Lorsqu’on intervient dans un fil de discussion, c’est généralement pour exprimer sa façon de voir sur un sujet donné. C’est ce que je fais ici comme ailleurs. Il se trouve que tant sur la nature et la genèse de la conscience que sur le contenu de ce qui est plausible après la mort, sujets des deux fils que j’ai lancés, ma façon de voir dépend de l’ensemble de mes conceptions métaphysiques. C’est l’unique raison pour laquelle je me permets d’en parler. Et comme je veux m’assurer qu’on l’ait bien comprise, je vais essayer de les reprendre le plus clairement, le plus simplement que je puis.
Il y a toujours un principe simple qui est à la base de notre conception des choses et sans lequel elle ne saurait tenir. Le mien est qu’il existe la nécessité d’un objet. Si rien n’était nécessaire, je me trouve devant le mystère du monde comme devant un mur à escalader sur lequel n’existerait aucune prise : je renonce à comprendre quoi que ce soit.
Sans doute toutes les réalités que j’envisage, que je découpe et isole dans la masse des existants : le soleil, la terre, un caillou, une particule, un arbre, un oiseau, me paraissent bien pourvues d’une nécessité immanente, être le produit sûr d’un jeu de causes et d’effets. Mais si ce jeu se perd dans la nuit des temps au fond de laquelle nulle nécessité transcendante d’un de ces objets ne transparaît, alors ils m’apparaissent tous semblablement gratuits.
Concevoir l’objet qui serait nécessaire apparaît bien malaisé dès l’abord. Non, si l’on va au plus simple. Et le plus simple serait que cet objet soit moi. Moi sans lequel toute préoccupation d’un objet nécessaire n’existerait pas. Mais il y a en moi tant de choses que la question du choix ressurgit aussitôt. Si je me vois comme réalité pensante avec tout ce que la pensée comprend de complexité mouvante, l’objet de mon choix apparaît vite trop difficilement saisissable. Si je me vois comme réalité sentante et voulante, je puis assez aisément concevoir une entité qui se confondrait avec l’intensité d’un ressenti et d’une volonté et qui serait ainsi constituée par la combinaison de trois forces, celle d’un désir produit par un état de mal être et voulant s’en éloigner, celle d’un désir produit par un état de bien-être et voulant s’en rapprocher, celle d’un désir produit par une volonté d’être et voulant la perpétuer.
C’est le jeu de ces trois forces internes à une même réalité strictement semblable à celle de la perpétuation de mon moi qui constituerait l’objet nécessaire et que j’appelle l’être tout simplement. Avant d’envisager plus avant quelle forme pourrait prendre la structure de l’être, je m’interroge sur la signification de cette phrase : « l’être est un objet nécessaire. » Plus précisément je me demande ce qui différencierait un objet nécessaire d’un objet qui ne l’est pas. Quel est finalement l’intérêt de ce concept d’objet nécessaire ? Dire qu’un objet est nécessaire ne veut pas dire qu’il existe nécessairement. La nécessité d’un objet n’entraîne pas obligatoirement son existence. Et cela est un point fondamental. Un objet nécessaire peut exister ou pas, comme tout objet, selon une nécessité immanente. Il ne peut pas exister si la nécessité immanente qui produirait cet objet n’existe pas. Mais que l’objet existe ou n’existe pas, il existe un plan où la nécessité de cet objet a une réalité. Si ce plan n’existe pas, l’objet n’est pas nécessaire. Ainsi donc l’hypothèse d’un objet nécessaire implique un plan de réalité où il y a quelque chose même si n’existe par ailleurs aucun objet. Et ce quelque chose c’est la nécessité de cet objet.
La question est alors pour moi de savoir quelle forme prend la nécessité de cet objet. Si je considère cet objet comme l’être tel que je l’ai envisagé, alors la nécessité de cet objet ne peut prendre que la forme du mécanisme de forces psychiques ou subjectives susceptible de le produire. Ainsi la nécessité de cet objet pourrait être une réalité de même structure que l’être mais dont les éléments premiers seraient abstraits, c’est à dire privés de la substance subjective qui leur donnerait véritable existence mais qui seraient aussi réels, c’est-à-dire qui recevraient une substance d’emprunt, objective en quelque sorte comme la substance physique, comme la matière.
