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Le philosophe doit-il être irréligieux ?

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descriptionLe philosophe doit-il être irréligieux ? - Page 3 EmptyRe: Le philosophe doit-il être irréligieux ?

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Je trouve ce jugement de Liber hâtif et simplificateur. Soutenir la religion et être religieux sont deux choses différentes : la foi personnelle ne mène pas automatiquement à se soumettre à l'institution politique. L'histoire de la pensée chrétienne fait aussi place aux individualités fortes qui défendent leur conception de la foi et leur vérité contre les erreurs et abus du dogme servant la domination de l'Église, laquelle trahit le message du Christ. Il y a aussi beaucoup de catholiques en France qui se reconnaissent comme tels, reconnaissent l'autorité de l'Église et des Écritures tout en n'ayant qu'une foi très limitée, voire inexistante, et/ou en n'étant pas pratiquants (ce serait un référent culturel). On peut encore n'adhérer à aucune religion, ne croire en rien, et pourtant reconnaître l'importance de la religion du point de vue des mœurs et du lien social qui donneraient sa cohérence à la société. De plus, le philosophe, s'il se doit de critiquer théoriquement la religion, ses abus, et notamment le caractère infondé de ses croyances, peut soit reconnaître que la foi complète la raison, soit que la croyance religieuse présente un intérêt pratique non négligeable en réponse, par exemple, au scepticisme et au relativisme (ou encore, on peut conserver des valeurs morales issues de la religion en se passant de Dieu et de la religion, comme chez Kant ou Sartre, en comprenant simplement que sur ce plan la religion n'avait pas tort). La religion n'est pas que le quiétisme que dénonçait Sartre, elle peut aussi inciter à agir, aider à aller de l'avant, à se reconstruire après des échecs, consoler, etc. Elle peut être un opium du peuple, pour citer Marx, dans toutes les acceptions du terme et être ce divertissement (au sens pascalien) minimal et supérieur dont on ne saurait se passer lorsque le reste se dévoile dans sa facticité. Sans sens, même s'il est créé et arbitraire, l'homme est perdu. La religion a l'intérêt et le désavantage, comme le montre Castoriadis (qui critique radicalement la religion), de montrer tout en le voilant, en le redoublant, le Sans-fond primordial des choses, le chaos duquel, par lequel, sur lequel les diverses strates du monde se créent, dont la société humaine. En tout cas, la religion peut nous enseigner des choses, elle présente un intérêt philosophique : aussi bien dans sa critique que dans sa compréhension. La critique ne détruit pas forcément : elle soupèse, discrimine, distingue, discerne, et peut, sans tout rejeter, ordonner ou hiérarchiser les choses auxquelles elle peut attribuer un domaine légitime compris dans des limites. Il serait donc dommage, comme me semble le suggérer Desassossego, de s'interdire de penser la religion, de penser aussi avec, au lieu de s'en tenir au préjugé et à l'ignorance, ce qui est le comble quand on prétend juger d'une chose qu'on croit connaître. Enfin, le philosophe doit-il être athée ? Doit-il choisir un système de croyances (par exemple l'athéisme ou la science) plutôt que de mener la critique sur tous les fronts en considérant toutes les valeurs ? Ne peut-il pas être aussi religieux ? L'athée et le scientifique ne sont-ils pas religieux à leur manière (ou toute autre personne opposée radicalement à ce qui est stigmatisé par le nom de religion et dont elle prétend se distinguer, comme si elle détenait une vérité supérieure et assurée pour cela) ? Et ne peut-on pas concevoir différentes conceptions du religieux ? Est-ce un retrait dans les ordres, un assujettissement, ou un sentiment qui nous anime ? N'est-ce pas aussi, comme le sentiment métaphysique, ce qui nous guide vers l'essentiel, met en jeu notre existence dans ce qu'elle a de plus intime et peut, à ce titre, nous mener à refuser les apparences trompeuses d'où qu'elles viennent ?

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Silentio a écrit:
Soutenir la religion et être religieux sont deux choses différentes : la foi personnelle ne mène pas automatiquement à se soumettre à l'institution politique.

Je vous fais le même reproche qu'à Desassossego, être religieux ne signifie rien, ou pas grand chose. Comment être religieux sans dogme ? Certes, vous pouvez admirer la nature, mais dans ce cas, je parlerais plutôt de sentiment du sublime. Darwin raconta à l'âge mûr comment ce sentiment qu'il éprouvait dans sa jeunesse devant les immenses forêts du Brésil n'avait rien de religieux. En tous les cas, je ne connais aucune religion sans dogme. Or, je ne peux pas croire qu'un philosophe choisisse d'intégrer un dogme à sa pensée et qu'il reste philosophe. Je vois ces philosophes comme des traîtres, des chevaux de Troie de la religion. Qu'est-ce qu'on trouve dans la morale kantienne ? Le Décalogue, comme le dit Schopenhauer. Kant a fait de la sombre religion juive un bel objet brillant, mais qui n'en est que pire, car il devient presque impossible à reconnaître, sous le costume de la Raison (avec un grand R, s'il vous plaît). "Tu dois", la maxime est cette fois inspirée par la Raison et non plus par Yahvé. Que le philosophe ait au moins la franchise de se dire crânement chrétien !

