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Nietzsche, l'art et la vérité.

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Euterpe
Desassocega
6 participants

descriptionNietzsche, l'art et la vérité. - Page 7 EmptyRe: Nietzsche, l'art et la vérité.

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Desassossego a écrit:
La métaphore du crépuscule est claire sur ce point et ne semble pas nous permettre un quelconque doute. Le XIXe siècle européen, c'est le crépuscule de notre civilisation

Le titre reprenait celui du drame de Wagner, le Crépuscule des dieux. Quant à l'étendue du crépuscule nietzschéen, il excédait de très loin le XIXe siècle, aussi bien en amont qu'en aval de l'histoire.

Ainsi, dire que Nietzsche inverse ou renverse Platon me semble faux, ou du moins incomplet.

C'est pourtant vrai. Nietzsche inverse exactement la vision platonicienne, comme il inverse Gœthe : "L'éternel féminin nous attire vers le bas." Nietzsche aimait ce jeu de miroir.


Juliendeb a écrit:
Rejoindre le monde des Idées, c'est fuir la réalité : il parle alors de lâcheté, de faiblesse, de décadence


De nihilisme ;)

Platon n'en était pas encore à ce stade. Le nihilisme, c'est l'absence de croyance. Un athée comme Nietzsche était nihiliste. J'emploierai la formule de Nietzsche : "idéal ascétique" pour qualifier Platon.


Nietzsche fait sans arrêt référence à la montagne ou aux hauteurs. Et s'il le fait, c'est parce qu'il a toujours senti que pour penser clairement, il fallait prendre de la hauteur face au monde. Voilà pourquoi il aimait à se balader en montagne par exemple. Il le dit dans un de ses textes, mais je ne me souviens plus où...

Je cite Gœthe, Second Faust :
Ici, la vue est libre et l'esprit élevé.

Mais les montagnes ont une valeur symbolique beaucoup plus forte que la simple clarté du regard que permet leur ascension Pour les romantiques, elles symbolisent l'éternité du monde, le renouveau de la vie. Enfin, on se souvient que les montagnes étaient sacrées dans l'Antiquité, elles étaient les lieux d'habitation des Dieux, Empédocle, qui passait pour un dieu, se jeta même dans l'Etna.

descriptionNietzsche, l'art et la vérité. - Page 7 EmptyRe: Nietzsche, l'art et la vérité.

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Liber a écrit:
Quant à l'étendue du crépuscule nietzschéen, il excédait de très loin le XIXe siècle, aussi bien en amont qu'en aval de l'histoire.
Oui ! Pour Nietzsche, la décadence commence avec Socrate je pense. Mais Nietzsche voit dans le XIXe siècle le summum de la décadence me semble-t-il, l'époque où la civilisation européenne est dans le pire état (cf. Le plan de la Volonté de puissance de 1888 si je me souviens bien).

Liber a écrit:
Nietzsche inverse exactement la vision platonicienne
Je disais quant aux valeurs... Car si comme il le dit les critères des valeurs changent, alors on ne peut dire que c'est simplement l'inverse. Ce serait simplifier Nietzsche.

Liber a écrit:
Le nihilisme, c'est l'absence de croyance. Un athée comme Nietzsche était nihiliste.
Mais Nietzsche entend par nihilisme le fait d'avoir un idéal, le fait de nier la réalité par un monde supra-sensible, penser que la vie est ailleurs, etc. Ainsi, je ne pense pas du tout que Nietzsche se considérait comme nihiliste.

descriptionNietzsche, l'art et la vérité. - Page 7 EmptyRe: Nietzsche, l'art et la vérité.

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Desassossego a écrit:
Je parlais quant aux valeurs... Car si comme il le dit les critères des valeurs changent, alors on ne peut dire que c'est simplement l'inverse. Ce serait simplifier Nietzsche.

Les critères des valeurs ? Je ne vois pas ce que vous voulez dire. Les valeurs des valeurs ? Vous vous compliquez la vie inutilement. Nietzsche ne change pas les valeurs : il les inverse, dans le sens vertical. Le retour de l'ancienne aristocratie, le monde sensible qu'il place au sommet, l'esclave qui devient le maître, etc. La Volonté de puissance était sous-titrée : tentative d'inversion des valeurs.

Mais Nietzsche entend par nihilisme le fait d'avoir un idéal, le fait de nier la réalité par un monde supra-sensible, penser que la vie est ailleurs, etc.

Le nihilisme est la conséquence ultime de cette fuite vers les "arrière-monde", c'est-à-dire qu'on finit par découvrir que ces "arrière-monde" ne sont que des illusions, on soulève le voile de la Maya et on constate qu'il n'y a rien derrière ! Comme on ne peut s'arrêter de vouloir (la vie est volonté), on veut donc le néant (cad la matière), type Flaubert ou Schopenhauer, qui essayait d'endormir en lui par l'ascèse cette volonté stupide, car bien entendu, la volonté n'a pas d'intelligence, par conséquent pas de vérité.

