Vous faites une confusion. Changer le monde, c'est changer les conditions de vie des hommes (pas seulement des ouvriers, du reste). Ces conditions de vie ont un impact, plus ou moins grand, plus ou moins rapide, avec des conséquences qui peuvent même se déployer à retardement, en des sens multiples et imprévisibles. La majorité des révolutionnaires pensaient que la nature humaine est fondamentalement bonne, l'idée n'était donc pas de changer les hommes, mais d'organiser la cité pour offrir aux hommes les conditions d'un épanouissement tous azimuts. D'où la priorité donnée à l'égalité et à la liberté, dans le travail législatif de la Constituante. Rares étaient ceux qui, dès les mois de mai-juin 1789, prévoyaient la catastrophe de la Terreur (les Malouet, Mounier, Bergasse, Lally-Tollendal, Mallet du Pan, ne sont pas légion...).
Votre "chanson", donc, ne se trouve pas sur le disque révolutionnaire... Par ailleurs, un peu plus de déférence ou d'humilité, au moins de la prudence, avec ce qu'on appelle les lois, et les législateurs, ne serait pas malvenu... Surtout quand on sait que la réforme de la justice, dès 89, institua le jury, autrement dit intégra le peuple dans les tribunaux qui s'occupent des questions le concernant... Ça, ça change bien des choses. Vous devriez consulter les cahiers de doléances rédigés en 1789 pour la convocation des États généraux, vous verrez ce que demandait le peuple, après quoi il vous suffira de comparer avec le travail réalisé par les députés. Les demandes ont été satisfaites, pour la plupart. Ce qui a semé le chaos, c'est la volonté de conquérir le pouvoir.
Maintenant, que vous jugiez, vous, que la nature humaine ne soit pas exactement quelque chose d'édifiant, cela n'a rien de nouveau ; c'est aussi vieux que le monde. Chez les philosophes comme chez les politiques, vous trouverez toujours une moitié misanthrope, une moitié philanthrope, pour faire bref. Sur les bancs de l'assemblée révolutionnaire, il y a les enthousiastes (les hommes sont foncièrement bons), et il y a les circonspects (euphémisme de ma part), ceux qui, souvent d'origine janséniste, pensent que le pouvoir dénature les hommes, les rend mauvais, parce que le mal est niché dans le pouvoir lui-même. Je suis janséniste ; je n'en dirai pas plus. Toujours est-il que les lois ont des conséquences sur les mœurs, quand elles sont durables. Dès lors, ce n'est pas parce que les comportements induits par certains loisirs, sports, révèlent des côtés peu réjouissants de la nature humaine qu'il faut se dispenser de faire des lois, ou qu'il faut s'autoriser à condamner les hommes.
Dernière petite observation. Les génocides, les massacres, etc., n'ont jamais fait autant de victimes qu'à l'aire des masses et de la démocratie ou de ses simulacres (comme les "républiques" soviétiques). Le totalitarisme, c'est l'ombre portée de la démocratie (cf. Claude Lefort, Hannah Arendt, etc. ; si Leo Strauss est devenu un libéral autoritaire et conservateur, prônant le retour à la philosophie politique classique (Platon surtout), antérieure aux XVIe-XVIIe siècles, c'est précisément parce qu'il fut choqué de voir que la barbarie moderne se produisait avec les moyens mêmes des démocraties libérales).
A force de regarder le monstre chez les autres, on risque toujours de le trouver en soi... C'est facile de dire ceci et cela, c'est autre chose que de se mettre à l'ouvrage pour contribuer au bien de ses congénères.