Enfin, le philosophe doit-il être athée ? [...] Ne peut-il pas être aussi religieux ?

S'il nous démontre comment il parvient à Dieu, s'il se dévoile au lieu de finasser avec un jargon à la Kant ou à la Hegel, mais il aura du mal, personne n'a en effet pu trouver une preuve valable de l'existence de Dieu. Que font donc ces philosophes croyants ? Pour ne pas qu'on les prenne pour ce qu'ils sont, des curés sans soutane, ils parlent de Dieu de façon détournée. Je n'ai rien à faire d'un philosophe qui me sert la messe, parce que le curé est trop dogmatique pour moi, comme un Luc Ferry qui bavasse sur l'amour à longueur de livres, et moralise à tout va, comme au prêche. Je préfère un bon prêche, l'original à la copie, et je plains le philosophe de s'abaisser ainsi devant quatre ou cinq personnes (je rajoute Mahomet aux quatre autres de Nietzsche : "Jésus de Nazareth, le pécheur Pierre, le tisserand Paul, la mère du nommé Jésus, Marie").

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Liber a écrit:
Je vous fais le même reproche qu'à Desassossego, être religieux ne signifie rien, ou pas grand chose.

Dans ce cas, si cette expression est vide de sens, votre reproche initial à l'encontre de Desassossego tombe à plat. Tolérer la religion dans certaines limites n'a rien de spécifiquement religieux. Allons plus loin que cette trivialité consistant à réduire à néant quelque chose qui n'a aucune signification et donc aucune force : politiquement, par exemple avec le libéralisme, la tolérance permet à la fois la liberté et le vivre-ensemble. Peu importent nos propres croyances tant que toutes sont permises, à condition que chacune ne nuise pas à la cohésion sociale et à la liberté d'autrui. Je peux défendre la liberté d'opinion du chrétien ou du musulman sans partager les croyances et les dogmes et ce tant que cette liberté ne se change pas en intégrisme mettant à mal le commun par où elle est elle-même possible.

Liber a écrit:
Comment être religieux sans dogme ?

En étant simplement un croyant. Beaucoup croient sans suivre à la lettre les dogmes. Il y en a aussi qui font une expérience mystique qui ne relève pas de la religion. On peut se passer de toute participation effective à une communauté à laquelle on peut se sentir simplement appartenir. Les protestants ont développé une relation directe et personnelle à Dieu par l'intermédiaire de leur conscience par exemple. En philosophie, Pascal, dans une certaine mesure, et Kierkegaard, suivis d'Ellul, sont de bons exemples de ces chrétiens qui ont combattu l'institution au nom d'une foi véritable et vécue intimement. Voyez aussi Bergson qui a pensé les sociétés close et ouverte (de même pour la religion) et qui a failli se convertir au christianisme (dans lequel il a retrouvé quelque chose de sa philosophie) alors même que sa philosophie vise pourtant la liberté individuelle et une compréhension de la réalité sensible dans son mouvement propre.

Liber a écrit:
Certes, vous pouvez admirer la nature, mais dans ce cas, je parlerais plutôt de sentiment du sublime.

Vous parlez ici d'un argument qui commence à dater. L'évolution du sentiment religieux me semble plutôt passer de la contemplation du monde comme œuvre divine et de ses principes à l'expérience concrète du quotidien au centre de laquelle se trouve la subjectivité qui s'éprouve dans l'épreuve du monde et de sa transcendance.

Liber a écrit:
En tous les cas, je ne connais aucune religion sans dogme.

Mais vous ne cessez de présupposer que tout croyant ou tout homme qui éprouve un sentiment religieux adhère de facto aux dogmes. Or l'existentialisme chrétien n'a jamais proclamé la nécessité de s'agenouiller aux pieds du Pape. Au contraire, ce mouvement s'est recentré sur l'individu dans son existence propre et irréductible à tout système ou à la raison, sur la personne et sa liberté fondamentale. Sartre et Heidegger ne viennent pas de nulle part : ils sont radicalement athées (quoique Heidegger, à lire peut-être en agnostique comme Kierkegaard, attende encore, comme Schelling, un Dieu providentiel) , pourtant le fond de leur philosophie existentielle est hérité de l'existentialisme chrétien.

Liber a écrit:
Or, je ne peux pas croire qu'un philosophe choisisse d'intégrer un dogme à sa pensée et qu'il reste philosophe.

