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Peut-on parler d'une guerre juste ?

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Jadis
Liber
Euterpe
7 participants

descriptionPeut-on parler d'une guerre juste ? - Page 4 EmptyRe: Peut-on parler d'une guerre juste ?

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Jadis a écrit:
il serait possible d'établir une parenté d'idée entre ce texte kantien et le projet institutionnel européen de l'Abbé de Saint-Pierre (1712), proposant la mise en place de mécanismes de réflexion au niveau européen.
Excellente référence qu'il faut lire. Aux amateurs : http://archive.org/search.php?query=castel%20de%20saint%20pierre

Janus a écrit:
je dirais que Kant, en qualité de philosophe, a le statut adéquat pour émettre des cogitations de formes extrêmement abstraites sur la Raison elle-même ou sa concrétisation dans les faits, que ce soit en général en matière de théorie de la connaissance, en éthique ou dans les faits de guerre.
Ça ne veut rien dire, Janus. Kant n'est pas "plus habilité" à en parler que d'autres, fût-ce au nom de la philosophie.

Janus a écrit:
De leur côté, les autorités religieuses, bien que totalement habilitées à faire valoir leurs positions dans ces réflexions sur la paix, ne le font qu'à titre de "partie prenante" et représentatives des valeurs religieuses, dans le cadre de l'action concrète qui inclut une réflexion de type "multipartite", où chacun présente son point de vue, mais qui n'a rien de commun avec la réflexion pure relevant exclusivement du philosophe.
Vous occultez complètement l'intentio recta, incontournable pour la question qui vous occupe, et qui implique obligatoirement de faire confiance à l'autorité religieuse sur ce point. L'essentiel du corpus concernant la question de la guerre juste n'est pas le fait de la philosophie, mais de la politique et de la religion, à propos d'événements directement ou presque directement vécus.

Janus a écrit:
Nul besoin, on le voit, d'invoquer Dieu pour commettre des crimes au nom d'une "bonne raison" humaine.
Je ne prends pas la peine de rectifier tout le paragraphe précédant cette remarque. Quant à ce que vous dites ici, cela montre que vous ne saisissez pas de quoi il s'agit, au fond, dans cette conférence. On n'invoque pas Dieu pour invoquer Dieu, à propos de la guerre juste. On se pose la question de savoir, étant donné le 5e commandement par exemple, ce qu'on doit faire ou pas. Surtout, ce qui deviendra la question de la guerre juste apparaît dans l'Ancien Testament.

Intemporelle a écrit:
Janus a écrit:
Concernant la vidéo, que dirais que dans les grandes lignes, l'auteur de cet exposé définit par "guerre injuste" celle qui obéirait à un principe transcendant ou divin de justice, faisant par cela référence aux guerres de religion, qui auraient sans doute selon lui pour but d'imposer un "dogme", de vouloir l'"universaliser". Alors que les guerres dites "de punition", qui visent à punir toute agression et répondent à un souci de simple "défensive", ont de ce fait ont une "cause juste", visant à concrétiser une idée universelle de paix.
Ce n'est pas ce qu'affirme Philippe Touchet.
L'objet principal de sa conférence est précisément de montrer qu'il n'y a pas de guerre juste ou injuste, en ce que celui qui fait la guerre le fait au nom du droit naturel, et donc renonce à toute relation juridique, à toute relation fondée sur un droit commun avec son ennemi. En cela, la guerre échappe aux catégories du juste et de l'injuste pour Touchet, puisque précisément le droit naturel renvoie à un état pré-politique. D'où la citation de Kant, "l'état de guerre est la relation apolitique par excellence". Il y a une contradiction interne à l'idée de guerre juste, car celui qui déclare sa cause comme étant juste, s'érige à la fois comme juge et partie, il prétend faire la guerre au nom d'un principe universel, et donc se pose comme juge de tous les peuples.
C'est un point de vue contractualiste, en fait, qui assimile droit naturel et état de nature (état sans contrat, sans relation). Le droit naturel, jusqu'au XVIIIe, pour l'essentiel et en substance, c'est le droit romain, qui n'a rien à voir avec l'état de nature (philosophie politique moderne).

