friedrich crap a écrit: Mais alors, vous exprimez-vous dans une démarche kantienne ? Et votre vérité est-elle la chose en soi ?
Non plus.
friedrich crap a écrit: je suis en désaccord avec vous sur la mise au second rang que vous opérez des vérités "entre hommes", que nous soyons deux, une cité, un diocèse, ou un congrès de mathématiciens : car de vérités je n'en connais point d'autres.
Je ne ravale pas la vérité entre hommes, nous ne sommes pas en désaccord. Je la tiens pour essentielle. Je me contente de préciser qu'elle n'est pas tout. Il peut paraître à deux ou à mille hommes que la démocratie est le moins mauvais des régimes. Mais, quel que soit le vivre ensemble au regard duquel on se détermine, on ne vit pas que des aventures collectives. Même en présence de l'ami le plus cher, et même dans l'amour, nous n'avons guère l'espoir d'échapper à notre solitude radicale. Et, quand la question de la vérité tombe au coin de la figure d'un homme qui n'avait rien demandé, et qui doit se farcir ce genre de destin, sa solitude n'est plus seulement sa condition d'homme, c'est un fardeau que personne ou presque ne pourrait ni ne voudrait porter. Avec lui, c'est une expérience du monde qui se vit, impérieuse, et qui demande à être pensée, à être dite. Elle ne se discute pas, parce qu'on ne discute pas ce qui ne relève ni du faux ni du vrai : une expérience du monde ne se réfute pas, parce qu'il s'agit d'une
expérience, et que c'est une expérience
du monde.
friedrich crap a écrit: Ensuite, oui, il demeure l'exploration du réel, ou même du Tout si vous préférez.
Je ne sais pas si on peut assimiler le réel et le Tout.
friedrich crap a écrit: c'est peut-être là la sensibilité du génie.
La plupart des génies ne sont pas plus intelligents que les autres. Il se trouve que certains, effectivement, sont plus sensibles, plus réceptifs que la moyenne et que leurs moyens intellectuels sont suffisants pour en faire quelque chose. Certains pensent, et pensent tout le temps, comme Nietzsche, pour qui ça ne s'arrêtait jamais. Il n'était pas plus intelligent que d'autres, quoique son intelligence fût évidemment supérieure à la moyenne, mais ce n'est pas par là qu'il se distingue. Intellectuellement, il est loin d'un Leibniz. Mais Nietzsche pense, comme Pascal, comme Platon, et quelques autres. C'est cela qui est rarissime, qui n'est pas normal. Il y a, chez ces trois-là, quelque chose qui ne s'est quasiment jamais produit dans l'histoire. Il leur est arrivé quelque chose. On voit bien qu'avec aucun des trois il n'est pertinent de dire si on est d'accord ou pas avec leur pensée. C'est bien d'une pensée et d'une expérience du monde qu'il s'agit.
Dernière édition par Euterpe le Mar 24 Jan 2012 - 23:00, édité 1 fois