Ce sont des citations qui paraissent très proches, mais il s'agit d'amour, pas de liberté : ce qui rapproche ces citations, c'est simplement un système de réciprocité, mais le sens et les implications n'en sont pas similaires. Voyez-vous le terme liberté dans une seule de ces citations, où quelque chose qui en soit le synonyme ? Dans ces citations, ce n'est pas parce que l'autre est reconnu comme liberté que l'on ne doit pas lui faire de mal, mais parce qu'il est reconnu comme créature de Dieu, et donc étant aimé de Dieu, le croyant doit l'aimer également inconditionnellement. Selon ces doctrines, ce n'est pas une liberté horizontale qui unit les hommes, mais l'amour vertical de Dieu ; et c'est totalement différent. Alors que ce qu'affirme le précepte "la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres", c'est le fait que ce qui unit tous les hommes, c'est leur statut de sujets libres. Dans ce champ de pensée, ce qui définit l'homme c'est qu'il est un être libre, et par le fait même de cette liberté, pourvu de droits (et de devoirs), et c'est un changement fondamental par rapport aux citations que vous présentez, ou ce qui fait l'homme c'est sa propension au péché, et malgré cette propension, l'amour inconditionnel de Dieu, auquel le croyant doit essayer de s'égaler en aimant également inconditionnellement son prochain. Et s'il doit l'aimer comme lui-même, c'est parce qu'il s'aime inconditionnellement, et c'est la marque de son péché : il s'agit donc ici de transcender ce qui était au départ un péché, l'amour-propre (voir ce que Saint Augustin en dit), et de l'élever à la dignité d'un amour étendu à toutes les créatures de Dieu, en tant qu'elles sont créatures de Dieu.
Ce sont deux statuts très différents de l'homme qui sont en jeu ici.
Quant au reste de votre propos, je vous renvoie à la distinction que je fais entre les religions dites païennes, et les religions dites révélées, que vous n'avez manifestement pas lue, ce qui répond à vos objections concernant les religions grecques et romaines. Les religions païennes ne sont pas des systèmes universels, alors que les religions révélées si, c'est ce qui fonde leur incompatibilité avec tout autre système qui a également vocation a une certaine forme d'universel.
Par ailleurs vous vous contredisez puisque vous faisiez des religions les chantres de la tolérance, et vous reconnaissez (enfin !) que les religions chrétiennes et musulmanes sont intolérantes. Le contresens est dû au fait que vous ne prenez pas assez en compte que les principes d'amour de ces religions s'étendent à l'homme en tant qu'il fait partie de la communauté des croyants (mais à terme, l'objectif est d'intégrer toute l'humanité dans cette communauté des croyants, ce qui complique la portée de ces principes) : tout ce qui refuse de se plier à ces systèmes qui ont vocation à l'universel, est vu comme une menace. Cette ambiguïté est présente déjà au cœur des textes sacrés eux-mêmes : d'un côté des passages où l'amour est exalté, et d'autres où tous ceux qui se détournent de Dieu sont violemment attaqués, que ce soit dans la Torah, dans la Bible ou le Coran, les passages d'une intolérance extrême ne manquent pas.