Intemporelle a écrit:
[Touchet cite Saint-Augustin], lequel énumère trois cas dans lesquels il n'est pas injuste de faire la guerre :
- la guerre défensive
- la guerre de récupération (d'un territoire par exemple)
- la guerre punitive : "lorsqu'on punit un peuple du mal qu'il a fait à un autre peuple" (cela est donc très éloigné de la guerre défensive)
Touchet cite Saint-Augustin, parce qu'il est l'un des premiers théoriciens de la guerre juste ; ce n'est donc pas par hasard si la religion chrétienne est à l'origine des premières guerres saintes. A travers ces distinctions entre trois cas de guerre que fait S-A, Touchet veut montrer que les deux premiers cas (guerre de récupération, et guerre défensive) sont très différents du troisième.
Dans les deux premiers cas, la guerre est relative, il y a un objet de la guerre (faire quitter à l'ennemi son territoire >> défense ; récupérer un territoire pris par l'ennemi >> récupération), donc la guerre est par là même limitée. Mais dans le troisième cas, il n'y a pas d'objet de la guerre, l’objet de la guerre devient, comme c’est le cas lorsqu’on punit un criminel dans la société, la négation de la liberté de l’autre peuple. Il s’agit de soumettre ou de détruire. En cela le principe de cette guerre est absolu, et elle devient illimitée : c'est le modèle des guerres modernes, qui sont faites au nom de "l'humanité" par exemple.
Le raisonnement se tient, certes. Mais il me paraît fragile, et plus que discutable, en ce que le passage de la guerre punitive à la guerre universelle ne se laisse pas saisir par une quelconque simplification (mais je n'oublie pas la nature et les objectifs très circonscrits de l'intervention de Touchet). Saint Augustin, outre qu'il puise dans l'Ancien Testament des éléments clés de sa pensée de la guerre juste, ne pense pas seulement en Père de l'Église. On oublie presque toujours qu'Augustin fut d'abord un romain. Il pense en romain, et ne peut pas ne pas se référer, fût-ce pour s'y opposer nettement, aux Offices de Cicéron, par exemple. Or, il y a une "universalité" romaine qu'il est périlleux de lover dans celle qu'invente l'Europe disons à partir de l'École de Salamanque. Cette difficulté vient de ce qu'on néglige la nature et l'évolution des institutions politiques romaines, dès avant Constantin, au milieu du IIIe siècle, grosso modo à partir du règne de Dèce. Une universalité en rend possible une autre. Mais les institutions romaines étaient l'expression, le produit, moins d'une universalité (de principes) que d'usages ("universellement" appliqués). Elles ont donné des moyens politiques à l'universalité chrétienne, sans qu'on puisse exactement dire qu'elles l'ont produite. Vous faites donc bien de préciser :
Intemporelle a écrit:
Mon avis personnel est que la jonction entre les guerres punitives antiques, et nos guerres punitives modernes est fragile : elle repose sur le caractère d'illimitation, et la criminalisation. Mais le troisième argument de Touchet (établir une idée universelle de l'homme) me semble peu opérant pour les guerres punitives de l'Antiquité.
On pourrait prendre, parmi d'autres, l'exemple de la destruction de Carthage par les Romains, lors de la 3e guerre punique, pour invalider ce troisième argument de Touchet.

Intemporelle a écrit:
En ce qui concerne la guerre faite au nom de l'humanité [...] : on peut parler d'intervention d'un tiers, dans le cadre de l'ONU certes, mais il y a eu d'autres guerres faites au nom de l'humanité, en dehors de ce cadre. La Première Guerre mondiale, et la propagande française autour de celle-ci en est un exemple : les soldats étaient clairement convaincus qu'ils partaient défendre la civilisation et l'humanité contre la barbarie allemande. Ils s'arrogeaient le droit de combattre au nom de l'humanité, en vertu d'une vision idéalisée de la France, patrie des droits de l'homme et de la démocratie, et d'une conception de l'allemand comme d'un barbare, cristallisée depuis la guerre de 1870 et les exactions commises côté allemand.
On aurait eu bien du mal à convaincre les soldats français d'une quelconque cause universelle, si on ne les avait d'abord convaincus que la guerre serait brève. En 1914, on part la fleur au fusil et en chantant, ne l'oublions pas. C'est une fête, celle de qui est convaincu qu'il va récupérer ses territoires.

Intemporelle a écrit:
Puisque Saint-Augustin définit la guerre punitive comme le fait de "punir un peuple du mal qu'il a fait à un autre". C'est donc que dans un conflit entre deux peuples distincts, un tiers intervient et prétend rétablir un droit qui selon lui a été bafoué, ce tiers se fait le juge des deux peuples en conflit. N'est-ce pas ce que fait l'ONU ?
La comparaison est trompeuse. Quand Rome envoie ses légions pour intervenir entre deux peuples, même "hors" de l'empire (sa zone d'influence dépasse de très loin les limites géographiques de son territoire), ou bien on fait appel à elle en tant qu'elle est la puissance dominante, et seule en position d'arbitrer entre "vassaux", ou bien elle intervient de son propre chef parce que Rome, c'est à la fois Urbi et Orbi. Rome n'est donc jamais un tiers, contrairement à l'ONU qui, de plus, est une réunion de tiers.

Intemporelle a écrit:
Par rapport à l'idée que la population française et son armée partageaient une conception messianique de la guerre, croyant se battre pour l'humanité, je cite l'ouvrage des historiens Jean-Jacques Becker et Stephane Audoin-Rouzeau, tous deux spécialistes de la Grande Guerre, intitulé La France, la nation, la guerre : 1850-1920.
Contrairement à une idée forgée après coup, dans les motivations des futurs combattants, les idées de Revanche ou de reprise de l'Alsace-Lorraine apparaissent très rarement. Le sentiment d'avoir à défendre son pays fut le sentiment fondamental lors du départ en guerre. Ce qui explique que la guerre fut acceptée par la presque totalité de la population.

