Euterpe a écrit:@clément dousset
Où en êtes-vous de votre intéressante réflexion ?
Vos derniers propos me paraissent confirmer que vous êtes plus leibnizien qu'il ne vous semble. J'ai bien noté ce que vous m'aviez répondu, mais il se pourrait que la physique et la chimie, comme références incontournables, et même comme inconcussum quid de votre réflexion, expliquent une part des apories dont vous parlez. Pour cette raison, il me semble que Pierre Duhem constituerait une médiation intéressante avant d'entrer pleinement dans l'œuvre de Leibniz. Je vous propose de lire un article de Jean-François Stoffel : "Pierre Duhem et la revendication d’une tradition phénoménaliste". Il ne s'agit certes pas de rejeter la physique comme référence, mais de vous situer dans des dispositions intellectuelles plus propices à l'examen de vos deux hypothèses de structure de l'être et d'un plan de réalité pour elles-mêmes (perspective téléologique).
Cette hypothèse ouvre deux pistes, latentes dans votre dernier développement, mais qui ne parviennent pas à s'articuler l'une à l'autre dans la mesure où dans votre réflexion, on trouve une autre référence qui constitue un inconcussum quid concurrent du premier avec lequel vous voudriez pouvoir l'articuler : l'instance du moi (d'où cette impression générale d'une construction encore syncrétique) :
- La piste régressive de Leibniz à Aristote, qui implique de reprendre les notions grecques de δύναμις (dýnamis) et d'ἐνέργεια (enérgeia) — pour ces deux notions, je vous conseille de commencer par le Phèdre de Platon, entre 259b et 270d (plutôt dans la trad. de Brisson chez GF) — de puissance et d'acte, d'entéléchie (contient le même mot grec que téléologie : le τέλος), voire de cause finale
- La piste, elle aussi régressive, de Kant à Descartes, avec la question du sujet, du solipsisme
Or, cette question du sujet est l'une des principales difficultés à surmonter pour rendre ces deux pistes plus compatibles. Cela impose une approche plus dialectique encore dans votre démarche intellectuelle (qui confine parfois à la logique de l'apparence au sens kantien, cosmologie et psychologie rationnelles seulement) puisque votre position exclut de renoncer à l'un ou l'autre de vos deux inconcussa. Ici, la section 5.6 (dont le point de départ se trouve en 5.5421) du Tractatus logico-philosophicus de Wittgenstein auquel PhiPhilo se réfère souvent vous sera d'autant plus utile que Wittgenstein est un lecteur assidu de Schopenhauer (et de lui à Kant, le pas est vite franchi).
Il faudrait également pouvoir clarifier l'usage que vous faites de notions comme la conscience (pas assez distincte de la sensation et de la perception) mais aussi des notions d'essence et de substance, pour ménager des transitions plus fines entre les étapes de votre réflexion — intéressante en ceci que la conception que vous élaborez n'est pas sans faire écho, quant à la démarche, au Timée de Platon, et/ou au Benedetto Croce des Essais d'esthétique, pour ses notions d'intuition et d'expression, ce qui nous ramène à la logique de l'apparence avec les idées du moi et du monde (psychologie et cosmologie).
Merci Euterpe pour votre très intéressant message que je découvre un peu par hasard. Il semble que la fonction du forum consistant à avertir des réponses reçues dans les fils qu'on a ouverts n'ait pas fonctionné. Je remets à plus tard d'y répondre précisément. J'ai en ce moment en tête un article où je voudrais comparer divers types de mécanismes présidant aux changements de direction de corps en mouvement pour essayer d'isoler le mécanisme propre à produire une quantité minimale de conscience. Et cet article est toujours à l'état de projet ! Vos propos sont un aiguillon pour me pousser à lire et travailler !