Alors il s’agit là d’élaborer une pensée totalement nouvelle et de ne plus voir la conscience comme le résultat d’un processus complexe, du passage d’un concret brut à une abstraction subtile devenant substance de la conscience mais au contraire de voir la conscience au départ produite par un jeu de forces élémentaires n’ayant de véritable réalité que psychique, que subjective mais troquant cette réalité à l’existence a priori impossible (il ne peut y avoir de subjectivité première) avec une réalité en quelque sorte d’emprunt, objective, la réalité physique. La réalité physique serait en quelque sorte la métaphore vraie de la réalité psychique première, elle figurerait le mécanisme par lequel l’être peut et doit apparaître, l’être qui devient alors nécessaire et possible. Et possible parce que nécessaire.
Si j’ai tenté de réduire au plus nécessaire ma conception de l’être et la confondre avec un pur jeu de forces, la façon dont je définis le travail de ces forces implique leur relation avec une réalité spatiale dont elles pourraient s’éloigner, se rapprocher, qu’elles pourraient également prolonger. Cette réalité spatiale ne peut qu’être interne à l’être quand elle est ce vers quoi le désir de bien être se rapproche ou externe à l’être quand elle est ce vers quoi le désir de fuir le mal être s’éloigne. Mais s’il n’y a que l’être qui soit un objet nécessaire, qu’est-ce qu’une réalité qui serait extérieure à l’être sinon un être autre ? Donc le jeu de forces qui est à la base de l’existence de l’être suppose la relation dans un espace de cet être avec un autre. Maintenant, si on veut faire abstraction de la notion d’espace et continuer à penser la distinction de ces deux êtres, on ne peut le faire qu’en ayant recours à la pure notion d’essence et en disant que l’essence du premier être diffère totalement de l’essence du second.
On est alors conduit à dire que, pour qu’il existe un être, il faut qu’il en existe un autre radicalement différent. Et donc d’une essence radicalement différente.
Mais pour que l’essence du premier être soit radicalement différente de l’essence du second, il faut que l’essence du premier être soit définie ou que l’essence du second soit définie. Et qu’est-ce qui pourrait dire que la définition d’une des essences précéderait celle de l’autre ? Et comment les deux essences seraient-elles radicalement différentes si l’une se concevait à partir de la connaissance de l’autre ? Les deux essences seraient alors chacune comme le calque inversé de l’autre et ne seraient plus a priori absolument distinctes.
La seule solution apparaît alors qu’il n’y a pas deux essences mais un nombre indéterminé et que les « formes » de chaque essence soient indéterminées a priori et donc produites par le hasard. Et s'il doit y avoir un nombre indéterminé d’essences, il doit par conséquent y avoir un nombre indéterminé d’êtres ou, si l’on préfère, une infinité.
La conclusion à laquelle j’arrive par cette déduction sur la forme des essences est bien sûr la même que celle à laquelle je parviens par induction en considérant ma démarche de départ. En même temps que je décide que l’objet nécessaire est moi-même, je constate bien entendu qu’il y a une foule sans nombre de « moi » aptes comme moi à raisonner et qui peuvent tout autant que moi décider que l’objet nécessaire est eux-mêmes et donc je suis contraint de penser qu’il y a bel et bien non pas un mais une infinité d’objets nécessaires, différents par leur essence mais identiques par leur nature.
Ce qui est nécessaire en définitive, ce n’est donc pas un être mais une infinité d’êtres. Mais en même temps ces êtres qui participent à cette infinité sont d’un modèle identique et n’ont pas de réalité concevable de façon indépendante ; ils n’« existent » qu’en relation ordonnée avec l’infinité des autres ; ils constituent en quelque sorte un méta-objet nécessaire.
C’est la structure de ce méta-objet que j’appelle le métaêtre abstrait qui constitue pour moi la réalité initiale. Elle est produite par le jeu pur des nécessités premières. Elle n’a pas de réalité hors de lui. Mais en même temps, elle ne peut se concevoir sans que ne soit conçu comme une réalité finale la réalité du méta-objet nécessaire, réalité qu’on peut appeler le métaêtre concret. Or ce métaêtre concret formé de la communauté réalisée des êtres implique, multiplement répété, le « mécanisme de forces psychiques » susceptible de produire chaque être tel que je l’ai supposé plus haut. Alors, de même que la nécessité de l’être « pourrait être une réalité de même structure que l’être mais dont les éléments premiers seraient abstraits », la nécessité du métaêtre concret, le métaêtre abstrait, aurait aussi des éléments premiers abstraits.