Ou alors à dessein, dans une perspective politique, comme chez Platon et Nietzsche. En tout cas, je ne vois pas quel philosophe a intégré à sa philosophie ce qu'il considérait lui-même comme un dogme. Ce serait absurde. Un philosophe propose des hypothèses ou démontre une vérité (ou ce qui pour lui devient par cette démonstration une vérité infaillible en laquelle il croit). Descartes n'était pas un malin génie qui se serait mis au service de l'Église pour asseoir sa légitimité et son pouvoir en prouvant l'existence de Dieu - lequel, d'ailleurs, est bien un "Dieu des philosophes" qui annonce celui de Spinoza. Chestov dit que Spinoza est le meurtrier de Dieu, mais qu'il n'est, au fond, que l'exécuteur testamentaire de Descartes, lequel avait été traité d'inutile et d'incertain par un Pascal qui comprenait bien que ce Dieu-là n'était pas grand chose, que le Dieu chrétien était réduit dans cette entreprise à ne servir que de justification à la méthode cartésienne. Il ne faut pas non plus oublier aussi que dans les époques passées le risque de persécution pour hérésie était grand, d'où un double langage pour dire au commun ce qu'il veut entendre, ce qui ne froisse pas l'autorité, et des thèses cachées compréhensibles par les lecteurs éminents. Et les apologues de la religion avaient en vue la vérité, le salut et la liberté. On pourra toujours dire a posteriori qu'ils étaient trop crédules, toujours est-il que le dogme, l'opinion ou le préjugé sont sévèrement combattus par les philosophes. Il en reste pourtant toujours, de ces préjugés, justement parce qu'ils sont des préjugés : ils relèvent de l'inconscient ou de l'imaginaire social d'une époque et un philosophe reste toujours un homme de son temps, quand bien même il essaie d'en sortir et est exceptionnel (au sens d'extraordinaire - il entretient un rapport non ordinaire à l'ordinaire).

Liber a écrit:
Je vois ces philosophes comme des traîtres, des chevaux de Troie de la religion.

Je pense au contraire que les philosophes ont bien du mérite lorsqu'ils prennent en considération l'existence réelle qui excède la raison et qu'ils sont confrontés à l'irrationnel, l'illogique, voire à l'absurde et trouvent un enseignement sur le sens de la vie ordinaire, qui en elle-même apparaît comme étrange, dans certaines considérations ontologiques ou anthropologiques propres aux religions. Bien sûr, je ne parle pas de ceux qui déifient la Raison, s'arrogeant alors l'exclusivité de la pensée de Dieu ou épuisant le réel et l'humain dans la logique. Voire réduisent Dieu à la logique ou instrumentalisent Dieu soumis à leur pensée qui se prend pour lui. En tout cas, la raison seule permet-elle d'approcher la réalité et n'est-il pas possible de découvrir ou de faire l'expérience de quelque chose comme du divin hors des préjugés du rationalisme (idéaliste ou matérialiste) ? Le seul problème c'est quand cette autre forme de pensée ou de connaissance ne peut se fonder elle-même, rendre compte de ce dont elle parle, là où il peut s'agir d'une expérience personnelle indicible.

Liber a écrit:
Qu'est-ce qu'on trouve dans la morale kantienne ? Le Décalogue, comme le dit Schopenhauer. Kant a fait de la sombre religion juive un bel objet brillant, mais qui n'en est que pire, car il devient presque impossible à reconnaître, sous le costume de la Raison (avec un grand R, s'il vous plaît). "Tu dois", la maxime est cette fois inspirée par la Raison et non plus par Yahvé. Que le philosophe ait au moins la franchise de se dire crânement chrétien !

Mais Kant s'est-il jamais dit opposé à la religion et à la métaphysique ? Seulement au dogmatisme. Par ailleurs, si la morale biblique ou kantienne est irréalisable ou trop lourde, elle présente le grand intérêt de faire prendre en considération à chacun autrui, de montrer que la liberté ne s'exerce pas sans responsabilité, c'est-à-dire une autolimitation (Castoriadis).

Je peux me donner une loi à moi-même (c'est l'autonomie rousseauiste) mais je dois prendre en compte autrui, lequel peut me nier et me tuer si je dis qu'il est légitime pour moi de le faire avec autrui. En effet, Sartre émet l'idée selon laquelle mon choix (de vie, de valeurs) engage une idée de l'humanité entière, de sorte que si je choisis une action ou une valeur elle doit valoir absolument pour que je la choisisse, et donc universellement : si je choisis telle valeur c'est que chacun doit vouloir la préférer et si la vie bonne consiste dans l'injustice, alors je légitime le fait que chacun, me voyant, pourra vouloir me tuer : or on voit dans ce cas que mon existence dépend d'autrui, de mes choix et l'orientation qu'ils donnent à ma représentation de l'humanité dont je fais partie. Il serait illogique de vouloir détruire mes propres conditions de possibilité. Ainsi, si je veux être libre, je dois vouloir qu'autrui le soit. Mais la liberté absolue se nierait elle-même.

