Desassossego a écrit:En effet, entre Spinoza et le judaïsme, l'incompatibilité est totale. Un Dieu personnel, a fortiori le plus personnel, comme l'est le dieu des juifs, est transcendant, ou il n'est pas. Il n'y a aucune place pour lui dans la pensée immanentiste de Spinoza. Tous les penseurs juifs l'ont bien compris, qui s'interrogent sur la possibilité de concevoir une pensée juive laïque sans risquer de détruire le judaïsme. Il suffit de lire Leo Strauss, etc.Le Dieu des juifs est certainement le Dieu le plus personnel qui soit, celui qui certainement s'oppose le plus à ce que Spinoza entend par "Dieu"
Liber a écrit:Silentio a écrit:Certes, vous pouvez admirer la nature, mais dans ce cas, je parlerais plutôt de sentiment du sublime.Soutenir la religion et être religieux sont deux choses différentes : la foi personnelle ne mène pas automatiquement à se soumettre à l'institution politique.
Le sentiment religieux dont parle Silentio est pourtant connu et reconnu. Constant, auteur d'un des plus grands classiques du genre, je le rappelle, parle du sentiment religieux, constitutif de la nature humaine, et quelle que soit la religion des uns ou des autres, dont les institutions ne sont jamais que les expressions, les expressions particulières d'un sentiment universel.
Liber a écrit:Qu'est-ce qu'on trouve dans la morale kantienne ? Le Décalogue, comme le dit Schopenhauer. Kant a fait de la sombre religion juive un bel objet brillant, mais qui n'en est que pire, car il devient presque impossible à reconnaître, sous le costume de la Raison (avec un grand R, s'il vous plaît). "Tu dois", la maxime est cette fois inspirée par la Raison et non plus par Yahvé. Que le philosophe ait au moins la franchise de se dire crânement chrétien !
Y a-t-il pire étouffoir que la philosophie kantienne pour un catholique ? Non. Y a-t-il une once de religiosité juive chez Kant ? Non. Le Dieu des juifs est un dieu personnel, quelqu'un qui parle beaucoup, avec autoritarisme, à des hommes qu'il choisit (les prophètes, seuls à même de comprendre la langue de dieu - cf. le Traité théologico-politique de Spinoza, d'ailleurs) ; tout le contraire du dieu des protestants (et de ses déclinaisons), d'autant plus intériorisé que s'il prend contact avec nous, c'est par la Grâce, dont nul n'a l'intelligence. Pas étonnant que les protestants soient matérialistes : de la Grâce, tout juste peut-on avoir des signes matériels (richesse, réussite, travail, etc.). Comme Nietzsche avec Spinoza, Schopenhauer ne sait pas ce qu'il dit en christianisant ou en judaïsant Kant.
Liber a écrit:le christianisme consiste à fuir ce monde, non à le glorifier pour ce qu'il est.
Pas nécessairement. Il y a bien des contre-exemples à cette affirmation. Les Jésuites étaient matérialistes et plutôt accommodants, ce qui avait le don d'agacer les jansénistes (dont l'existence même interdisait toute pensée protestante d'origine française, le protestantisme étant matérialiste). La Contre-Réforme glorifie le monde, elle en met "plein la vue" comme on dit vulgairement, pas seulement pour affirmer la prééminence de l'Église catholique romaine, mais aussi parce qu'on voyait bien que le protestantisme, en balayant les institutions, risquait de balayer le monde en jetant l'individu, seul, face à Dieu. Le rapport est insoutenable sans les multiples antichambres que ménageaient les institutions catholiques, lesquelles, pour être le plus souvent artificielles, permettaient de ne jamais abandonner l'individu seul face à un Dieu incompréhensible. Les auteurs catholiques ont parfaitement compris que le matérialisme protestant n'était pas compatible avec le matérialisme des qualités sensibles (le monde, comme création et comme créatures, est un ensemble de qualités). Ce matérialisme là est plus nietzschéo-compatible que le matérialisme mercantile des protestants... Pas étonnant que Luther soit si important dans la généalogie nietzschéenne.
Liber a écrit:Il n'y a pas de transcendance chez Hegel, et l'interprétation théologique de son œuvre, outre qu'elle n'est qu'une interprétation parmi d'autres, n'est pas la plus autorisée.Dieu immanent chez Hegel ? Vous voulez rire ? Le Dieu d'Hegel, c'est le Dieu chrétien, de toute façon, il n'y a pas deux Dieux, il n'y en a qu'un. Ou bien il suffirait que ces messieurs se déclarent polythéistes, ce qu'ils n'ont jamais fait.
Liber a écrit:Stirner, que je viens de découvrir, vous donnerait une réponse simple : si cet homme est pris et exécuté, c'est qu'il était plus faible que la société. Mais nous n'avons pas à nous interdire quoi que ce soit. Voyez en Corse actuellement, seuls 5% des homicides sont résolus, et encore, de quels homicides parle-t-on ? De crimes passionnels sans doute. Les assassinats ciblés restent impunis. Assurément, vous ne conseilleriez pas à un mafieux corse de ne pas se venger par peur de la police. Il vous rirait au nez. Par contre, la philosophie de Stirner lui semblerait proche de son mode de vie.Liber a écrit:En Corse, l'État est inexistant. Si le mafieux finit mal, c'est par la main d'un autre mafieux. Et il n'y a pas qu'en Corse que les choses se passent ainsi. Stirner n'y trouverait rien à redire.Liber a écrit:chez Stirner, l'individu prime toujoursLiber a écrit:un stirnérien serait parfaitement à l'aise en Corse, où il aurait à lutter contre d'autres individus, non contre un État ou une société (mais ce serait possible aussi, quoique cela demanderait de s'associer). Si ces mafieux étaient animés des mêmes idéaux que les Florentins, nous ne serions pas loin de l'idéal nietzschéen : des individus libres aux idéaux élevés, qui se battent entre eux, mènent une vie dangereuse, ont besoin de l'art pour assouvir leurs désirs de puissance, d'éclat, de grandeur.
En somme, un individualiste adhérerait sans broncher au mode de vie d'une communauté où les liens priment sur l'individu, de surcroît dans une communauté mafieuse, dans laquelle il est de notoriété publique que l'individu n'existe pas ?
Liber a écrit:Comment alors comprendre des maximes universelles telles que : "Tu ne tueras point" ?
En prêtant un peu plus attention au temps des verbes.
Silentio a écrit:Ce qui plaide moins contre les religions que contre notre bave aux lèvres.Ce n'est pas un mystère pour nous que la religion n'ait aucun fondement en Dieu puisque ce dernier nous apparaît comme une vaste fumisterie.
Liber a écrit:Même un enfant demandera pourquoi il ne doit pas mentir. Ses parents lui répondront : "Parce que c'est comme ça", s'ils sont Juifs, parce que c'est écrit dans la Bible, et s'ils sont kantiens, parce que c'est l'impératif catégorique. Tout cela sans fondement.
Qu'est-ce que cette caricature vient faire ici ? Le problème du mensonge se pose souvent la première fois sous une forme non morale, que les enfants comprennent très bien parce qu'ils comprennent aussi bien que vous et moi la question de la conformité au réel d'une affirmation. Pour le reste, vous devriez relire D'un prétendu droit de mentir (dont vous semblez faire le tout de la morale kantienne), et notamment les passages où Kant distingue entre métaphysique et politique. Et puis cessez de placer sur sa tête un bonnet d'âne.
Dernière édition par Euterpe le Sam 13 Aoû 2016 - 16:28, édité 3 fois