Ainsi, je ne pense pas du tout que Nietzsche se considérait comme nihiliste.

Il se disait le dernier des nihilistes, celui qui a vécu le nihilisme jusqu'au bout, dans toutes ses conséquences, qui l'a au-dessus et au-dessous de lui... Et il espérait trouver une petite porte de sortie, comme il le disait à un ami.

descriptionNietzsche, l'art et la vérité. - Page 7 EmptyRe: Nietzsche, l'art et la vérité.

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Liber a écrit:
Les critères des valeurs ? Je ne vois pas ce que vous voulez dire. Les valeurs des valeurs ? Vous vous compliquez la vie inutilement. Nietzsche ne change pas les valeurs : il les inverse, dans le sens vertical.
Si je me complique inutilement la vie, j'ai peur que vous vous la simplifiiez un peu trop. Nietzsche ne dit pas : regardez toutes les valeurs d'antan. Pensez le contraire. Vous arriverez à moi. Il ne suffit pas de connaître Platon, puis de faire l'inverse, pour arriver à Nietzsche, car il ne s'agit pas chez Nietzsche de renverser seulement les valeurs, mais de renverser l'évaluation elle-même.

Prenons l'exemple de l'aristocratie, de la noblesse. Nietzsche ne nous dit pas du tout de revenir à l'aristocratie d'avant (avant que Platon ne trahisse ses origines), mais bien de créer une nouvelle noblesse. Il s'agit toujours de créer avec Nietzsche, et non de faire l'inverse de ce qui est alors.

Nietzsche a écrit:
C'est pourquoi, mes frères, il faut une nouvelle noblesse, qui serait l’adversaire de toute populace et de tout despotisme et qui écrirait sur de nouvelles tables, de façon nouvelle, le mot "noble" [...] mes frères, ce n'est pas en arrière que votre noblesse doit regarder, mais au loin !

Ainsi parlait Zarathoustra, Des veilles et des nouvelles tables, 11-12
Nietzsche veut du nouveau. Quelque chose de tellement nouveau qu'on ne pourra pas le mettre en rapport avec ce qui était avant (même en tant que contraire). Ainsi il ne s'agit bel et bien pas d'un simple renversement de valeurs (ce serait bien trop facile), mais d'un renversement de l'évaluation des valeurs. Et le principe d'évaluation des valeurs, devient, avec Nietzsche (mais il faudrait peut-être plutôt dire,"passe au premier plan" avec lui) la Volonté de puissance.

L'exemple le plus adéquat est certainement celui de la morale (le bien et le mal). Nietzsche ne nous dit pas du tout que ce qui était bien devient mal et que ce qui était mal devient bien. Pas du tout. Nietzsche ne souhaite pas inverser bien et mal, mais dépasser cet antagonisme par le concept de Volonté de puissance.

descriptionNietzsche, l'art et la vérité. - Page 7 EmptyRe: Nietzsche, l'art et la vérité.

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Desassossego a écrit:
Nietzsche ne souhaite pas inverser bien et mal, mais dépasser cet antagonisme par le concept de Volonté de puissance.

Certes, mais cela implique de faire passer le "mal" pour un "bien". C'est-à-dire faire en sorte que les méchants actuels deviennent les bons, et qu'ils méprisent comme autrefois ceux qui s'appellent aujourd'hui les bons, en les appelant à nouveau des mauvais. L'antagonisme "Bien et mal" deviendra alors "bon et mauvais", ce qu'il a été avant que les esclaves ne subvertissent les valeurs à leur compte. Relisez la première dissertation de Généalogie de la morale, vous y verrez tout ce que je vous dis. Quant à dire que Nietzsche ne voulait pas revenir à l'ancienne noblesse, c'est faux. Au contraire, il ne cesse de se lamenter sur les vieilles aristocraties, à se revendiquer un des leurs, comme le comte de Gobineau. Et quand Wagner veut remettre Parsifal devant ces aristocraties, il s'insurge et quitte Bayreuth, à l'instar de Gobineau, proche ami de Wagner. Vous devriez méditer cette phrase de Nietzsche : "Tout ce qui est bon est hérité", encore une phrase de Gœthe détournée. Savez-vous que Nietzsche se prévalait de son sang polonais ? Vous n'avez certainement pas idée de l'importance qu'il accordait aux origines et à l'hérédité. Absolument capitale. De ce côté-là, les Nazis pouvaient à bon droit le considérer comme leur maître, ainsi que Gobineau.
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