Le principe de réalité, pour employer une expression freudienne, c'est l'Autre : le monde, autrui, ce qui me résiste, me menace et me confronte à ma propre fragilité, là où mon désir est aveuglément tendu vers sa satisfaction et vers l'illimitation d'une accumulation sans fin de puissance (visant à combler la béance que je suis lorsqu'existant, sortant de moi-même pour exister au monde, je suis pénétré et excédé de part en part par l'Autre). Or l'existence se fait dans la limitation et la confrontation aux limites qui me sont constitutives, forment mon monde et permettent la coexistence (certes conflictuelle, car plurielle) de diverses parties par rapport auxquelles je peux advenir à moi-même. Il me semble que le "tu ne tueras point", que reprend Levinas par la présence dérangeante du Visage qui me transcende infiniment, est un acquis fondamental à la fois pour la survie de l'individu et celle de la société, les deux se développant par leur coexistence. Certes, Levinas rend cette dépendance à autrui excessive (autrui me prend en otage) mais la relation éthique à autrui, voire à l'Autre, est fondamentale dès la venue au monde et dans la constitution de soi : c'est l'Autre, pour reprendre Castoriadis, qui me permet de venir au monde en rompant la monade psychique close sur elle-même et pleine d'elle-même. Prendre en compte autrui, c'est prendre en compte le réel : ce qui est au-delà de ma seule existence et me conditionne.

Or tout le problème politique, par exemple chez Hobbes, est bien de rendre l'ordre humain viable en allant au-delà du désir de puissance personnel. Chez Hobbes la science politique est ontologique, elle vise la constitution d'un monde. Et si l'on veut viser la liberté, l'autonomie (qui est individuelle et collective chez Castoriadis), il faut prendre en compte nos limites. D'où, me semble-t-il, l'extrême pertinence et importance de l'éthique kantienne (bien qu'inapplicable car inadaptée à la diversité des cas concrets et singuliers) et surtout de la dialectique hégélienne du maître et du valet. Ou encore, dans le même ordre d'idée, de la pluralité arendtienne comme monde commun (après tout, le réel n'est pas l'Un, c'est-à-dire le Néant, mais le multiple en devenir, le polemos héraclitéen) sans lequel je ne suis rien. Remarquez que cette morale ne prouve pas Dieu : la question ne se pose pas ici

Liber a écrit:
S'il nous démontre comment il parvient à Dieu, s'il se dévoile au lieu de finasser avec un jargon à la Kant ou à la Hegel, mais il aura du mal, personne n'a en effet pu trouver une preuve valable de l'existence de Dieu. Que font donc ces philosophes croyants ? Ils parlent de Dieu de façon détournée.

Ils en parlent surtout de manière différente parce que leur conception du divin est différente. On peut reprocher à Hegel de vouloir conserver l'idée de Dieu, voire de se prendre lui-même pour Dieu, mais Dieu est immanent dans sa philosophie. Et chez Kant c'est un x mystérieux dont on ne peut rien dire. Je ne sais pas s'il faut considérer que c'est laisser un espoir (nécessaire ou illusoire ?) aux gens, assurer la liberté de conscience et de choix, ou faire preuve d'humilité devant le réel.

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Silentio a écrit:
Je peux défendre la liberté d'opinion du chrétien ou du musulman sans partager les croyances et les dogmes

Un philosophe qui défend la liberté d'opinion ? Où avez-vous vu ça ? Dans les journaux ? De plus, vous défendez quoi dans ces opinions ? Vous défendez les révélations de Mahomet, Jésus ou Moïse.

Liber a écrit:
Comment être religieux sans dogme ?

En étant simplement un croyant. Beaucoup croient sans suivre à la lettre les dogmes.

Et ils croient en quoi d'autre qu'en une puissance supérieure, qu'on la nomme Dieu, Yahvé, Allah, etc. ?

Les protestants ont développé une relation directe et personnelle à Dieu par l'intermédiaire de leur conscience par exemple.

Toujours dans la transcendance. Si vous me parliez d'un Dieu immanent, panthéiste, je serais plus ouvert, car ce Dieu-là ne pourrait être imprégné de moraline. Si Dieu est en moi, si je suis Dieu, je m'impose moi-même mes lois, je crois en moi. Exactement ce qui faisait peur au chrétien chez Spinoza.

En philosophie, Pascal, dans une certaine mesure, et Kierkegaard, suivis d'Ellul, sont de bons exemples de ces chrétiens qui ont combattu l'institution au nom d'une foi véritable et vécue intimement.

Foi véritable ou pas, il s'agit toujours de croyance en Dieu.

Liber a écrit:
Certes, vous pouvez admirer la nature, mais dans ce cas, je parlerais plutôt de sentiment du sublime.

Vous parlez ici d'un argument qui commence à dater. L'évolution du sentiment religieux me semble plutôt passer de la contemplation du monde comme œuvre divine et de ses principes à l'expérience concrète du quotidien au centre de laquelle se trouve la subjectivité qui s'éprouve dans l'épreuve du monde et de sa transcendance.