P. 267.

"La guerre a mis aux prises deux conceptions différentes de Dieu et de l'Humanité" : cette phrase d'Ernest Lavisse, écrite en 1915, synthétise parfaitement le sens qu'ont attribué à la guerre les intellectuels français, la lecture qu'ils ont faite du conflit, et la manière dont ils ont traduit l'un et l'autre à l'usage du plus grand nombre. La guerre, en effet, n'est pas lue, interprétée, vécue telle qu'elle avait pu l'être moins d'un demi-siècle auparavant, comme un affrontement classique entre nations ou, en l'occurrence, de coalitions de nations. Elle est perçue, et de manière quasi-unanime, en termes d'une lutte de la Civilisation contre la Barbarie.
L'Allemand, l'ennemi, est vu, vécu, compris comme un barbare. Il fait bien plus que menacer la patrie, le sol, les familles de France : il est d'abord une menace pour la civilisation humaine dans son ensemble, sa victoire serait une régression à l'échelle de l'humanité. En ce sens le conflit est présenté et sincèrement perçu comme un affrontement radical posé en termes de survie d'une certaine conception de l'être humain.

P. 294.
L'auteur montre par la suite que cette culture de la guerre s'est surtout cristallisée entre l'été 1914 et les premiers mois de 1915, car l'opinion française a eu rapidement connaissance des atrocités commises par l'envahisseur (destructions massives, exécutions de civils, viols de femmes), atrocités amplifiées par la presse, donc c'est au cours de cette période cruciale que "l'idée de guerre de la civilisation contre la barbarie s'est durablement installée comme une évidence dans la culture de guerre française, jusqu'à en constituer le cœur". Il précise (p. 296) :
Le phénomène (= la croyance en cette culture de guerre) n'a pu se produire avec une telle ampleur que dans la mesure où la forme de messianisme qui s'attache à ce type de lecture du conflit en prolongeait deux autres, plus anciens, adversaires à l'origine mais désormais associés dans l'Union sacrée : le messianisme républicain et le messianisme catholique, attribuant tous deux à la France une mission particulière à l'égard de l'humanité tout entière. Le premier au nom de 1789 et des Droits de l'homme, le second au nom de la position éminente de la France dans la chrétienté au titre de "Fille aînée de l'Église", depuis le baptême de Clovis.
Cette thèse me paraît plus que contestable. Il est difficile de soutenir que, parce que des motifs ou des idées ne sont pas explicitement formulés, ils seraient secondaires, voire étrangers au conflit. Certes, le déclenchement de la guerre, comme réalité, fut une surprise, mais les Français étaient psychologiquement préparés depuis un bon bout de temps, parce que l'idée de revanche avait fait son chemin. Les auteurs me semblent ne pas s'apercevoir que cette idée ne sourdait plus précisément parce qu'elle était intériorisée. Or on ne convainc pas un convaincu, on ne l'informe pas de ce qu'il sait déjà. Les autorités politiques étaient littéralement à cours d'idées, pour cette raison même. D'où la transposition ad hoc du fonds de commerce colonialiste que mentionne la page 294 que vous citez. Ce qui me paraît fragiliser encore plus la thèse des deux auteurs, puisque ce fonds de commerce implique évidemment de se tourner par exemple du côté de Barrès, le prince de la jeunesse du temps. Mais, bien en amont, du côté de Sainte Beuve, de Hugo, et puis de Taine. C'est une guerre culturelle, pendant un temps, parce qu'elle s'alimente à une source disponible et "sacrée", constitutive de la nature ou de la "mission" de la France, fille de Rome.

Intemporelle a écrit:
Janus a écrit:
Par contre après avoir repris une audition plus attentive, je ne peux que confirmer mes critiques que j'avais faites sur le fond et je continue de ne pas approuver l'intégralité du discours. Bien sûr je ne conteste pas l'intérêt des nombreuses analyses fort étayées et documentées, mais je remarque une fois de plus que la structure de sa "plaidoirie" est présentée de façon a intégrer des appréciations purement subjectives et orientées politiquement, qui ne cadrent d'ailleurs pas avec la neutralité qu'on doit exiger d'un enseignant, où on relève fréquemment des mises en cause bien trop ciblées pas seulement contre les guerres de religion mais surtout contre le monde occidental.
Une telle accusation devrait être étayée par des exemples précis, tirés de la conférence. De ce que j'ai entendu, le propos général est toujours argumenté, il n'y a pas d'appréciations subjectives, au sens péjoratif de ce terme. Il n'y a pas de neutralité en philosophie, le simple fait de poser une thèse, est une prise de position, le simple fait de citer tel auteur, plutôt qu'un autre, est une prise de position. Reprocheriez vous à Marx, d'être trop orienté politiquement, ou encore à Foucault, exemple plus pertinent puisqu'il enseignait ? On ne demande pas à un philosophe, ou à un professeur de philosophie d'être neutre, mais de n'énoncer que des prises de positions qui soient justifiées, et solidement argumentées, en un mot, qui soient philosophiques. Quant à la remise en cause du monde occidental, elle ne relève pas d'un acharnement déplacé de la part de Philippe Touchet, mais est parfaitement logique dans le cadre du sujet de cette conférence, puisque le concept de "guerre juste" a été surtout développé, théorisé et appliqué dans et par le monde occidental.
Réponse imparable à laquelle on ne peut pas ne pas souscrire. Philosopher, c'est argumenter, que ça plaise ou non. C'est prendre position. Aussi cela suppose-t-il d'avoir des connaissances suffisantes, pour éviter de tomber dans l'opinion.