D'autre part, vous dites que la religion n'a pas à être dévoilée dans le domaine public, mais c'est justement de cela qu'il s'agit avec les caricatures de Mahomet : du fait que la religion veut régenter l'espace public, et définir ce qui peut y être dit, et ce qui ne peut pas y être dit. Et cela est vrai de tout temps, et n'est pas spécifique à la religion musulmane. Simplement, commencer à penser qu'il faut se plier aux exigences de la religion, comme vous le disiez au départ, "pour ne pas jeter de l'huile sur le feu", c'est précisément laisser la religion sortir de l'espace privé, et venir dicter la loi dans l'espace public. La nature même de leurs revendications est éclairante ici : il s'agit d'imposer une interdiction du "blasphème", or le concept même de blasphème n'a de sens que dans l'ordre des dogmes religieux, il s'agit donc d'une offensive religieuse pour envahir à nouveau la sphère publique et la régenter. Vous dites que la religion doit rester dans la sphère privée, et pourtant vous semblez prêt à accepter que la liberté d'expression soit limitée par des concepts religieux ("offense", "blasphème"), ce qui est évidemment contradictoire, et montre que vous n'abordez la réaction des musulmans que dans un sens affectif et pas du tout à froid, du point de vue des implications politiques de ces réactions, ce qui enlève tout recul à votre propos, et conduit à ces contradictions. Je ne dis pas que la liberté d'expression ne doit pas être réglementée (elle l'est d'ailleurs, les propos racistes, incitant à la haine ou au meurtre sont passibles de la loi), mais ce n'est pas par des principes religieux qu'elle doit être réglementée.
Ce sont deux statuts très différents de l'homme qui sont en jeu ici.
Quant au reste de votre propos, je vous renvoie à la distinction que je fais entre les religions dites païennes, et les religions dites révélées, que vous n'avez manifestement pas lue, ce qui répond à vos objections concernant les religions grecques et romaines. Les religions païennes ne sont pas des systèmes universels, alors que les religions révélées si, c'est ce qui fonde leur incompatibilité avec tout autre système qui a également vocation a une certaine forme d'universel.
Par ailleurs vous vous contredisez puisque vous faisiez des religions les chantres de la tolérance, et vous reconnaissez (enfin !) que les religions chrétiennes et musulmanes sont intolérantes. Le contresens est dû au fait que vous ne prenez pas assez en compte que les principes d'amour de ces religions s'étendent à l'homme en tant qu'il fait partie de la communauté des croyants (mais à terme, l'objectif est d'intégrer toute l'humanité dans cette communauté des croyants, ce qui complique la portée de ces principes) : tout ce qui refuse de se plier à ces systèmes qui ont vocation à l'universel, est vu comme une menace. Cette ambiguïté est présente déjà au cœur des textes sacrés eux-mêmes : d'un côté des passages où l'amour est exalté, et d'autres où tous ceux qui se détournent de Dieu sont violemment attaqués, que ce soit dans la Torah, dans la Bible ou le Coran, les passages d'une intolérance extrême ne manquent pas.
D'autre part, vous dites que la religion n'a pas à être dévoilée dans le domaine public, mais c'est justement de cela qu'il s'agit avec les caricatures de Mahomet : du fait que la religion veut régenter l'espace public, et définir ce qui peut y être dit, et ce qui ne peut pas y être dit. Et cela est vrai de tout temps, et n'est pas spécifique à la religion musulmane. Simplement, commencer à penser qu'il faut se plier aux exigences de la religion, comme vous le disiez au départ, "pour ne pas jeter de l'huile sur le feu", c'est précisément laisser la religion sortir de l'espace privé, et venir dicter la loi dans l'espace public. La nature même de leurs revendications est éclairante ici : il s'agit d'imposer une interdiction du "blasphème", or le concept même de blasphème n'a de sens que dans l'ordre des dogmes religieux, il s'agit donc d'une offensive religieuse pour envahir à nouveau la sphère publique et la régenter. Vous dites que la religion doit rester dans la sphère privée, et pourtant vous semblez prêt à accepter que la liberté d'expression soit limitée par des concepts religieux ("offense", "blasphème"), ce qui est évidemment contradictoire, et montre que vous n'abordez la réaction des musulmans que dans un sens affectif et pas du tout à froid, du point de vue des implications politiques de ces réactions, ce qui enlève tout recul à votre propos, et conduit à ces contradictions. Je ne dis pas que la liberté d'expression ne doit pas être réglementée (elle l'est d'ailleurs, les propos racistes, incitant à la haine ou au meurtre sont passibles de la loi), mais ce n'est pas par des principes religieux qu'elle doit être réglementée.