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Apprendre à définir la démocratie

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invité1899
nnikkolass
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JimmyB
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Euterpe
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Janus
12 participants

descriptionApprendre à définir la démocratie - Page 8 EmptyRe: Apprendre à définir la démocratie

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Nous sommes d'accord. Il aurait fallut nuancer.

descriptionApprendre à définir la démocratie - Page 8 EmptyRe: Apprendre à définir la démocratie

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nnikkolass a écrit:
la Révolution française a quand même été soutenue par la bourgeoisie qui représentait une "middle class" entre les nobles et les paysans...

La bourgeoisie française n'a pas seulement soutenu la Révolution de 1789 : elle eut l'initiative de la Révolution. D'autre part, le découpage sociologique entre nobles, bourgeois et paysans est postérieur à celui qui avait cours au XVIIIe siècle ; c'est un critère d'analyse conçu dans le cadre du travail historiographique et sociologique. Il n'y a pas de classes sociales dans l'ancien régime, mais des ordres : l'ordre de la noblesse ; l'ordre du clergé ; le tiers-état, ce dernier incluant les bourgeois (médecins, avocats, artisans, commerçants, etc.) et les paysans. D'où les nombreuses confusions, contresens et anachronismes.
Rigoureusement, il n'y a pas de classe moyenne avant la Restauration (1815-1830) et surtout la Monarchie de Juillet (1830-1848). Il y a des disparités très nettes au sein du tiers-état, dont les catégories les plus aisées ne sont pas exactement comparables à ce qu'on appelle une classe moyenne, mais certains signes distinctifs permettent de les envisager dans un ensemble relativement cohérent : elles sont propriétaires, disposent de capitaux financiers, sont éduquées, et sont des interlocutrices établies de la noblesse. Il s'agit déjà de ce qu'on appellera plus tard des notables. Or, elles ont créé des liens de dépendance réciproques avec les nobles tout au long du XVIIIe siècle, liens de dépendance qui leur donnaient des avantages (accès à la noblesse de robe) et des inconvénients (jalousie de la noblesse, qui multipliait les vexations et les humiliations). L'association de ces avantages et de ces inconvénients donnait à cette partie de la bourgeoisie un ensemble de mobiles contribuant nettement aux conditions nécessaires qui rendent possible une révolution : l'exigence de droits permettant de se conformer à une réalité de fait (égalité - relative, mais très nette - de fait ; en droit, inégalités - archaïques et perçues comme illégitimes compte tenu de l'évolution historique), par exemple en demandant une constitution (constitution dont le débat, sous Louis XVI, cristallisa les inimitiés, les haines, les susceptibilités, faisant ainsi le lit des factions (les partis politiques n'existaient pas encore) qui se déchireront au début de la Révolution).

En Chine, la liberté d'opinion reste impossible dans la mesure où le pouvoir sait (et craint) qu'accorder les revendications des uns, c'est accorder, à très court terme, les revendications des autres. C'est créer un précédent et s'embarquer dans un enchaînement de causes et d'effets imparable, politiquement catastrophique (guerre civile, anarchie, etc.), dont nul ne peut jamais dire ce qu'il en sortira. L'évolution actuelle de la Chine a un côté "goutte-à-goutte" qui a sa rationalité. Les revendications viennent le plus souvent avec l'éducation. Il n'y a pas de révolution possible sans cela. Le pouvoir chinois est bien trop occupé à éviter les révoltes pour éviter, en plus, de créer les conditions d'une révolution. (Sur la distinction entre révolte et révolution, je vous renvoie à Jacques Ellul, De la révolution aux révoltes.)

JimmyB a écrit:
Cela fait bien longtemps que l'égalité a été écartée mais nos chers représentants ne peuvent le reconnaître tant ils ont lié l'égalité à la "justice sociale". Vous avez donc un peuple qui se méfie de ses représentants, ne comprenant pas qu'il y ait si peu d'égalité quand ces derniers la mettent en avant constamment.

Le cas français me semble un cas d'espèce, dans la mesure où l'entêtement des politiques à vouloir instituer l'égalité produit et multiplie les inégalités, beaucoup plus que ne le peut une politique qui ne voit son salut que dans la concurrence ; celle-ci, aussi indéchiffrable paraît-elle au plus grand nombre (son auto-régulation, réelle ou supposée, n'est pas d'une intelligibilité évidente), permet de juguler en partie les inégalités qu'elle produit ; celle-là (l'institution politique de l'égalité) fait des inégalités une donnée structurelle, contre laquelle il ne reste plus qu'à attendre des miracles, lesquels ne se produisent évidemment jamais. C'est une machine à produire des révolutionnaires.

nnikkolass a écrit:

« Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes. L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées.

Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser.

On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux. En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté.

Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur – qu’il faudra entretenir – sera celle d’être exclu du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur. L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu.

Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tels. On observe cependant, qu’il est très facile de corrompre un individu subversif : il suffit de lui proposer de l’argent et du pouvoir ».

Extrait du Meilleur des mondes, d’Aldous Huxley (1932).