Intemporelle a écrit:
Si la guerre disait clairement son nom, au lieu de s'appeler "intervention", "opération de paix" et j'en passe, on ne s'étonnerait pas que des soldats meurent en Afghanistan ou en Irak par exemple. Ce qui m'intéresse là ce n'est pas le plan moral ou juridique, la légitimité ou non de ces guerres, mais les conséquences du fait qu'aujourd'hui on n'ose plus appeler une guerre une guerre, et une armée une armée (actuellement, ce n'est pas une armée qui se bat en Afghanistan, mais une "Force internationale d'assistance et de sécurité").
On ne saurait mieux dire. Si d'aventure ce fil vous intéressait : http://www.forumdephilosophie.com/t577-qu-appelle-t-on-democratie-en-grece

Janus a écrit:
dans le cours de l'Histoire les faits ont d'abord lieu, et c'est seulement après qu'ils sont théorisés par des concepts, et non l'inverse.
En réalité les deux propositions sont également vraies. Les faits et les concepts alternent et s'articulent dialectiquement. Du reste, on se demande bien ce qu'est un fait, et ce qui le distingue d'un concept (j'exagère le trait, mais à dessein, pour les besoins du propos). Janus, vous semblez ne pas soupçonner la diversité de la concaténation des causes et des effets.

Intemporelle a écrit:
quel rapport entre le concept de "guerre juste" et la guerre qui sévit actuellement au Congo RDC en raison des mines de coltan, des diamants, et de la déstabilisation engendrée dans la région par le Rwanda voisin ?
Prudence quand même : http://www.congonline.com/Forum1/Forum04/Mangila15.htm. On peut ramener un objet à un principe, pour le constituer, justement (lui donner l'être, dirait Royer-Collard).

Pour ceux qui souhaitent éclaircir tel ou tel des points soulevés par l'un ou l'autre des participants à ce fil :

  • http://books.google.fr/books?id=BRWZYroDke8C&dq=cic%C3%A9ron+guerre+juste&hl=fr&source=gbs_navlinks_s
  • http://books.google.fr/books/about/Saint_Augustin_et_Cic%C3%A9ron.html?id=RmcXAAAAIAAJ&redir_esc=y
  • http://mots.revues.org/15512
  • http://asterion.revues.org/1508

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Euterpe a écrit:
Cette thèse me paraît plus que contestable. Il est difficile de soutenir que, parce que des motifs ou des idées ne sont pas explicitement
formulés, ils seraient secondaires, voire étrangers au conflit. Certes, le déclenchement de la guerre, comme réalité, fut une surprise, mais les Français étaient psychologiquement préparés depuis un bon bout de temps, parce que l'idée de revanche avait fait son chemin. Les auteurs me semblent ne pas s'apercevoir que cette idée ne sourdait plus précisément parce qu'elle était intériorisée. Or on ne convainc pas un convaincu, on ne l'informe pas de ce qu'il sait déjà. Les autorités politiques étaient littéralement à cours d'idées, pour cette raison même. D'où la transposition ad hoc du fonds de commerce
colonialiste que mentionne la page 294 que vous citez. Ce qui me paraît fragiliser encore plus la thèse des deux auteurs, puisque ce fonds de commerce implique évidemment de se tourner par exemple du côté de Barrès, le prince de la jeunesse du temps. Mais, bien en amont, du côté de Sainte Beuve, de Hugo, et puis de Taine. C'est une guerre culturelle, pendant un temps, parce qu'elle s'alimente à une source disponible et "sacrée", constitutive de la nature ou de la "mission" de la France, fille de Rome.


Précisément, ces motifs furent explicitement formulés, c'est la temporalité des justifications qui pose problème. Les auteurs constatent en fait un paradoxe : au moment du départ en guerre, les contemporains expriment surtout le sentiment d'être dans leur bon droit, d'avoir été agressés par l'Allemagne, et donc de défendre leur patrie. Pourtant, après la guerre, lorsque certains soldats écrivent leurs mémoires de guerres etc., a posteriori, ils justifient leur départ en guerre par le désir de Revanche. Il y donc une tension entre les justifications immédiates de la guerre, et les justifications postérieures (et notamment dans les mémoires qui ont été écrits non pas après, mais pendant le conflit, l'idée de Revanche est également absente).

