Si Leibniz me parle de l'atome à peu près de la façon dont en parle Démocrite, c'est-à-dire comme d'un existant indivisible : a-tomein, devrais-je prendre ses propos pour argent comptant sous prétexte que c'est un "grand maître de la pensée humaine" ?
Vous n'avez toujours pas compris que nous sommes ici sur un forum de philosophie. Il ne s'agit donc nullement d'y prendre quelques propos que ce soit "pour argent comptant" (on fait ça dans les sectes, en religion, en politique, en journalisme mais certainement pas en philosophie) mais de nous laisser éclairer, orienter, influencer, instruire, inciter à méditer et à réfléchir par lesdits propos au motif que nous avons tout intérêt, minuscules nabots que nous sommes, à nous hisser sur les épaules de ces quelques géants de la pensée !
La science moderne nous apprend pourtant qu'un atome est une entité composite, faite de particules qui, elles-mêmes, au moins pour les protons et les neutrons, se subdivisent en quarks, que cette entité composite met en jeu dans sa structure des types de forces différents etc. etc..
"
Il est hors de doute que la question de l'individualisation, de l'identité [des atomes], n'a vraiment et réellement aucune signification [...]. Dans les corps tangibles, composés d'atomes, l'individualité provient de la structure, de l'assemblage, de la figure ou de la forme, ou encore de l'organisation comme nous pourrions dire dans d'autres cas. […] Il n’y a aucune observation possible de la forme d’un atome, ce ne sont que des formules mathématiques"(Schrödinger,
Physique Quantique et Représentation du Monde). Votre modernité date un peu, ce me semble !
Par ailleurs, quelle que soit la conception de l'atome que vous adopterez, dans tous les cas "
la notion de "référence à" doit être reclassée en notion de "vérité de", et l’expression singulière f(A) doit être reclassée en expression générale d’extension singulière "il existe un x tel que {f(x) et (x=A)}""(Quine,
le Domaine et le Langage de la Science, iii). En d'autres termes, c'est cette métaphysique sous-jacente qui, explicitement, au moyen d'un discours d'autorité réputé vrai, détermine la nature ontologique de ce que nous appelons "réalité". Il va de soi que la nature de l'atome n'échappe pas à cet enrôlement et que le terme "atome" ne
réfère pas plus à "
une entité composite, faite de particules qui, elles-mêmes, au moins pour les protons et les neutrons, se subdivisent en quarks, que cette entité composite met en jeu dans sa structure des types de forces différents" que
pi ne
réfère au rapport irrationnel d'une circonférence à son diamètre. Dans les deux cas, c'est d'une définition, vraie ou fausse, qu'il s'agit. Il ne saurait donc exister qu'une simple différence géo-historique d'adhésion culturelle à la définition de l'atome par Démocrite par Rutherford ou par Schrödinger.
Il me semble par ailleurs, mais vous me corrigerez si je me trompe, que Leibniz a écrit sa Théodicée d'abord pour traiter le plus philosophiquement possible le problème de la transsubstantiation, problème dont on ne peut pas tout à fait dire qu'il ne soit pas et même assez étroitement théologique. Enfin, c'est bien la question de la providence divine qui le préoccupe et qu'il traite d'une façon dont cet idiot de Voltaire osera se moquer.
Pas du tout. Les
Essais de Théodicée sont une tentative de concilier la justice divine (Θεοũ δίκη) avec l'existence du mal. En l'occurrence, "
une spontanéité exacte nous est commune avec toutes les substances simples, et dans la substance intelligente ou libre elle devient un empire sur ses actions ; ce qui ne peut être mieux expliqué que par le système de l'harmonie préétablie, que j'ai proposé il y a plusieurs années. J'y fais voir que naturellement chaque substance simple a de la perception, et que son individualité consiste dans la loi perpétuelle qui fait la suite des perceptions qui lui sont affectées, et qui naissent naturellement les unes des autres, pour représenter le corps qui lui est assigné, et, par son moyen, l'univers entier, suivant le point de vue propre à cette substance simple, sans qu'elle ait besoin de recevoir aucune influence physique du corps ; comme le corps aussi, de son côté, s'accommode aux volontés de l'âme par ses propres lois, et par conséquent ne lui obéit qu'autant que ces lois le portent. D'où il s'ensuit que l'âme a donc en elle-même une parfaite spontanéité, en sorte qu'elle ne dépend que de Dieu et d'elle-même dans ses actions"(Leibniz,
Essais de Théodicée). Bref, l'"harmonie pré-établie" de l'univers n'implique pas l'absence du mal, mais, tout au contraire, en raison de la spontanéité imparfaite des monades, le produit, l'entretient et s'en accommode parfaitement (encore un élément de rapprochement avec le taoïsme).
C'est là le fondement de ce qu'il est convenu d'appeler l'"optimisme" leibnizien, lequel ne consiste pas à proclamer, à l'instar de Pangloss, que "tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles". C'est cette formule que raille Voltaire, beaucoup moins naïvement que vous avez l'air de le penser, et qui résume la compréhension abâtardie que le vulgaire se fait de l'"optimisme" (et qui, d'ailleurs est encore celle qui a cours de nos jours). Pour Leibniz, la configuration de l'univers est telle qu'il ne pourrait être autre qu'il n'est actuellement. Sous-entendu : il existe d'autres univers possibles, mais seul l'univers actuel réunit toutes les conditions de compossibilité de l'entièreté de ses éléments et des lois qui règlent leurs relations. En ce sens, le monde actuel atteint effectivement ce que Wifrid Pareto appellera "un optimum", c'est-à-dire, en latin, un "meilleur possible". Raison pour laquelle Dieu étant infiniment savant, juste et bon (par définition), il ne pouvait choisir un autre monde que ce "meilleur possible" qu'est, précisément,
notre monde.
Encore une fois, il serait préférable que vous lisiez Leibniz et que vous le compreniez en philosophe avant que d'en parler à tort et à travers.
Pour ma part j'interviens dans ce fil d'abord en fonction de la question que j'ai posée au départ.
... et dont on ne voit décidément pas le rapport avec la "science", et ce, quelle que soit l'acception que l'on donne à ce terme.