Parce que vous pensez que dans l'Antiquité, on n'éprouvait pas le monde ? La philosophie se vivait bien plus au quotidien qu'aujourd'hui, dans nos facultés ou à Saint-Germain des prés dans les années soixante. Vous faites aussi un contresens en parlant de "contemplation du monde comme œuvre divine", car le christianisme consiste à fuir ce monde, non à le glorifier pour ce qu'il est. Le sublime est plus sûrement athée que religieux, comme Darwin finit par le comprendre en s'observant lui-même. Nietzsche, qui était athée, n'avait pas besoin de Dieu pour éprouver le sublime d'un glacier ou d'un sapin au bord du gouffre.

Mais vous ne cessez de présupposer que tout croyant ou tout homme qui éprouve un sentiment religieux adhère de facto aux dogmes.

Comment peut-on se dire chrétien sans croire à Jésus-Christ ? Or, Jésus-Christ est un dogme. Ou bien, vous pensez comme David Strauss qu'il n'a jamais existé, et dans ce cas, je ne vois pas comment vous pouvez rester chrétien.

En tout cas, je ne vois pas quel philosophe a intégré à sa philosophie ce qu'il considérait lui-même comme un dogme. Ce serait absurde.

Par rapport à la philosophie, il est effectivement absurde de croire à quelque chose sans preuve. Or aucun philosophe n'a prouvé l'existence de Dieu, pourtant presque tous l'ont intégré à leur philosophie. Le "Dieu des philosophes", pour tous ceux qui sont venus après le Christ, c'est le Dieu chrétien. Agenouillez-vous et priez, nous conseillait Pascal. Amen.

Chestov dit que Spinoza est le meurtrier de Dieu

Il est certain que Spinoza a fait une grande avancée vers l'athéisme, puisqu'il nie toute transcendance. Dès lors, nous ne pouvons plus recevoir "d'ordre venu de plus haut", ce qui était pour les hommes le principal leitmotiv à l'existence de Dieu.

Liber a écrit:
Je vois ces philosophes comme des traîtres, des chevaux de Troie de la religion.

Je pense au contraire que les philosophes ont bien du mérite lorsqu'ils prennent en considération l'existence réelle qui excède la raison et qu'ils sont confrontés à l'irrationnel, l'illogique, voire à l'absurde et trouvent un enseignement sur le sens de la vie ordinaire, qui en elle-même apparaît comme étrange, dans certaines considérations ontologiques ou anthropologiques propres aux religions.

Voilà, je ne comprends pas tout du monde, parce que la compréhension du monde excède les capacités de mon cerveau, donc je me tourne vers la religion. Il n'y a pas besoin d'être philosophe pour ça. N'importe quelle grenouille de bénitier un tant soit peu cultivée a raisonné de la sorte.

En tout cas, la raison seule permet-elle d'approcher la réalité et n'est-il pas possible de découvrir ou de faire l'expérience de quelque chose comme du divin hors des préjugés du rationalisme (idéaliste ou matérialiste) ?

Ah mais tout à fait, sauf que j'aimerais que cette approche se fasse directement devant la nature, pas avec une Bible ou un Coran à la main ! Voyez Thoreau par exemple, voyez les antiques, voyez les animistes. Et ce divin ne se situera en tous les cas pas dans un autre monde.

Mais Kant s'est-il jamais dit opposé à la religion et à la métaphysique ? Seulement au dogmatisme.

De la part de quelqu'un qui a "aboli le savoir pour promouvoir la foi" ? Et la foi de Kant, elle vient d'où d'après vous ?

Je peux me donner une loi à moi-même (c'est l'autonomie rousseauiste) mais je dois prendre en compte autrui, lequel peut me nier et me tuer si je dis qu'il est légitime pour moi de le faire avec autrui.

Oh, mais qui voilà ? Le bon vieux Moïse : "Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu'on te fasse". Et ça se dit philosophe ?

Il me semble que le "tu ne tueras point", que reprend Levinas par la présence dérangeante du Visage qui me transcende infiniment, est un acquis fondamental à la fois pour la survie de l'individu et celle de la société, les deux se développant par leur coexistence.

Qui vous a donné cet ordre, "Tu ne tueras point" ? Et de deux. Vous allez me dévider le Décalogue ! On va aller plus vite :

Je suis le Seigneur ton Dieu Qui t’a fait sortir du pays d’Égypte.
Tu n’auras pas d’autre dieu que moi.
Tu ne prononceras pas le nom de Dieu en vain.
Souviens-toi du jour du sabbat.
Honore ton père et ta mère.
Tu n’assassineras pas.
Tu ne commettras pas d’adultère.
Tu ne déroberas pas.
Tu ne feras pas de faux témoignage.
Tu ne convoiteras ni la femme, ni la maison, ni rien de ce qui appartient à ton prochain.


Liber a écrit:
S'il nous démontre comment il parvient à Dieu, s'il se dévoile au lieu de finasser avec un jargon à la Kant ou à la Hegel, mais il aura du mal, personne n'a en effet pu trouver une preuve valable de l'existence de Dieu. Que font donc ces philosophes croyants ? Ils parlent de Dieu de façon détournée.