L'ouvrage s'inscrit dans un courant historiographique contemporain qui, à rebours des thèses classiques, nuance les effets réels que l'idée de Revanche a eu sur les Français. La thèse des auteurs est que malgré les discours, il y a eu à un certain moment un renoncement, qui prend sa source dès les élections de 1871, où la France élit une Assemblée majoritairement conservatrice (parce qu'à ce moment là les conservateurs se réclamaient du camp de la paix), en sachant parfaitement que la paix qu'elle désire se fera au prix de l'Alsace-Lorraine (les ambitions des Allemands sur ce territoire étaient amplement connues). La mystique de la Revanche n'a eu autant de force que parce qu'elle a trouvé un terreau favorable dans une opinion publique prise d'un très large sentiment de culpabilité collective (c'est aussi le moment où les thèses de déclin, de dégénérescence de la race, et de décadence battent leur plein) parce que parfaitement consciente qu'entre les territoires perdus, et la paix, elle choisirait toujours la paix. C'est pourquoi seul le sentiment d'avoir été agressée pouvait pousser la population à accepter la guerre. Les Français n'entrent pas en guerre pour prendre leur Revanche (le désir de paix de l'opinion publique à cette époque est incontestable, ils ne paraissent donc pas psychologiquement préparés à l'éventualité de la guerre), mais pour défendre leur patrie contre ce qu'ils considèrent comme une provocation, une agression. Par ailleurs sur le plan militaire, là aussi l'idée de Revanche n'a que peu d'effets réels, les changements sont surtout défensifs (renforcement de la ceinture fortifiée des frontières par Séré de Rivières), et le temps du service militaire après la réforme de 1873 qui le porte à cinq ans, ne fait que baisser sur le reste de la période. Que la Revanche ait pu être un motif secondaire, les auteurs ne le nient pas totalement, mais ce n'est pas le ressort principal du consentement de la population à la guerre.

L'idée qui sous-tend toute cette analyse, et qui est assez ambitieuse, même s'ils n'osent pas vraiment l'énoncer clairement, est que l'attachement profond de la nation française à l'Alsace-Lorraine, est une construction finalement récente, c'est l'annexion de 1871 qui soude de manière décisive ces territoires à la nation, précisément à cause du sentiment de perte. Une évolution qui laisse des traces dans le langage, la fameuse "ligne bleue des Vosges" par exemple qui évoque une forme de sacralisation du territoire et de changement de perception de ce qu'est la frontière, passant des "marges" ou des "marches" (qui impliquent que les territoires près de la frontière sont considérés comme périphériques) à l'idée de "ligne", qui intègre finalement ce qu'on appelait les "marges" comme parties intégrantes et indissociables du territoire.

Pour les auteurs, l'idée de Revanche n'est pas intériorisée, elle a été abandonnée. Ils ont quelques arguments que je trouve convaincants à ce sujet (notamment l'évolution de la préparation militaire de la France, la politique coloniale comme compensation, les ambiguïtés des discours littéraires, et notamment de la position de Barrès que vous citez), je pourrais recopier certains passages demain, si vous le souhaitez.

Euterpe a écrit:
Intemporelle a écrit:
quel rapport entre le concept de "guerre juste" et la guerre qui sévit actuellement au Congo RDC en raison des mines de coltan, des diamants, et de la déstabilisation engendrée dans la région par le Rwanda voisin ?
Prudence quand même : http://www.congonline.com/Forum1/Forum04/Mangila15.htm. On peut ramener un objet à un principe, pour le constituer, justement (lui donner l'être, dirait Royer-Collard).

Malheureusement le lien est mort, je crois comprendre cependant ce que vous voulez dire.

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Intemporelle a écrit:
Précisément, ces motifs furent explicitement formulés, c'est la temporalité des justifications qui pose problème. Les auteurs constatent en fait un paradoxe : au moment du départ en guerre, les contemporains expriment surtout le sentiment d'être dans leur bon droit, d'avoir été agressés par l'Allemagne, et donc de défendre leur patrie. Pourtant, après la guerre, lorsque certains soldats écrivent leurs mémoires de guerres etc., a posteriori, ils justifient leur départ en guerre par le désir de Revanche. Il y donc une tension entre les justifications immédiates de la guerre, et les justifications postérieures (et notamment dans les mémoires qui ont été écrits non pas après, mais pendant le conflit, l'idée de Revanche est également absente).
En effet, il s'agit d'autre chose. Je n'ai pas lu l'ouvrage. Appelons ce qu'ils repèrent une asynchronie ; qu'en disent-ils ? La plongée dans le chaos et l'absurde, la perte de tout repère moral, etc., dont témoignent beaucoup de soldats, est-elle intégrée dans leur analyse, par exemple, dans la mesure où on pourrait supposer que cette expérience commune d'un quelque chose de nouveau et d'incompréhensible désaccorde nécessairement les explications a posteriori des motifs (réels ou fantasmés) d'avant la guerre ?

Intemporelle a écrit:
La thèse des auteurs est que malgré les discours, il y a eu à un certain moment un renoncement
Intemporelle a écrit:
c'est aussi le moment où les thèses de déclin, de dégénérescence de la race, et de décadence battent leur plein
Intemporelle a écrit:
c'est l'annexion de 1871 qui soude de manière décisive ces territoires à la nation, précisément à cause du sentiment de perte.
Intemporelle a écrit:
Pour les auteurs, l'idée de Revanche n'est pas intériorisée, elle a été abandonnée.
Ces remarques sont vraiment intéressantes. Renoncement, déclin, dégénérescence, décadence, perte, abandon. Les auteurs plaident-ils pour (ou rendent-ils possible) l'idée d'un deuil collectif ? Que disent-ils de Sedan ? En outre, se réfèrent-ils à Maurras, Daudet, Bourget, Péguy ? Se réfèrent-ils également à Ferrero et à Girardet ? Si c'est le cas, à quel propos, et qu'en disent-ils ? Je pense pour ma part à l'inquiétude de plus en plus significative d'une partie de l'élite intellectuelle française face à l'avènement total de l'Allemagne (puissance militaire, politique, culturelle, scientifique, etc.), inquiétude qui trace une ligne de démarcation entre bellicistes et pacifistes, lesquels semblent avoir en commun de penser parfois à l'Allemagne comme on pense à un jumeau, mais en mieux, à un jumeau réussi ; comme s'ils pressentaient une possible communauté de destin aussitôt refusée ou refoulée, pourvu que ce soit pour le pire plutôt que pour le meilleur.

