Liber a écrit: Intemporelle a écrit: Il s’agit de soumettre ou de détruire. En cela le principe de cette guerre est absolu, et elle devient illimitée : c'est le modèle des guerres modernes, qui sont faites au nom de "l'humanité" par exemple.
Deux remarques à ce que vous dites, Intemporelle. D'abord, les guerres punitives étaient très courantes dans l'Antiquité, beaucoup plus qu'à notre époque, où il y a des instances juridiques mondiales qui règlent et empêchent ces interventions. Ensuite, la guerre faite au nom de l'humanité n'est pas vraiment une guerre, c'est l'interposition d'un tiers entre les belligérants, qui se veut le plus neutre possible, donc multinational et obligatoirement mandaté par les Nations-Unies.
Ce n'est pas mon propos, mais celui de Philippe Touchet. Il ne se prononce pas sur le fait que les guerres punitives aient été plus courantes à une époque qu'à une autre. Mais il constate que des trois cas que cite Saint-Augustin (guerre de défense, guerre de récupération, guerre punitive), la troisième correspond plus à l'évolution de nos guerres modernes, et ce pour trois traits essentiels, qui la distinguent des deux autres :
- dans ce type de guerre, l'ennemi est vu comme un criminel (cela rejoint les analyses de Carl Schmitt, sur la modernité qui met la guerre hors la loi, et qui criminalise l'attaquant)
- le principe de la guerre n'est plus matériel (récupérer un territoire, repousser un ennemi qui vous attaque), mais spirituel, fait au nom d'un principe, la guerre devient par l
à même illimitée (les guerres punitives se finissent le plus souvent par la destruction pure et simple de l'ennemi)
- et enfin, c'est une guerre qui suppose d'établir une certaine idée universelle de l'homme
Mon avis personnel est que la jonction entre les guerres punitives antiques, et nos guerres punitives modernes est fragile : elle repose sur le caractère d'illimitation, et la criminalisation. Mais le troisième argument de Touchet (établir une idée universelle de l'homme) me semble peu opérant pour les guerres punitives de l'Antiquité, cependant, n'ayant pas une connaissance exhaustive de cette période, je reste prudente sur cette critique.
Quant aux instances juridiques mondiales qui à l'époque moderne règlent et empêchent ces interventions, c'est vrai dans une certaine mesure, mais on peut émettre de sérieuses réserves : qu'a été l'intervention américaine en Irak, sinon une guerre punitive ? L'appellation "rogue state" (
État voyou) popularisée par la politique américaine, montre bien la criminalisation de l'ennemi. Les instances juridiques mondiales n'empêchent ces conflits que pour les pays auxquels elles peuvent effectivement imposer quelque chose, c'est-à-dire les plus pauvres économiquement, et militairement.
En ce qui concerne la guerre faite au nom de l'humanité, je ne suis pas vraiment d'accord avec votre propos : on peut parler d'intervention d'un tiers, dans le cadre de l'ONU certes, mais il y a eu d'autres guerres faites au nom de l'humanité, en dehors de ce cadre. La
Première
Guerre mondiale, et la propagande française autour de celle-ci en est un exemple : les soldats étaient clairement convaincus qu'ils partaient défendre la civilisation et l'humanité contre la barbarie allemande. Ils s'arrogeaient le droit de combattre au nom de l'humanité, en vertu d'une vision idéalisée de la France, patrie des droits de l'homme et de la démocratie, et d'une conception de l'allemand comme d'un barbare, cristallisée depuis la guerre de 1870 et les exactions commises côté allemand.