friedrich crap a écrit: Il a dit explicitement utiliser une philosophie immorale mais non a-morale.
Je veux bien, mais dans la maxime à laquelle je faisais allusion plus haut : "Rien n'est vrai, tout est permis", la morale atteint l'épaisseur d'un papier à cigarette. De plus, comme l'a décrit Dostoïevski dans les discussions passionnées entre ses personnages des
Possédés et des
Frères Karamazov, la fin de Dieu signifie la fin de la morale. Nietzsche sait bien qu'en annonçant la mort de Dieu, il annonce aussi celle de la morale. Il n'est d'ailleurs pas à une contradiction près, car dans l'avant-propos de la
Généalogie de la morale, il nous encourage à jeter par-dessus bord notre vieille morale, tandis qu'à la fin de la première dissertation, il se défend de vouloir en terminer avec toute morale ("par delà le bien et le mal", mais sûrement pas "le bon et le mauvais"). Il est bien évident que le bon et le mauvais seront décidés par des Maîtres, non par une entité supraterrestre. Une morale comme celle-là, la morale des Assassins de la forteresse d'Alamuth, de César Borgia ou de Napoléon, peut difficilement s'appeler encore une morale. Dans une lettre à Taine, Nietzsche avoue que ce qui l'a mis sur la voie de cette conception à la fois inhumaine et surhumaine de Napoléon, est un article de Barbey d'Aurevilly où le polémiste critiquait Stendhal pour avoir (dans une biographie posthume de l'Empereur) méconnu la vraie grandeur de Napoléon, qui est "d'avoir été un despote, plus fort, à lui seul, que toutes les législations". C'est on ne peut plus clair !