Abstraits, c’est-à-dire abstraction faite de leur substance. Mais s’ils sont dépouillés de leur substance, comment pourraient-ils avoir réalité ? Comment un cercle pourrait-il avoir réalité sur un tableau noir si n’existe tout au long de sa circonférence la mince trace de craie qui le figure ? Une abstraction ne saurait avoir réalité si sa substance n’est pas remplacée par autre chose qui la figure, qui lui donne présence, qui permet sa représentation. Et, pour moi, ce qui permet de donner réalité aux forces psychiques individuelles en action dans le métaêtre concret, réel, dans ce métaêtre abstrait qui le représente, ce sont les forces physiques.
A cause de ces forces physiques, le métaêtre abstrait cesse d’être une abstraction. Il n’est plus seulement la figure, le plan, la structure de ce qui doit être, il en est la métaphore. C’est à dire qu’il est un objet comme le métaêtre concret et présentant avec lui le plus grand rapport d’analogie possible, tout en étant absolument distinct.
Seulement a priori il n’a pas d’existence en dehors de sa fonction de représentation. Mais justement on peut considérer que cette fonction de représentation est une propriété inhérente et en quelque sorte active. La représentation serait une action qui pourrait enclencher l’existence. C’est ce que je conçois en tenant compte du fait que la représentation ne peut se faire hors d’un certain milieu ou espace et que cet espace ne peut avoir réalité sans recevoir un nombre défini de dimensions.
Mais la représentation du métaêtre abstrait constitué d’une infinité d’objets en relation ne peut alors supposer qu’un espace aux dimensions en nombre infini. Mais un nombre infini ne peut pas être défini. Donc l’espace de représentation du métaêtre abstrait qui doit avoir par nature un nombre infini de dimensions ne peut avoir réalité.
Arrivé là, mon discours métaphysique est bloqué. Mais je puis toujours le débloquer en supposant que l’espace de représentation a réalité malgré tout. Ce qui me conduit bien sûr à supposer qu’il n’ait pas un nombre infini mais fini de dimensions. Or, si je reviens en arrière, ne puis-je pas trouver ce nombre ? N’ai-je pas dit que la nature des objets en relation les faisait constituer chacun par la mise en jeu de trois forces ? Eh bien ce nombre de trois donné dès l’origine ne pourrait-il pas être aussi le nombre déterminé de dimensions dont j’ai besoin ?
Évidemment la représentation du métaêtre abstrait dans un tel espace n’est pas immédiatement concevable. Elle peut l’être progressivement si l’on raisonne d’abord à partir d’un exemple très simple, celui de la représentation de l’équidistance de quatre points. Si l’on désigne par d la distance commune à chaque couple de points, on constate qu’on peut faire figurer à la fois ces quatre points et leur distance commune dans un espace à trois dimensions et que les quatre points sont alors les sommets d’un tétraèdre régulier de côté d. En revanche si on veut les faire figurer dans un espace à deux dimensions, on constate qu’on ne peut faire figurer à la fois ces quatre points et la totalité de leurs distances communes, qu’on ne peut en faire figurer au mieux que cinq sur six en disposant ces points aux sommets d’un losange de côté d dont la petite diagonale est aussi de longueur d. Le calcul montre que la longueur de la grande diagonale est d x racine carrée de 3. Et si l’on considère que la représentation fait disposer au hasard les quatre points sur le plan, on doit dire que chacun des points a cinq chances sur six d’être à la distance d’un autre et une sur six d’être à la distance d x racine carrée de 3.
On peut alors très bien concevoir que la représentation de cette structure élémentaire n’aboutisse pas à une figure constituée d’éléments fixes comme les figures géométriques qu’on a coutume de considérer mais comme une figure existant dans un espace intégrant la dimension du temps et dont les éléments premiers seraient dépourvus d’existence fixe. Soit cette existence serait constituée d’une succession discontinue d’états dont la mesure ne serait que statistiquement connaissable comme les états des particules quantiques. Soit elle serait continue mais intégrée à un mouvement par exemple de type ondulatoire dont la forme elle-même ne serait que statistiquement déterminable.