Ils en parlent surtout de manière différente parce que leur conception du divin est différente. On peut reprocher à Hegel de vouloir conserver l'idée de Dieu, voire de se prendre lui-même pour Dieu, mais Dieu est immanent dans sa philosophie. Et chez Kant c'est un x mystérieux dont on ne peut rien dire. Je ne sais pas s'il faut considérer que c'est laisser un espoir (nécessaire ou illusoire ?) aux gens, assurer la liberté de conscience et de choix, ou faire preuve d'humilité devant le réel.

Dieu immanent chez Hegel ? Vous voulez rire ? Le Dieu d'Hegel, c'est le Dieu chrétien, de toute façon, il n'y a pas deux Dieux, il n'y en a qu'un. Ou bien il suffirait que ces messieurs se déclarent polythéistes, ce qu'ils n'ont jamais fait.

Le "x mystérieux dont on ne peut rien dire", oh là là, c'est inconnu donc il faut respecter. Vous respectez les bateaux que vous ne voyez pas à l'horizon ?

Dernière édition par Liber le Dim 4 Nov 2012 - 11:29, édité 1 fois

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Liber a écrit:
Silentio qui défend Dieu bec et ongles en me citant des tas de philosophes

Je ne sais pas ce qu'il vous arrive depuis quelques jours mais je vous prierai de bien vouloir descendre de vos grands chevaux. Je ne défends pas Dieu. Je vous porte la contradiction avec des arguments. Je vous montre qu'on peut envisager les choses autrement et que votre posture critique est parfois caricaturale. Je serai ravi cependant de vous voir trouver de bons arguments, au lieu d'une ironie irrespectueuse pour vos interlocuteurs, contre l'intérêt de la religion et du religieux. Vous avez décidé d'emblée que j'étais un religieux, et que c'était discréditant, alors que vous ne savez rien de moi et que je ne cherche ici qu'à rendre compte du fait que la religion présente un intérêt philosophique et que dire cela ne fait pas de moi un religieux, un être superstitieux, qui serait d'office discrédité parce que vous préférez le soupçon à l'argumentation. Merci de bien vouloir me lire et non de déformer mes propos parce que vous avez décidé de faire la chasse aux croyants (dont je ne fais pas partie).

Liber a écrit:
l'allégorie de la caverne n'est pas pour moi un exemple de courage, mais de veulerie, le philosophe qui quitte ce monde pour se tourner vers la lumière divine

Vous omettez beaucoup de choses. Déjà il faudrait pouvoir discuter de ce que sont vraiment les Formes. Il n'est pas certain après examen qu'elles soient déconnectées du réel. De plus, dans cette allégorie le philosophe est obligé de retourner dans la caverne. N'oubliez pas que la finalité du platonisme est de répondre à l'impératif socratique de la vie bonne. L'ontologie platonicienne mène à la politique, la vie théorique à la pratique.

Liber a écrit:
Un philosophe qui défend la liberté d'opinion ? Où avez-vous vu ça ?

Les libéraux défendent la liberté de conscience et d'opinion. Vous remarquerez que le passage que vous citez correspond à la politique. Castoriadis, par exemple, défend la liberté d'opinion en politique contre une société soumise au pseudo-savoir des techniciens. Or en matière de politique il n'y a pas de savoir vrai. On ne peut au mieux que se concerter et faire preuve de prudence (cf. l'absence de droit naturel, la positivité du nomos et l'imprévisibilité de l'événement, le problème de l'action).

Liber a écrit:
De plus, vous défendez quoi dans ces opinions ? Vous défendez les révélations de Mahomet, Jésus ou Moïse.

Je ne savais pas que la laïcité était l'alliée objective des religions. Ne détenant aucune vérité absolue je ne vois pas en quoi je peux forcer autrui à croire ou ne pas croire, dans la sphère privée, surtout lorsque la foi est authentique (elle ne se décide pas). Mais je défends la laïcité justement parce qu'il faut un espace public neutre qui soit hors de ces valeurs et veille à ce qu'il n'y ait pas de débordement. Par ailleurs, il me semble qu'en l'absence de toute révélation il vaut mieux être athée par défaut sans pour autant se fermer à ce qui nous permet de penser autrement (d'où mon agnosticisme).

Par contre, il me semble bon de limiter autant que possible l'influence des institutions religieuses car la vérité y sert à la domination, non au développement de soi dans la quête de sens. De toute façon la foi authentique est plongée dans le doute (cf. Kierkegaard). Une expérience religieuse authentique ne me semble pas correspondre à la religion officielle, aux offices, etc. Mais je ne vois pas pourquoi on se passerait de cette compréhension du monde en raison de la nocivité de la religion. Le problème c'est que la religion capte le besoin de spiritualité et ne produit pas une véritable spiritualité.

Liber a écrit:
Et ils croient en quoi d'autre qu'en une puissance supérieure, qu'on la nomme Dieu, Yahvé, Allah, etc. ?

Peu importe le nom imposé culturellement, c'est à chaque fois ce qui n'a pas de visage et ne se nomme pas, c'est-à-dire la transcendance pure, l'absolu, l'illimité, un principe éternel et créateur. On peut en faire un principe anthropomorphique ou simplement cosmologique.