"La dictature parfaite aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s'évader. Un système d'esclavage où grâce à la consommation et au divertissement les esclaves auraient l'amour de leur servitude."

Aldous Huxley (1864-1963), écrivain britannique, auteur du livre Le Meilleur des Mondes.


On croirait lire le portrait exact de notre société.

Dernière édition par Euterpe le Ven 29 Juil 2016 - 11:40, édité 3 fois

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Votre dernière remarque me paraît fondée. Huxley a vécu entre deux siècles (19e et 20e siècles), il a dû constater une évolution très rapide des technologies sur cette période, peut-être tellement rapide que les hommes n'ont pas eu ou pris le temps de s'interroger suffisamment sur le sens, l'épistémologie, l'analyse de cette évolution rapide. Le phénomène d'appropriation par la culture de ces nouvelles technologies n'a pas eu le temps de se mettre en place. En exemple, l’évolution de la puissance des médias en lien avec la technologie (radio, télévision puis internet, etc.). Notre culture s'est peut-être légèrement transformée en s'appauvrissant, en remplaçant des valeurs fondamentales du lien social par des valeurs qui n'en sont pas vraiment, tout au plus une illusion du fait d'un manque de maîtrise éthique concernant ces avancées technologiques...

Il me semble que ce forum de philosophie, ainsi que de nombreuses actions de "penseurs-résistants" participent à rétablir un équilibre, il n'est peut-être pas trop tard ?
Je constate quand même autour de moi un certain désintérêt pour la philosophie, la preuve : quand on tape forum de philosophie sur google, ce forum apparaît en premier et pourtant il n'y a pas des milliers de personnes, c'est bien que la philosophie n'est pas utile pour la plupart des humains, qui ont d'autres préoccupations qui leur paraissent bien plus importantes et immédiates...

Alors, votre dernière remarque me laisse penser que ce forum a une fonction qui dépasse ses créateurs, elle permet tout simplement de penser, de confronter des idées dans le respect de l'autre et donc j'en suis certain de s'améliorer en tant qu'être humain... Cela paraît peut-être exagéré, mais il y a bien longtemps que je remarque que le travail de fourmi des associations, des bénévoles, de certains forums sur internet est aujourd'hui une des alternatives comme contre-pouvoir aux "fausses valeurs".

descriptionApprendre à définir la démocratie - Page 8 EmptyRe: Apprendre à définir la démocratie

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Vous avez raison Euterpe, c'est un cas d'espèce et même un cas d'école puisque la devise nationale, aussi symbolique soit-elle, est le réceptacle de tout ce paradoxe. Il est par conséquent logique que la structure démocratique de la France soit dès lors bancale et obsolète. Par cela même nous n'avons toujours par réussi à nous défaire de la figure du Roi, à ceci près que maintenant nous devons nous soumettre à notre propre choix. La Révolution a donc accouché d'une souris et les inégalités s'en sont trouvées renforcées, la liberté n'étant pas non plus davantage développée.

Mais avons-nous un embryon de solution selon vous ?

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JimmyB a écrit:
Mais avons-nous un embryon de solution selon vous ?

C'est une question d'une difficulté vertigineuse. Quelques éléments d'analyse, en attendant de développer de manière plus satisfaisante.

Tant que l'historiographie française n'aura pas achevé d'intégrer l'historiographie anglo-saxonne, ce qui consiste à désacraliser la Révolution française, à renoncer au mythe de l'événement fondateur, nous ne disposerons pas encore de "modèles", de paradigmes, de visions propres à satisfaire les "besoins" de toute identité collective, et surtout à susciter une entreprise et un destin communs, un vrai contrat social. En guise de contrat, nous ne disposons que d'un État ; cela équivaut à marcher sur la tête. Il n'y a de contrat que social, seul à pouvoir fonder un État viable. Or notre État fut institué alors que le contrat social était rompu, alors que la guerre civile française n'était pas achevée (il n'est que de reprendre la chronique des années 1794-1799 - de Thermidor au Consulat). D'autre part, notre État est une aristocratie sans cesse renouvelée (ce que le club des Cordeliers, Danton en tête, comprit dès les premières heures de la Révolution, et qui explique en partie l'enjeu majeur de la bataille entre mandat impératif et mandat représentatif, tant dans les débats des représentants de la commune de Paris sous son premier maire, Bailly, que dans ceux de l'Assemblée nationale). Il suffit de lire la Constitution de notre Ve République (Titre IV, art. 27) : "Tout mandat impératif est nul"... Qu'est-ce qu'un homme politique que rien ou presque ne rend responsable devant personne ou presque ?

La décentralisation (à la française) n'y changera rien. Les penseurs politiques à lire en priorité pour nous aider à trouver des solutions me paraissent être : 
Malouet, Mounier, Mallet du Pan, Barante (et ici), Victor de Broglie.

Il n'y a pas d'égalité réelle possible ailleurs que dans une sphère politique proportionnée à l'échelle de la commune. Sauf que la décentralisation va de pair avec une centralisation territoriale inquiétante. La commune est une machine. Que lui reste-t-il de politique ?

Dernière édition par Euterpe le Mer 22 Mai 2024 - 23:23, édité 5 fois
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