Rousseau est impudique, mais c'est dans ce dévoilement de tout son être, de toute sa pensée, avec ses recoins obscurs, qu'il est le plus à même de nous toucher et de nous dire, de nous montrer, ce qu'est l'Homme au travers d'un homme concret dans son unicité. Un homme aussi bien raisonnable que rempli de passions contradictoires : il faut aller au bout de chacune, partir du tronc de l'arbre pour aller jusqu'au bout des branches et des racines, le plus élevé et le plus bas ou vil en l'homme. Cela dit, la sincérité de Rousseau est parfois feinte ou, parce que je le crois sincère même lorsqu'il se laisse aller à des élans narcissiques, mise en scène. Après tout, l'autobiographie, ou son ancêtre chez Augustin (je ne dis pas que c'est la même chose, seulement qu'il y a quelque chose de commun dans les deux), est toujours une tentative de justification : là-bas aux yeux de soi-même et de Dieu (qui serait toujours présent à moi-même par mon ego ? D'où le fait d'être juge et partie ?), ici aux yeux de l'humanité entière (derrière laquelle se cache aussi la Nature ?) dont Rousseau est l'incarnation tout aussi bien que le représentant ou le garant moral.
Et je crois que ce qui touche c'est la manière dont le récit sur soi parle à chacun retrouvant dans son intimité ce que l'auteur a pu vivre de plus intime. Les passions ont quelque chose de mimétique et d'immédiatement partageable. Certes, il peut alors y avoir les projections les plus folles, mais peut-être cette identification elle-même trahit la puissance à l'œuvre dans cette forme de récit qui réussit justement à relier l'auteur et les lecteurs dans une même communauté. D'ailleurs, ne faut-il pas, pour comprendre au mieux la subjectivité humaine, en faire l'expérience et en rendre compte, la présenter elle-même dans toute sa profondeur, du dedans, et l'ouvrir au dehors ? Pour autant, je retrouve la même sympathie que peut exercer sur moi l'exemple de Jésus (la paradoxale incarnation de l'universel, Dieu, dans le particulier, la chair). Le ridicule, cependant, est peut-être la tentative de Rousseau de passer pour un saint. Mais il est plus crédible en tant qu'homme concret que Nietzsche, me semble-t-il, lequel fait l'effort, de toute façon, de tuer toute subjectivité dans son Ecce homo.
Dernière édition par Silentio le Lun 15 Oct 2012 - 12:44, édité 3 fois
Et je crois que ce qui touche c'est la manière dont le récit sur soi parle à chacun retrouvant dans son intimité ce que l'auteur a pu vivre de plus intime. Les passions ont quelque chose de mimétique et d'immédiatement partageable. Certes, il peut alors y avoir les projections les plus folles, mais peut-être cette identification elle-même trahit la puissance à l'œuvre dans cette forme de récit qui réussit justement à relier l'auteur et les lecteurs dans une même communauté. D'ailleurs, ne faut-il pas, pour comprendre au mieux la subjectivité humaine, en faire l'expérience et en rendre compte, la présenter elle-même dans toute sa profondeur, du dedans, et l'ouvrir au dehors ? Pour autant, je retrouve la même sympathie que peut exercer sur moi l'exemple de Jésus (la paradoxale incarnation de l'universel, Dieu, dans le particulier, la chair). Le ridicule, cependant, est peut-être la tentative de Rousseau de passer pour un saint. Mais il est plus crédible en tant qu'homme concret que Nietzsche, me semble-t-il, lequel fait l'effort, de toute façon, de tuer toute subjectivité dans son Ecce homo.
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