Kvothe a écrit: Nnikkolass, où avez-vous trouvé cet extrait ? J'ai relu Le Meilleur des Mondes sans y trouver votre texte.
Je pense qu'il s'agit d'un copier-coller de ce message (mais peu importe, dans la mesure où Vangelis nous a précisé qu'il s'agit d'une prosopopée, et non d'un texte de Huxley) : http://www.bistrotchine.com/viewtopic.php?pid=5536Kvothe a écrit: Qu’entendez-vous par besoins de toute identité collective ? Un événement fondateur ne participe-t-il pas à l’élaboration de cette identité collective ? Le fait que la Révolution fasse l’objet d’appropriations aussi légitimes que farfelues, n’est-ce pas ce qui contribue à brouiller l’image que cette identité collective se donne d’elle-même ? A empêcher que cette identité collective se forme ?
Tout ce qui contribue de près ou de loin au sentiment d'appartenance qui permet aux individus de se vivre comme les membres des communautés, petites ou grandes, dans lesquelles ils vivent et dont ils procèdent (de la famille à la nation, voire à l'humanité), autrement dit cela désigne ce qu'on nomme à tort ou à raison les expériences communes, ce qui fait que, vivant une même aventure humaine, des hommes vivent ou pensent vivre un même destin, un destin commun. C'est une part importante du contrat social.Quant à l'événement fondateur, il a ceci de particulier qu'au lieu d'être créateur, il fut d'abord posé comme une table rase, de manière très consciente ("ancien" régime, abolition de la royauté en septembre 1792, terreur, "épuration"...). Je vous renvoie aux analyses de Furet, Rosanvallon, ou encore Gueniffey.Le drame historique et identitaire français tient à l'institution et aux conditions de l'institution de ce qu'on appela et qu'on appelle encore "nation" à partir de 1789, non seulement un objet juridique (droit du sol -> naître, qui donne nation), mais un objet mystique. Mystique, parce que transcendantal et en partie indéterminé : unité ; indivisibilité. Les deux attributs majeurs de cet objet, et sans lesquels la nation ne serait pas la nation, sont et restent pour une part non négligeable des attributs mystérieux, puisque censés désigner, pour l'essentiel, un lien, le lien qui unit le Français au Français, le citoyen au citoyen, et qui donne la nation France. Aucun État-Nation n'a connu une telle mystique, même à l'ère des nationalismes. Les Prussiens ont essayé, sans y parvenir ; et pour cause, une "idéologie" ne saurait se substituer à une mystique (un objet de recherche intéressant consisterait à enquêter sur la récurrence des figures de Jeanne d'Arc et de Clio (allégorie) dans la littérature française des années 1880-1920 environ, chez Péguy, Barrès, Anatole France, etc. - Clio dont je rappelle qu'elle est la muse de l'histoire). D'où la prégnance de l'histoire chez les Français, que les autres ne parviennent quasiment pas à comprendre. En effet, l'indétermination de la nation est telle, et en même temps son évidence "intuitive" et mystique est si impérieuse, que l'histoire réelle, vécue, est devenue pour ainsi dire presque immédiatement (c'est-à-dire sans passer d'abord par le filtre historiographique, qui n'avait qu'à s'en saisir) une épopée (de Valmy à Sedan, etc.). Le cours de l'histoire française est un fleuve, un fleuve de sang.La mystique nationale permet de comprendre bien des aspects de la France même contemporaine, aspects qui peuvent sembler parfois irrationnels. Par exemple, et pour retrouver la remarque et la question de JimmyB, cette mystique me paraît entretenir un lien étroit avec la conception française de l'égalité. Je me contenterai, pour l'illustrer, de citer une autre partie de l'œuvre de Victor Hugo que j'ai déjà citée dans un autre fil : Océan.Victor Hugo a écrit: Se faire une sphère de tous ses diamètres.
Le jour où toutes ces sphères, grandes, moyennes et petites, graviteront paisiblement dans le milieu social sans se heurter et sans se gêner les unes les autres, le problème posé en 1789 sera résolu. Nous l'avons dit ailleurs en d'autres termes, que les inégalités sociales se superposent aux inégalités naturelles, et l'équilibre politique est trouvé. C'est en ce sens qu'il est juste que la charte dise : égaux devant la loi comme l'évangile dit : égaux devant Dieu.
En somme, si la liberté se complique quelquefois d'aristocratie, l'égalité s'accommode trop souvent de l'esclavage. À tout prendre, nous préférons encore la liberté anglaise à l'égalité turque.
Mais on peut améliorer ce fait chez soi.
L'égalité que nous voulons, ce n'est pas le même petit carré pauvrement distribué à tout le monde, au gros comme au fluet, au grand comme au petit, suprême inégalité, selon nous. L'égalité que nous voulons, c'est le droit égal et sacré pour chacun de se développer à l'aise selon toutes ses facultés, grandes ou petites.
XXIVe poème de la section "Prose" du recueil.
Dernière édition par Euterpe le Ven 29 Juil 2016 - 11:57, édité 2 fois