Vangelis a écrit: [...] mais on ne peut nier le fait qu'il y ait eu un temps où la terre existait ainsi que sa flore et sa faune sans aucune conscience pour en rapporter quoi que ce soit. De même qu'après votre disparition, rien d'autre ne disparaîtra sauf à son tour. En affirmant ce que vous dites vous êtes dans un idéalisme à la Berkeley.
Vous touchez du doigt la vision hors de laquelle vous semblez incapable de sortir (philosophiquement parlant) et dénoncée - c'est en partie le but de son dernier livre - par Bitbol de manière magistrale : on
peut le nier, le mettre en doute, en allant bien plus loin que Berkeley. Il ne s'agit d'ailleurs ici même plus d'idéalisme (tout autant critiqué que le monisme physicaliste ou que le dualisme) mais de se rendre compte que le monisme physicaliste n'est en rien une certitude métaphysique mais bien une
hypothèse pragmatique. Voici un court extrait (attention, cet extrait n'a pas la prétention d'illustrer la manière dont Bitbol pose ses arguments à l'encontre de ce qui [semble] compose[r] le cœur des vôtres) :
M. Bitbol p.242 a écrit: Si l'on voulait redire en d'autres termes pourquoi la conscience ne saurait être saisie par aucune apparition constatable au pluriel d'un "nous" universel, et ne relève donc pas à bon droit du concept de "propriété" d'un corps, on citerait deux raisons principales. La première est que la pseudo-propriété conscience ne se manifeste à vrai dire par aucun phénomène. Les critères corporels externes de vigilance, qui tiennent lieu de phénomènes-de-conscience pour l'attitude naturelle, ne la montrent pas elle-même, mais se contentent de servir d'indices de sa présence par inter-convertibilité avec la pure monstration qui s'origine spatialement dans ce corps-ci, dans ce corps propre actuellement vigile. La conscience au sens primaire s'identifie au fait brut de la phénoménalité ; elle ne se révèle pas en tant que phénomène au sens premier d'apparition ; elle n'est montrable nulle part, mais conditionne le se-montrer. La seconde raison, dissimulée dans la première, est qu'en ce qui concerne la conscience, le constat ne se fait jamais qu'au singulier [...]. La seule preuve indiscutable de la conscience, la seule certification dénuée d'ambiguïté, il faut sans cesse le rappeler, est l'expérience vécue en première personne.
Vangelis a écrit: Concernant Bitbol, je n'ai rien à redire et ne vois pas où ces extraits se heurteraient à mes propos. Je ne confonds pas la conscience de soi et la conscience réflexive.
J'ai eu un doute lorsque j'ai lu :
Vangelis a écrit: La réflexivité implique un retour au sujet.
Mais si vous admettez qu'il est possible de parler de conscience réflexive sans conscience de soi, alors voici déjà un éclaircissement bienvenu sur lequel nous pourrons compter dans nos futurs débats.
De surcroît, j'avoue être surpris de vous voir en accord avec cette phrase :
M. Bitbol a écrit: En l'absence d'un tel acte intellectuel, dans le simple aperçu d'une activité de questionnement au fond de l'abîme creusé par la question sceptique, ce qu'on trouve n'est pas "soi", et encore moins un étant (une chose), mais ce qu'il y a en tant que pur apparaître
Car il rejette là on ne peut plus clairement l'idée d'un être, d'un étant. Il n'y a pas d'être, mais seulement un pur apparaître.