Aldolo a écrit: L'important j'imagine est qu'ils soient intelligibles, et pour se faire il est forcément difficile d'éviter tout référent... mais tant que le référent est intégré dans le concept et expliqué comme tel, ça ne pose pas de problème particulier.
Si le référent est intégré au concept et que le concept est créé de toute pièce, alors le concept a pour seul référence lui-même.
Aldolo a écrit: Le plan sur lequel les concepts s'ordonnent par contre, se doit effectivement d'être construit sur une base neutre, immanente : c'est la façon dont ils s'articulent qui formalise cette base et non je-ne-sais quelle vérité immuable ou transcendante qu'il n'y aurait pas à discuter. Si le plan d'agencement des concepts n'est pas neutre, c'est justement toute la logique de l'articulation des concepts entre eux qui se trouve totalement remise en question
C'est bien beau tout ça, mais je me demande comment cela peut se manifester. Expliquez-moi comment cela se passe, quand on pense comme ça. Comment faites-vous pour créer un "plan d'immanence" sur une base neutre. Car au-delà du sens de ces formules, que je trouve douteuses, je ne vois vraiment pas comment une philosophie peut se déployer ainsi.
Aldolo a écrit: tout dépend alors du transcendant ou du présupposé en question, rien ne peut y échapper !
Et alors on retombe dans des formes fixes, éternellement figées, sans qu'on soit jamais en position de les remettre en question, qu'il s'agit simplement d'articuler entre elles. Il n'y a plus de place pour une quelconque nouveauté en philosophie, on tourne en rond : la philosophie est morte.
Il suffit de lire Platon pour voir que ce n'est pas vrai, que ce n'est qu'une idée reçue. La théorie platonicienne des idées, par exemple, ne tourne en rond que si l'on persiste à penser que Platon = livre 6 et 7 de la République. Trop nombreux sont ceux qui réduisent Platon a cette espèce de tour de magie que seraient les idées, sans continuer le chemin de Platon, qui écrit par la suite des œuvres qui ébranlent littéralement le schéma dans lequel on enferme sa pensée, je pense notamment au
Sophiste et au
Parménide.
Aldolo a écrit: Formaliser au plus près le réel, disons que c'est décrire au mieux à quoi peuvent ressembler les événements (les situations, les états de conscience, les problèmes de manière très générale) auxquels chacun est susceptible d'être confronté au cours d'une vie. C'est essayer de comprendre "comment ça fonctionne"... mettre ça en mots, de façon intelligible, logique, raisonnée.
Aldolo a écrit: Ce que pose Deleuze avec son plan d'immanence, c'est un cadre, et un cadre neutre. Un cadre à partir duquel chaque philosophe peut assumer une pensée forcément subjective (pas question d'objectivité bien sûr).
Et comment faites-vous pour vous rapprocher du réel, quand vous créer des concepts ainsi que le plan d'immanence dans lequel ils se trouvent ? Où peut donc bien se trouver le rapport au réel dans une telle perspective ? Sur quel(s) critère(s) pouvons-nous juger de la qualité d'un concept, puisque celui-ci est crée sur une "base" elle-même créée par le penseur. Autrement dit, quelle place reste-t-il au réel, quand la pensée entière est une création à partir de rien (car c'est bien ça dont il s'agit, créer à partir de rien, "sur une base neutre", comme vous dites).
Quand d'une part on réduit la philosophie à une création de concepts, et qu'en plus cette création se fait
ex nihilo, le risque est gros de se perdre dans toute cette abstraction. Platon au moins avait le sens aigu de la réalité (cela n'est en rien contradictoire avec les idées) dans la mesure où l'action (la πραξις) était le but ultime. Platon n'a rien de l'intellectuel crasseux qui pense pour faire celui qui sait. Il est appelé par le réel, au sens où son projet est de conformer son action à ce qui est. On retrouve ici les deux piliers de la philosophie : axiologie et ontologie. La philosophie n'est philosophie que par l'action, qui constitue comme un point de rencontre entre l'abstraction de la pensée (la raison, si l'on veut) et la réalité de l'expérience. Dites-moi donc : entre celui qui pense des abstractions qu'il crée seulement à partir de lui-même et n'ayant aucun référent sinon un plan qu'il crée lui-même également, et celui qui s'acharne à positionner son action sur une valeur ontologique adéquate, qui est le plus éloigner du réel ?
Vous disiez plus haut que ce cadre neutre et cette création de concept étaient ce qui garantissait la survie de la philosophie. Mais quand la philosophie n'est plus que du concept, quand le philosophe n'est plus qu'un jongleur habile, j'ai du mal à voir où se trouve encore la philosophie...