On pourrait dire alors que le processus même de la représentation engendre une réalité mouvante qui trouve sa place dans un espace-temps. Mais ce mouvement ainsi engendré ne me paraît pas fécond, ne produit rien d’autre que les particules ou les ondes conçues comme éléments premiers de représentation. Que le nombre de particules soit de quatre comme dans l’exemple choisi ou qu’il soit très grand, le « phénomène » engendré par la représentation me paraîtrait rester de nature identique en ce que le mouvement corrélé n’aurait pour seul résultat que de parfaire la représentation dans l’épaisseur du temps.
Tout change, à mon sens, si l’équidistance qui est à représenter n’est pas simple mais multiple, ce qui est le cas s’il n’y a pas une seule force fondamentale comme dans l’exemple que je viens de donner mais trois comme j’ai été amené à en convenir dans ma réflexion sur les nécessités ou quatre comme le suppose la physique.
Dans ce cas la réalité postérieure à la représentation ne serait plus une fluctuation éternelle d’éléments toujours semblables et toujours singulièrement disjoints de l’ensemble comme le sont les points d’une même figure. Ils entreraient en relation les uns avec les autres selon des modalités qui changeraient au cours du temps. Dans ce cas, le discours métaphysique tel que je l’ai conçu au départ rencontrerait le discours physique que les chercheurs constituent et ne cessent de consolider. La présence des quatre forces fondamentales : la gravitationnelle, l’électromagnétique, la nucléaire faible et la nucléaire forte impliquent une expansion corrélée avec une succession d’ères bien distinctes qui s’enchaînent selon une chronologie qu’on est apte à reconstituer.
Entre l’instant 0 de ce qu’on appelle au sens physique du terme le début de l’univers et de ce qu’on pourrait appeler au sens métaphysique l’instant de la représentation et l’instant t distant de 10-12 seconde, les physiciens s’accordent à distinguer déjà trois ères : l’ère de Planck de l’instant t0 à l’instant t1 situé à 10-43 seconde ; l’ère de « la grande unification » de l’instant t1 à l’instant t2 à 10-36 seconde où la gravitation commence à se séparer des interactions de jauge fondamentale (électromagnétisme, forces nucléaires fortes et faibles) ; l’ère électrofaible de 10-36 à 10-12 seconde où la force forte se sépare de la force électrofaible (force résultante de l’unification des forces électromagnétiques et de l’interaction faible).
Je n’entrerai pas dans la complexité des phénomènes qui se produisent en réalité ou que les différentes théories physiques déduisent, ni dans les débats qui opposent ces dernières. À quoi bon ? Une conclusion qui s’impose me suffit : l’évolution de l’univers est fixée dès l’origine dans la succession de ses phases.
A chacune de ces phases initiées d’abord principalement par des ruptures de symétrie des forces puis, lors de l’ère stellaire où nous sommes, par la naissance d’une génération nouvelle d’étoiles produisant la fusion de noyaux et l’apparition d’éléments plus lourds, des existants inédits surgissent. Mais leptons, baryons, atomes, molécules, leur structure apparaît toujours prédictible comme le produit d’une combinatoire strictement réglée. Jusqu’à ce qu’apparaissent les individus vivants.
Mais leur apparition, pour moi, ne tient nullement du miracle. Elle est due à la mise en œuvre d’une modalité génétique nouvelle où la structure du métaêtre abstrait cesse d’avoir le premier rôle. Cette modalité génétique nouvelle est celle justement qu’instaure le génotype avec l’ARN et l’ordre décisif des bases codantes : cytosine, guanine, thymine, adénine. Se créent alors autant de micro-univers évoluant selon une mécanique statistique étroitement réglée par le codage qui permet les subsistances individuelles. Ces micro-univers évoluant en autonomie ne sont rien d’autres que les êtres vivants.
Il n’y a alors à mon sens que deux modes de pensée possibles. Le premier est un prolongement du connexionnisme. Il considère que l’évolution du vivant se fait dans une discontinuité totale avec celle de l’univers. L’apparition des neurones à l’intérieur des êtres vivants inaugureraient une logique nouvelle totalement dominée par celle des connexions et des algorithmes. Et la conscience apparaîtrait comme un phénomène intimement lié à la complexification codée de ces connexions. Elle n’aurait pas partie liée avec la structure de la matière, avec les paramètres de départ qui sont à l’origine de son évolution jusqu’au stade du vivant, avec ce que j’ai appelé le métaêtre abstrait produit par le jeu des nécessités premières. Elle pourrait d’ailleurs apparaître sur un tout autre support que les molécules des organismes, sur celui des neurones artificiels et des machines robotisées, du seul moment que serait permise une grande souplesse dans la capacité d’intégration des informations artificiellement captées.