J'avais lu des choses symptomatiques aussi bien chez Maurras, dans son Dictionnaire politique, ou dans ses œuvres capitales, que chez Sainte-Beuve, etc. La peur de se trouver face à une Allemagne devenue l'égale de la France, et partant une France d'emblée sous tutelle.

En bref et au total, ce qui me paraît intéressant, au regard de la présentation que vous en donnez, c'est la possible hypothèse d'une France qui naît à sa modernité en se constituant sur un manque, une absence, comme si 1870-1871 était une rupture irrécupérable entre la France telle qu'elle fut de toujours, et une France jetée au devant de soi, d'autant plus perdue lorsqu'elle invoque sa mission civilisatrice, etc., que tout recours à son passé la falsifie nécessairement. Ce qui me paraît coller avec son histoire depuis plus d'un siècle.

Dernière édition par Euterpe le Lun 4 Fév 2013 - 22:41, édité 2 fois

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Euterpe a écrit:
En effet, il s'agit d'autre chose. Je n'ai pas lu l'ouvrage. Appelons ce qu'ils repèrent une asynchronie ; qu'en disent-ils ? La plongée dans le chaos et l'absurde, la perte de tout repère moral, etc., dont témoignent beaucoup de soldats, est-elle intégrée dans leur analyse, par exemple, dans la mesure où on pourrait supposer que cette expérience commune d'un quelque chose de nouveau et d'incompréhensible désaccorde nécessairement les explications a posteriori des motifs (réels ou fantasmés) d'avant la guerre ?

Oui tout cela est intégré, l'asynchronie est d'ailleurs interprétée comme une forme de rejet face à un certain discours officiel qui a héroïsé la guerre. Très vite les soldats se sont opposés à toute vision mythifiée de la guerre (dès 1916, Barbusse publie Le Feu par exemple), mais ce dégoût de ce qu'ils ont appelé le "bourrage des crânes" a atteint son point de rupture dans les années 20 et les années 30 où la guerre est rejetée en bloc, ainsi que toute motivation liée à un quelconque messianisme ou à une quelconque mystique. Or la motivation qui s'appuyait sur l'idée de défense de la nation, était largement empreinte de mystique, à travers une sacralisation du territoire national, qui se retrouve par exemple, au-delà des aspects purement techniques, dans la symbolique des tranchées : à la fois enfouissement dans la terre, et défense pied à pied de celle-ci ; dans une armée comme celle de la France, où 70% de l'infanterie est d'origine rurale, la défense du sol n'est pas une abstraction pourtant, mais elle a été mythifiée par tout un discours littéraire (par exemple Barrès et son déterminisme "foncier", ainsi que l'idée que le sol national est le lien qui unit les vivants et les morts). La sacralisation du sol national s'appuie aussi, entre autres, sur le traumatisme de la guerre de 1870 où plus du tiers du territoire est envahi et occupé ; cette présence physique de l'ennemi sur une trentaine de départements a profondément marqué les contemporains. Comme la guerre était dévalorisée, et toute vision idéalisée de la guerre refusée, la reconstruction a posteriori des motivations de la guerre (dans les années 30) les a appuyées sur des aspects assez "objectifs" : récupérer les territoires perdus. Ce texte de Guéhenno montre bien le sentiment largement partagé que le massacre de ce qui devait être la Der des Der a finalement été inutile (et par voie de conséquence, le refus de tout messianisme, de toute mystique de la nation qui puisse conduire à nouveau à un tel massacre) :
Jean Guéhenno, Journal d’un homme de 40 ans, 1934 s’interroge sur le sens du sacrifice de la Grande Guerre, quinze ans après l’armistice, alors que les bruits de bottes montent de nouveau en Europe : « il faut oser dire la seule chose qu’on n’ose jamais dire, parce qu’elle fait crier d’horreur, les mères, les épouses, les enfants, les amis. Il faut oser dire ce qui paraît un blasphème. Je dirai donc que cette innombrable mort fut inutile. Je dirai donc que j’ai conscience que mes amis sont morts pour rien. Pour rien. Pour moins que rien, si ces millions de corps pourrissants empoisonnent l’Europe, si chaque tombe est un autel où s’entretiennent la rancune et la haine. Nous n’avons qu’ajouté à la misère du monde. La terre a bu le sang, les os deviennent cendres, le grand cimetière des nations est partout envahi par les herbes. Tout sera prêt bientôt pour une nouvelle moisson. »