Liber a écrit:
Toujours dans la transcendance. Si vous me parliez d'un Dieu immanent, panthéiste, je serais plus ouvert, car ce Dieu-là ne pourrait être imprégné de moraline. Si Dieu est en moi, si je suis Dieu, je m'impose moi-même mes lois, je crois en moi. Exactement ce qui faisait peur au chrétien chez Spinoza.

Mais n'est-ce pas prétentieux de se prendre soi-même comme propre norme, de se prendre pour un dieu ? Est-ce qu'on ne risque pas de passer à côté du principe de réalité ? Spinoza, d'ailleurs, après Hobbes, ne préconisait pas de faire n'importe quoi en raison du conatus insatiable de tout dévorer pour se remplir d'être. Il a pensé la politique, c'est-à-dire la coexistence d'une multitude de désirs antagonistes. Seules la raison et la prudence, par un savant calcul, permettent de savoir s'il est bon ou non de chercher à satisfaire nos désirs car on peut se heurter dans cette recherche au désir des autres. Certes, le désir, la sensation et le mouvement sont le propre du vivant, mais l'homme ne vit pas seul et il n'est pas un dieu du fait même que le conatus le montre bien comme en lui-même à moitié vide et dépendant de l'Autre pour persévérer en lui-même.

Liber a écrit:
Foi véritable ou pas, il s'agit toujours de croyance en Dieu.

Certes, mais peut-on jamais se passer de croyances ? Voyez la philosophie pratique de Hume : nous croyons bien que le soleil se lèvera demain alors même que le principe de causalité ne se trouve pas dans l'expérience. On peut dire que la croyance en Dieu est tout aussi trompeuse. Et je suis d'accord. Mais j'attire votre attention sur d'une part l'hétérogénéité du réel, de l'expérience, à la raison, c'est-à-dire que le réel dépasse notre connaissance, d'autre part sur le fait que la vie pratique exige des croyances (pour assurer la stabilité de la connaissance, de la réalité sur laquelle agir et le motif de nos actions). C'est notamment le cas pour les mœurs, lesquelles ne sauraient autrement être fondées si la raison ne permet pas d'accéder à des principes intelligibles éternels.

Liber a écrit:
Parce que vous pensez que dans l'Antiquité, on n'éprouvait pas le monde ? La philosophie se vivait bien plus au quotidien qu'aujourd'hui, dans nos facultés ou à Saint-Germain des prés dans les années soixante.

J'ai surtout fait référence au monde chrétien. Le sublime c'est Berkeley, Kant, Burke. Mais si on parle de la religion antique elle a cette spécificité d'être une religion politique, c'est-à-dire de la cité. Ou une religion civile/civique. La philosophie antique pouvait critiquer les dogmes, pas toujours la cité elle-même (ce ne sont que les stoïciens, préfigurant les chrétiens, qui se disent citoyens du monde), elle restait pratique et spirituelle.

Liber a écrit:
Vous faites aussi un contresens en parlant de "contemplation du monde comme œuvre divine", car le christianisme consiste à fuir ce monde, non à le glorifier pour ce qu'il est.

Eh bien alors lisez l'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme de Max Weber.

Liber a écrit:
Le sublime est plus sûrement athée que religieux, comme Darwin finit par le comprendre en s'observant lui-même. Nietzsche, qui était athée, n'avait pas besoin de Dieu pour éprouver le sublime d'un glacier ou d'un sapin au bord du gouffre.

Encore heureux !

Liber a écrit:
Comment peut-on se dire chrétien sans croire à Jésus-Christ ? Or, Jésus-Christ est un dogme.

Il peut être une sorte de symbole dont la signification en dit long sur la condition humaine. L'universalisme de la symbolique chrétienne est vraiment fort.

Liber a écrit:
Par rapport à la philosophie, il est effectivement absurde de croire à quelque chose sans preuve. Or aucun philosophe n'a prouvé l'existence de Dieu, pourtant presque tous l'ont intégré à leur philosophie.

Il y a pourtant des preuves classiques de l'existence de Dieu. Mais je crois que c'est l'erreur de la philosophie de vouloir prouver rationnellement ce qui dépasse la raison. Et c'est une erreur que de bâtir sur des suppositions aussi friables qui ne s'appuient pas sur l'expérience du monde. L'absence de Dieu est tragique et c'est pour cette raison que nous devons être responsables et nous recentrer sur l'homme. Mais je ne crois pas pour autant qu'il soit absurde d'aller puiser dans les enseignements religieux de quoi cerner un peu mieux les mystères de la vie, notamment parce qu'une religion comme le christianisme nous parle de notre condition misérable, de notre fragilité constitutive, donc de l'intérêt de nous soucier de nous-mêmes et de l'amour qui peut aussi nous permettre de nous transcender.

