jeje62 a écrit:Enfin j'ai bien saisi ce que vous dites. Cependant je ne comprends pas tout.
Il n'y a pas de mal à ne pas tout comprendre, jeje62. Imaginez l'enfer que ce serait, si nous avions cette faculté.
jeje62 a écrit:Et l'accord n'a rien à faire avec la vérité non ?
Si vous relisez les interventions plus haut, vous verrez que nous concédions que l'emploi du terme "vérité" n'est qu'une approximation pour nous permettre d'approcher ce de quoi nous cherchions à parler, et que nous cherchions à déterminer.
jeje62 a écrit:Un « accord » c'est comme une permission non ? L'accord a besoin du jugement et le jugement est contraire à la vérité qui ne peut être jugée puisqu'elle est inéluctable.
Comme souvent, les mots sont polysémiques. Or ce n'est pas cette signification à laquelle nous recourons dans notre propos, mais à une autre qui reprend l'étymologie du terme : le cœur. Vous pouvez consulter l'article du wiktionnaire ici. Je rappelle que j'ai installé le lien direct vers le wiktionnaire dans la barre de navigation du forum. ;)
jeje62 a écrit:Le vrai et la vérité c'est différent. Le vrai dépend de l'énoncé, mais pas la vérité. La vérité ne peut être réfutée. Si elle l'est alors ce n'en est pas une. On peut dire un bout de vérité, mais la vérité on ne peut la dire. On peut dire ce que l'on pense vrai, mais la vérité c'est autre chose, il me semble. Pour reprendre l'énoncé premier. La vérité ne dépend pas de nous, elle est ce qu'elle est. Le vrai par contre ne dépend que de nous. Le vrai s'inscrit dans une situation particulière là où la vérité est générale. Le vrai s'applique à une situation mais pas forcément à une autre, contrairement à la vérité. Lorsque l'on dit des « vérités » sur des sujets qui n'en possèdent pas, alors on donne des opinions. Je me demande alors si l'on peut avoir la prétention de découvrir la vérité sur des sujets qui ne sont que dans l'esprit humain. La vérité n'est-elle pas simplement physique ? Ne dépend-t-elle pas que du monde ? Et là il peut y avoir plusieurs vérités, car il y a autant de mondes que de perceptions, c'est-à-dire que d'êtres pensants. La vérité est donc solitude. Mais elle peut être partagée, et donc « s'accorder ». La vérité n'existe donc pas, puisqu'elle est plusieurs. La vérité ne peut donc exister qu'indépendamment de l'esprit humain. L'esprit humain n'ayant pour vérité que ce qu'il perçoit. Soit la vérité est interprétation, et donc est opinion, c'est-à-dire qu'elle n'est pas, puisque contraire à la définition donnée. Soit la vérité est, mais indépendamment de l'esprit humain et donc n'est pas accessible pour l'être humain. Par conséquent elle ne peut dépendre de nous, dans le cas contraire elle n'est pas.
Distinguer entre le vrai et la vérité n'est pas inintéressant. Mais l'usage que vous en faites vous plonge dans une contradiction. Admettons que la vérité ne dépende pas de nous, qu'elle soit ce qu'elle est indépendamment de ce que nous pourrions en dire, inaccessible au langage. Vous ne pourriez alors même pas dire que la vérité ne dépend pas de nous. Cela même vous serait interdit. Pas de bras, pas de chocolat. La question ne se poserait donc pas. D'un autre côté, affirmer que la vérité dépendrait de nous, c'est risquer de prétendre qu'on en fait ce qu'on veut, qu'on peut la modeler et la remodeler à sa guise. Relativisme total. Résultat, pas de vérité non plus. Sans le langage, pas de vérité ; langage omnipotent, pas de vérité non plus. En fait, vous ne parlez pas de la vérité, mais vous parlez de l'être. Vous vous situez, sans le savoir, sur un plan ontologique. Or vous ne pouvez pas recouper complètement l'être et la vérité : la banane est, indépendamment de nous, mais l'être de la banane est-il la vérité de la banane ? Le terme d'ontologie est significatif de ce que je veux vous dire. Ontos (être, étant), logos (parole, discours). On ne peut pas faire autrement que de dire l'être, et ça pose un gros problème (cf. Platon, Le Sophiste, notamment ; et la querelle médiévale entre réalistes et nominalistes. Un tout petit aperçu dans ce topic) : celui d'établir la vérité.
friedrich crap a écrit:Socrate a toujours dit qu'il ne savait pas (figurez-vous que maintenant, après toutes ces années, je suis persuadé qu'il était sincère). Or, là ou beaucoup se disent guidés par "la vérité", Socrate faisait preuve d'une honnêteté exemplaire en se disant guidé par le faux : en effet, lorsque quelque chose "clochait", son daimon le lui signalait. Socrate avait l'intuition du faux, il savait lorsqu'il était "à côté" du vrai.
En effet, on ne peut interpréter l'ignorance socratique du seul point de vue de l'ironie. L'ignorance de Socrate n'est pas feinte.
jean ghislain a écrit:la vérité individuelle doit se révéler à chacun. [...]. En ce sens, il nous appartient d'entendre ces déimon qui nous aiguillent comme pour Platon et nous mènent vers la connaissance de soi.
Pourquoi pas. Mais quand on parle de vocation, malheureusement, on parle aussi d'élection, autrement dit d'un choix, arbitraire (cf. la grâce, l'hapax, le hasard, etc.). L'appelé n'est pas choisi parce qu'il serait meilleur qu'un autre. Il y faut sans doute quelques dispositions, mais c'est surtout que ça tombe sur quelqu'un, comme ça, sans qu'il ait rien demandé à personne (dieu, ou qui vous voudrez). C'est une fois que ça tombe seulement, que ça s'impose comme une nécessité ou un destin auquel on ne peut pas échapper, quand même on ferait tout pour s'y dérober. C'est un poids, dont témoignent suffisamment ceux qui ont à s'en plaindre, pour qu'on les croie ; ça les arrangerait plutôt de refiler le bébé à quelqu'un d'autre. Le démon, ce n'est donc pas une invitation à un club privé, avec une carte de membre ; mais ce n'est pas non plus un lot pour chacun. Qu'on fasse ce qu'on peut, c'est déjà beaucoup.
Silentio a écrit:peu importe d'ailleurs que le penseur se sente quant à lui voué à une tâche et qu'il veuille la réaliser.
Exactement. C'est un aspect essentiel de ce dont on parle. La vocation n'est pas un programme préétabli. Celui qui est appelé doit se débrouiller tout seul avec ce qui l'a appelé et qui ne lui a pas demandé son avis.
Silentio a écrit:Mais la vocation ne s'écroule-t-elle pas dès lors que l'on admet que l'on vogue vers l'inconnu, qu'il n'est pas certain que l'on réalise quelque chose que par ailleurs on ne connaît pas ?
C'est tout le problème de Nietzsche qui s'effondre sous le poids de sa vocation.
Dernière édition par Euterpe le Mer 27 Juil 2016 - 19:21, édité 2 fois