Euterpe a écrit:
Ces remarques sont vraiment intéressantes. Renoncement, déclin, dégénérescence, décadence, perte, abandon. Les auteurs plaident-ils pour (ou rendent-ils possible) l'idée d'un deuil collectif ? Que disent-ils de Sedan ? En outre, se réfèrent-ils à Maurras, Daudet, Bourget, Péguy ? Se réfèrent-ils également Ferrero et à Girardet ? Si c'est le cas, à quel propos, et qu'en disent-ils ? Je pense pour ma part à l'inquiétude de plus en plus significative d'une partie de l'élite intellectuelle française face à l'avènement total de l'Allemagne (puissance militaire, politique, culturelle, scientifique, etc.), inquiétude qui trace une ligne de démarcation entre bellicistes et pacificistes, lesquels semblent avoir en commun de penser parfois à l'Allemagne comme on pense à un jumeau, mais en mieux, à un jumeau réussi ; comme s'ils pressentaient une possible communauté de destin aussitôt refusée ou refoulée, pourvu que ce soit pour le pire plutôt que pour le meilleur.

Oui, un deuil collectif qui se manifeste notamment à travers la politique du "recueillement", prônée par Thiers et les conservateurs. Ils citent abondamment Girardet dans tout l'ouvrage (puisqu'il a particulièrement étudié les nationalismes et l'idée de nation, et que l'objet principal de l'ouvrage est d'étudier "l'achèvement" du sentiment national par la guerre de 14-18).
Page 130 de l'ouvrage a écrit:
Dans l'immédiat néanmoins, l'essentiel semble être de se recueillir, de réfléchir sur les défaillances de la nation. Comme l'écrit Raoul Girardet : "La capitulation de Sedan, l'écroulement des orgueilleuses certitudes qu'avait un moment incarnées le Second Empire vont marquer l'heure d'une réflexion sur la France et son destin."

Sedan marque une rupture dans la formation du sentiment national français et l'ouverture de la plus profonde crise d'identité de la nation française jusqu'alors (la Seconde Guerre Mondiale en ouvre une autre). Tout comme il y a un "syndrome Vichy", il y a eu un "syndrome Sedan" à travers l'exorcisation de toute la mystique impériale, le refus acharné de tout homme fort (cf. le parlementarisme de la Troisième République) qui conduit au gâchis de toute une série de brillantes figures politiques. Si Sedan est un tel traumatisme, c'est d'abord parce que l'empereur n'y a pas seulement été vaincu et fait prisonnier, il a capitulé. L'humiliation est encore alourdie par le fait que la nation ne s'est pas inclinée devant une coalition (comme ce fut le cas en 1815), mais devant un seul et unique adversaire, l'Allemagne. Avec 1870, c’est toute une série de mythes fondateurs de l’identité nationale française qui s’écroulent, le mythe de la Grande Nation, le mythe de Valmy, etc.
Par rapport à Maurras, il est abordé dans l'ouvrage en même temps que Barrès, afin de distinguer ces deux formes de nationalisme, et les auteurs montrent également en quoi le nationalisme maurrassien est original, car il rompt avec la tradition révolutionnaire, impériale et républicaine (qui est le véritable lieu de naissance du nationalisme moderne), et opère la synthèse entre royalisme et nationalisme, inaugurant un processus qui va conduire à l'absorption totale de l'idée de nationalisme par l'extrême-droite, et par son reniement par la gauche qui l'avait pourtant vu naître. Péguy et Bourget ne sont abordés que rapidement, le premier en parallèle avec Ernest Psichari, parce que leurs deux trajectoires sont assez similaires ; le second en tant qu'inspirateur des nationalismes qui s'appuient sur l'idée de décadence. Quant à Daudet et Ferrero, ils ne sont pas cités.

Ce que vous dites sur l'Allemagne rejoint la position de Claude Digeon dans La Crise allemande de la pensée française : il y montre l'attitude ambiguë vis-à-vis de l'Allemagne de toute une génération d'intellectuels qu'elle fascine et révulse en même temps. L'admiration pour l'Allemagne est un fait réel - quoique non assumé - de la pensée française, depuis Sadowa en 1866.

Euterpe a écrit:
En bref et au total, ce qui me paraît intéressant, au regard de la présentation que vous en donnez, c'est la possible hypothèse d'une France qui naît à sa modernité en se constituant sur un manque, une absence, comme si 1870-1871 était une rupture irrécupérable entre la France telle qu'elle fut de toujours, et une France jetée au devant de soi, d'autant plus perdue lorsqu'elle invoque sa mission civilisatrice, etc., que tout recours à son passé la falsifie nécessairement. Ce qui me paraît coller avec son histoire depuis plus d'un siècle.