Liber a écrit:
Il est certain que Spinoza a fait une grande avancée vers l'athéisme, puisqu'il nie toute transcendance. Dès lors, nous ne pouvons plus recevoir "d'ordre venu de plus haut", ce qui était pour les hommes le principal leitmotiv à l'existence de Dieu.

Mais ça ne résout pas le besoin ou désir de transcendance. Il devient justement problématique de faire sa vie, de conserver un ordre viable et vivable. Cf. le nihilisme. La spiritualité apporte une solution lorsque le sens ne nous est plus fourni par la religion ni par la société (le capitalisme et la techno-science font de nous des robots).

Liber a écrit:
Voilà, je ne comprends pas tout du monde, parce que la compréhension du monde excède les capacités de mon cerveau, donc je me tourne vers la religion. Il n'y a pas besoin d'être philosophe pour ça. N'importe quelle grenouille de bénitier un tant soit peu cultivée a raisonné de la sorte.

Le danger est toutefois de gober tout ce que dit la religion alors qu'elle-même ne peut fonder en raison ses vérités C'est une voie à considérer, nous parlant d'une certaine expérience de la vie dont ne saurait parler la raison, mais qui n'est pas pour autant infaillible.

Liber a écrit:
Ah mais tout à fait, sauf que j'aimerais que cette approche se fasse directement devant la nature, pas avec une Bible ou un Coran à la main ! Voyez Thoreau par exemple, voyez les antiques, voyez les animistes. Et ce divin ne se situera en tous les cas pas dans un autre monde.

Vous seriez donc un religieux sans religion, mais vous ne pourriez alors discréditer ceux qui tolèrent la religion parce qu'ils seraient, au fond, religieux.

Liber a écrit:
De la part de quelqu'un qui a "aboli le savoir pour promouvoir la foi" ? Et la foi de Kant, elle vient d'où d'après vous ?

Du besoin d'espérer parce que l'homme réclame autre chose. On pourrait dire que la religion ou le besoin religieux naissent de la crainte. Peut-être, au contraire, sont-ils le fruit du désir, de la vie qui veut plus qu'elle-même. Alors, certes, ce besoin ne donne aucune existence à son objet désiré. Ne pouvant connaître le fond de la réalité, prenant donc en compte la finitude et le réel lui-même dans son caractère indépassable, la Critique kantienne me semble alors intelligemment laisser de l'inconnu et de l'inconnaissable. Sur le plan pratique, éthique, existentiel, ce n'est pas à la connaissance de décider d'un mode de vie, du sens de la vie. On peut reprocher à Kant de manquer de radicalité, de ne pas trancher alors que Schopenhauer et Nietzsche le font en poursuivant le criticisme jusqu'au bout. Mais la possibilité de la foi permet justement de distinguer ce qui relève de la raison et ce qui n'en relève pas. Autrement dit, je peux orienter ma vie d'après la présupposition qu'il y a un Dieu, parce qu'il faut bien des idéaux pour vivre, se donner une direction, mais si ce n'est pas déraisonnable (la raison reconnaît que la pratique exige des croyances) ça ne saurait constituer pour autant un argument rationnel sur l'existence ou non de Dieu.

Liber a écrit:
Oh, mais qui voilà ? Le bon vieux Moïse : "Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu'on te fasse". Et ça se dit philosophe ?

Je n'y vois que sagesse, non Dieu. Comment une société serait-elle possible sans ça ? Et comment l'individu serait-il possible sans société ? Ou plutôt : comment un individu autonome peut-il advenir dans une société hétéronome ou éclatée qui opposerait les uns et les autres ou ne reconnaîtrait pas de loi et l'existence d'autrui ? Je dirais justement avec Hobbes que c'est une loi de nature que me dicte ma raison en tant que je cherche mon intérêt propre. Or, cherchant mon bien comme tout autre, je ne peux le faire qu'à la condition de renoncer à mon droit sur toute chose : laissant une place à autrui, je participe à l'élaboration d'un monde dans lequel je peux aussi exister, avec les autres, parmi eux, et exercer ma liberté.

Liber a écrit:
Qui vous a donné cet ordre, "Tu ne tueras point" ?

Un législateur multimillénaire qui avait compris beaucoup de choses à la fondation d'une société cohérente. Par la suite, ma raison m'a fait reconnaître l'intérêt de la chose.

Liber a écrit:
Dieu immanent chez Hegel ? Vous voulez rire ? Le Dieu d'Hegel, c'est le Dieu chrétien, de toute façon, il n'y a pas deux Dieux, il n'y en a qu'un. Ou bien il suffirait que ces messieurs se déclarent polythéistes, ce qu'ils n'ont jamais fait.

Hegel répond à Spinoza. Sa philosophie se base sur une interprétation du système spinoziste. Enfin, merci de m'éclairer sur l'unicité et la transcendance du Dieu hégélien, on ferait une sacrée découverte.

Liber a écrit:
Le "x mystérieux dont on ne peut rien dire", oh là là, c'est inconnu donc il faut respecter.

Ça évite de dire n'importe quoi et de soumettre la réalité à ses désirs.
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