Liber a écrit: Plutôt alors pour la volonté de vérité, la connaissance vue comme la plus puissante des passions.
Absolument.
Liber a écrit: Il l'a lu chez Kuno Fischer
En effet; merci de le rappeler, je cherchais son nom depuis quelques temps sans réussir à le retrouver. J'ai parlé de Brochard, en fait je doute que Nietzsche ait lu ses écrits sur Spinoza - par contre, il a lu celui sur les sceptiques grecs et il s'en inspira grandement.
Liber a écrit: Halévy nous parle de cette façon qu'avait Nietzsche de deviner les auteurs par l'intuition plutôt que de les lire in-extenso. Même dans sa spécialité, il était loin d'être un grand érudit. Il a impressionné son maître Ritschl, à qui il doit sa nomination à Bâle, par ses facultés d'intuition, la faculté historique dont il sera si fier.
J'ai aussi impressionné mes professeurs par cette intuition-là, néanmoins ça me gêne de parler, au fond, de ce que je ne connais pas vraiment. Je devine bien des choses, entrevois bien des choses dans des commentaires et formules, sens l'atmosphère attachée au concept, mais je ne peux m'en contenter. La comparaison avec Nietzsche s'arrête là, je n'ai pas son génie, mais je crois comprendre ce que ça signifie ou plutôt à quelle expérience cela renvoie. J'essaye tant bien que mal de combler mon retard et de fonder mes intuitions par la lecture des œuvres. :study: Nietzsche est surprenant, il a l'oreille et sait entendre la musicalité propre aux auteurs, à leurs idées, à leur style... Cela ne l'empêche pas de méconnaître certaines choses dont il parle et de ne pas rendre justice à un auteur en allant trop vite dans des lectures partielles et incomplètes. Ce qui est tout de même fâcheux, nous l'admettrons, lorsqu'on se vante de faire preuve d'une probité qui manquerait à tous les autres philosophes. En tout cas, il me semble que lorsqu'on voit la philosophie qui suivra Nietzsche, notamment avec les postmodernes, il y aura désormais une nouvelle façon de goûter les idées et de les associer dans une pensée plus imagée, propre à exprimer le désir suscité par elles ou les sensations qu'elles drainent. C'est une sorte d'esthétique de la pensée qui se dessine avec des paysages, des personnages ou des figures, des affects et des visions du monde.
Liber a écrit: C'est pendant un séjour à Sils-Maria qu'il découvrit Spinoza. Nietzsche lisait les philosophes un peu comme nous nos romans de plage... en vacances au bord de l'eau.
Avant d'être un philosophe il est un artiste. Ca me fait penser à Foucault qui découvrit Nietzsche tardivement (après Heidegger) et qui en fit la lecture à la plage lors de vacances en Italie. Je fais la même chose, d'ailleurs, j'ai lu Foucault au bord de la mer Égée.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Je lis aussi les livres de philosophie comme des romans, ou comme des enquêtes (alors que je n'aime pas du tout les thrillers). C'est une manière de vivre les idées, d'y trouver aussi parfois une sorte de poésie. Mais ça n'aide pas à la logique et à la clarté.
Liber a écrit: Surtout, Nietzsche voit en Spinoza le Juif, l'incarnation de l'idéal de la Judée ("la Judée contre Rome") qu'il combat férocement et qu'il accuse d'être à l'origine de la décadence européenne.
Je ne sais pas trop de quand date la rupture. Dans
Humain, trop humain et
Aurore Nietzsche tient en très haute estime Spinoza et les Juifs (disons, surtout, ceux de maintenant et appelés dans le futur à gouverner l'Europe). Je ne me souviens plus s'il en parle dans le
Gai savoir (qui possède cette joie, cette énergie, ce vert émeraude de Dionysos et de la nature, qui se marient avec le spinozisme ; même si Nietzsche y joue la carte de la déraison et des passions - de la vie dans ses mouvements - contre la raison), ni dans
Par-delà bien et mal. Y fait-il aussi allusion dans le
Zarathoustra (qui prône le goût du jeu et du risque contre la conservation de soi) ? Il me semble que c'est avec la
Généalogie de la morale que Nietzsche fait preuve de férocité à l'égard de la Judée et de ses représentants dans l'histoire.
Dernière édition par Silentio le Mer 7 Sep 2011 - 0:20, édité 1 fois