Il y a incontestablement une entrée dans la modernité de la société française, après la défaite de 1870. L’application du principe de la conscription universelle et obligatoire, que Napoléon avait vainement tenté d’imposer en 1868, par le gouvernement républicain en 1873, montre bien un changement de paradigme dans la vision que la population a de ses obligations militaires non plus seulement en temps de guerre, mais en temps de paix également ; ainsi qu’une certaine forme de démocratisation des obligations militaires qui jusque-là pesaient sur les couches les plus populaires de la nation (ouvriers, ruraux etc.) La guerre même entre en modernité, la guerre de 1870 par certains aspects techniques était déjà un embryon de guerre moderne, mais restait quand même majoritairement une guerre d’Ancien Régime : maladies qui font presque plus de morts que les combats, un dernier déploiement d’une certaine forme d’héroïsme guerrier, au moment même où les profondes transformations tactiques amenées par la nouvelle efficacité du feu les condamnent définitivement (on assiste ainsi aux dernières grandes charges de cavaleries qui toutes, d’un côté comme de l’autre, se brisent face au tir de l’infanterie) ; et également une véritable éthique héroïque du combat, avec des taux de pertes chez les officiers et généraux très élevés (40%). "Jusque dans son comportement au combat, le soldat du Second Empire traduit l’atmosphère morale dans laquelle il a été formé " écrivait Girardet. L’encadrement des populations pendant la guerre subit aussi de profondes transformations, avec l’émergence d’une propagande moderne.

descriptionPeut-on parler d'une guerre juste ? - Page 4 EmptyRe: Peut-on parler d'une guerre juste ?

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Intemporelle a écrit:
mais elle a été mythifiée par tout un discours littéraire (par exemple Barrès et son déterminisme "foncier", ainsi que l'idée que le sol national est le lien qui unit les vivants et les morts).
Comme si, au fond, la littérature, en s'emparant de l'histoire, en faisant d'une expérience vécue fondatrice un objet intellectuel, avait contribué à détourné toute une partie importante de la population de ses racines réelles, produisant ainsi l'effet inverse de celui escompté, puisque, au lieu de mobiliser les consciences, elle les a comme déracinées. D'où, peut-être, l'originalité de Maurras, fils spirituel de Barrès, dont le royalisme permet de remonter le cours de l'histoire française en deçà de la Révolution (naissance de la mystique nationale), et de retrouver des racines qui, pour avoir été "perdues", pouvaient être revivifiées, malgré le renoncement de Chambord. D'autant que la France, encore essentiellement agricole, fut longtemps et majoritairement royaliste. Or le bonapartisme (pouvoir autoritaire, etc.) pouvait être une corde sensible permettant de remonter le fil de la monarchie au détriment de celui de la République.

Si la période vous passionne, je vous recommande pour ma part la lecture des œuvres historiques de Ferrero ( http://www.forumdephilosophie.com/t1156-guglielmo-ferrero-1871-1942 ), mais aussi celles de Daudet, source intarissable sur la IIIe république :


  • http://archive.org/stream/lentredeuxguerr00daudgoog#page/n9/mode/2up
  • http://archive.org/download/contrelespritall00daud/contrelespritall00daud.pdf
  • http://archive.org/stream/lesidesenmarche00daudgoog#page/n7/mode/2up
  • http://archive.org/download/fantmesetvivants00daud/fantmesetvivants00daud.pdf
  • http://archive.org/download/horsdujougallema00dauduoft/horsdujougallema00dauduoft.pdf
  • http://archive.org/download/labantguerretu00daud/labantguerretu00daud.pdf
  • http://archive.org/download/laguerretotale00daud/laguerretotale00daud.pdf
  • http://archive.org/download/lestupidexixesi00dauduoft/lestupidexixesi00dauduoft.pdf
  • http://archive.org/download/lepoignarddansl00daud/lepoignarddansl00daud.pdf


  • http://archive.org/download/fantmesetvivants00daud/fantmesetvivants00daud.pdf (1)
  • http://archive.org/download/devantladouleurs00dauduoft/devantladouleurs00dauduoft.pdf (2)
  • http://archive.org/download/lentredeuxguerre00dauduoft/lentredeuxguerre00dauduoft.pdf (3)
  • http://archive.org/download/versleroisouveni00daud/versleroisouveni00daud.pdf (6)

ou


  • http://archive.org/download/souvenirsdesmili00dauduoft/souvenirsdesmili00dauduoft.pdf (1 à 4)

enfin,


  • http://archive.org/search.php?query=creator%3A%22France.+Commission+institutes+en+vue+de+constater+..%22

Intemporelle a écrit:
La guerre même entre en modernité, la guerre de 1870 par certains aspects techniques était déjà un embryon de guerre moderne, mais restait quand même majoritairement une guerre d’Ancien Régime : maladies qui font presque plus de morts que les combats, un dernier déploiement d’une certaine forme d’héroïsme guerrier, au moment même où les profondes transformations tactiques amenées par la nouvelle efficacité du feu les condamnent définitivement (on assiste ainsi aux dernières grandes charges de cavaleries qui toutes, d’un côté comme de l’autre, se brisent face au tir de l’infanterie) ; et également une véritable éthique héroïque du combat, avec des taux de pertes chez les officiers et généraux très élevés (40%). "Jusque dans son comportement au combat, le soldat du Second Empire traduit l’atmosphère morale dans laquelle il a été formé " écrivait Girardet. L’encadrement des populations pendant la guerre subit aussi de profondes transformations, avec l’émergence d’une propagande moderne.
En effet. Je crois que la guerre de Crimée est la première des guerres dites modernes techniquement, avec aussi, pour la première fois, des photographes sur place et des photos publiées ; avec l'intervention de l'opinion publique comme tiers "politique" incontournable ; avec, enfin, les prodromes de la SSBM et de la Croix-Rouge.
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