Le second mode de pensée, celui qui a ma faveur, ne voit pas dans l’apparition des neurones une rupture logique avec l’évolution précédente. Tout au contraire il y voit un raccord décisif avec la logique première. Dans le microcosme vivant la force électromagnétique gouvernée par les neurones entrerait avec les autres forces, les nucléaires faible et forte et la gravitationnelle, dans un rapport identique à celui qui était figuré dans le métaêtre abstrait. A propos de l’origine de la conscience, j’ai écrit : « Le générateur de conscience pourrait être un objet simple, un organisme ne présentant que quelques neurones. Mais alors les explications biochimiques montreront leur limite et ce qu’on connaît des propriétés fondamentales de la matière se révélera insuffisant. Que la modulation du champ magnétique puisse produire l’énergie de la conscience au contact d’une structure matérielle incluse dans un animal, c’est ce qu’il faudra bien parvenir à penser et à établir. » Mon système métaphysique aide à cela. La relation des forces physiques qui s’établit dans l’organisme où naît la conscience est celle qui est précisément figurée à l’origine dans le métaêtre abstrait où se représente la relation des forces psychiques nécessaires à l’existence des êtres. L’animalcule où se produit pour la première fois la conscience est un microcosme qui reproduit l’ordre originel du cosmos, ordre dicté par un enchaînement de nécessités. Et les forces physiques qui n’existaient que comme métaphores des forces psychiques nécessaires se transmutent en ces forces-là.
Je n’ai pas, il est vrai, idée du mécanisme précis de cette transmutation. Je pense seulement qu’il est connaissable et que la réflexion que j’ai entreprise sur le caractère moduliste de la conscience et sur les conditions physiques de son apparition dans l’organisme vivant peut conduire à sa connaissance. Est-il la clé dernière de l’explication des choses ? Aide-t-il à donner une réponse consistante et satisfaisante à la question de ce fil : « Que penser de plausible sur l’après-mort ? » ?
Les quatre minutes d’activité électrique décelée sur les cadavres selon l’étude de Berlin est, pour moi, le point de départ d’une hypothèse. Celle-ci serait que cette activité produise un rayonnement de nature en partie électromagnétique qui aurait une physionomie absolument particulière, telle qu’on pourrait dire qu’elle constitue l’essence propre de l’individu défunt. La destinée de ce rayonnement dans l’univers en expansion illimitée tel que le conçoit le modèle standard ne paraît pas avoir plus d’intérêt que celui d’un vestige, d’une trace de la personne morte comme l’est la survivance de l’ADN. Mais il est un modèle d’expansion de l’univers où cette subsistance physique pourrait conduire à une renaissance psychique. Dans ce modèle le destin de l’univers conduirait à un « big crush » ou « Effondrement terminal ». C’est à dire que la phase d’expansion de l’univers serait suivie d’une phase de contraction symétrique jusqu’à ce que toute la matière n’occupe plus que le volume infime qu’elle occupait au commencement. La matière, c’est à dire les particules mais aussi les rayonnements et, parmi eux, ceux qui porteraient l’« engramme » de défunts. A la fin de cette contraction, chacun de ces engrammes dont la particularité pourrait être toujours conservée se trouverait en même temps en contact de tous les autres. Alors, au métaêtre abstrait de l’origine, pourrait succéder le métaêtre concret que j’ai conçu comme objet nécessaire et qui contiendrait en quelque sorte l’infinité des êtres suscités par la mise en relation finale de leurs essences. L’objet nécessaire serait créé au terme de l’évolution même permise par la représentation de sa structure.
L’hypothèse de l’effondrement terminal n’est pas celle communément admise en ce qui concerne le destin de l’univers. Elle suppose que l’univers aurait une densité supérieure à une densité critique que la plupart des scientifiques ne croient pas pouvoir être atteinte. Mais elle reste plausible.