoi vont bien pouvoir porter leurs expérimentations ? On imagine mal un corpus théorique décrivant le fonctionnement d'un tissu cellulaire sans possibilité d'objectiver au moyen d'une définition (peu importe que celle-ci soit intensionnelle, extensionnelle ou ostensive) ledit tissu cellulaire. D'où la pertinence du rapprochement que Wittgenstein opère entre les neuro-sciences et la méta-psychologie freudienne incapable, elle aussi, d'objectiver l'inconscient.