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Contre une approche scientiste des rapports de l'esprit et du corps - mise au point sur la philosophie des qualia

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bonjour à vous clément dousset...et avant que de reprendre la question de la conscience comme expérience et possible identification avec ce que les traditions spirituelles nomment "âme", voici si vous le voulez une des "solutions" néoplatoniciennes, celle de Proclus qui pose à la suite de Plotin la question de l'âme (je posterais plus tard un lien sur Proclus pour le moment ce site ne me l'autorise pas excusez moi)  



 donc, la réalité de la conscience est à ce point aussi une porte entrouverte sur la recherche du  mind-body problem qui nous occupe à présent et en attendant impatiemment la contribution de PhiPhilo je partirais de ceci en exergue...


en notre monde de l'information continue et de l'image symbolique, le recentrage de la conscience humaine semble être un enjeu premier puisque c'est toujours dans le risque d'une dispersion de la centralité au profit de l'actualisation du partage rapide qu'il se trouve souvent admis que la conscience ne soit "qu'une inter-communicabilité avec le monde"...

ce qui est recherché ici, c'est avant tout de rétablir ce qu'est l'acte conscient en vue de permettre si possible de trouver en quoi il est initiateur de la conscience...

pour ce faire nous diviserons ce travail en quatre parties :

1/ l'univers mental.
2/ l'information continue.
3/ les soucis...blocages ou affectations ?
4/ les causes du dénouement.
 
 
1/ l'univers mental
Nous puisons comme tout vivant par notre présence sensible à l'univers matériel, une acuité modulable de représentations et de significations, et puisque la tendance actuelle de l'humain est de parfaire plus ou moins librement sa capacité d'autonomisation(jusque dans l'aberration), c'est dans le champs de la conscience que se nouent les diverses fils relationnels de cette recherche d'autonomie absolue...

toutefois, comme la multiplicité et la diversité des contacts avec le réel exigent une réponse adéquate de chaque personne, ce sera par l'univers mental que se processus de réponses aura à se parfaire lui aussi, car il en va de l'état de la conscience comme de l'acte conscient(tout comme la liberté qui est état et acte), ils ont tous deux recourt à la singularité de la personne, comme point non négociable, c'est-à-dire comme donné brut immédiat et actuel de la présence corporelle et mentale de cette personne...

ce qui trouble souvent le jugement d'existence que nous posons sur notre propre présence au monde et sur celles des autres personnes, c'est que cette présence est en mouvement continuel et cela est dû aux trois mouvements du réel en nous et dans les autres, celui de la matière, celui de la vie et celui de l'individuation, et si parfois l'acte conscient permet de saisir par l'intelligence, la volonté et la mémoire, une immobilisation de ces trois mouvements, alors sont causées en nous consciemment une union et une unité...

union de la potentialité et de l'acte, et unité des contraires, d'ailleurs un rapide parallèle entre les trois spécificités des mouvements : matière, vie et individuation et des trois capacités : intellectuelle, volitive et mémorielle nous montre bien que ce que la nature nous donne c'est par la conscience, une possibilité de singulariser notre existence comme récapitulation personnelle, mais partielle, de l'univers dans notre univers mental...

l'autre entrée pour comprendre ce qu'est l'univers mental serait de voir que l'intelligence, la volonté et la mémoire sont les lieux propres des transcendantaux(entrevus déjà), pour recevoir : le vrai, le bien et l'un, et qu'ils sont adéquats pour être les réceptacles respectifs du mouvement de la matière, de la vie et de l'individuation...

ainsi l'univers mental dans son acte conscient et accompli serait donc cet "arrêt sur image" de l'univers dont nous faisons partie, cela semble évident et ne mérite pas d'autres explicitations...
 
2/ en ce qui concerne l'information continue, il y a plusieurs causes de récapitulation pour avoir accès à notre conscience puisque le devenir et les limites de contacts entre le réel et celle-ci sont multiples et diverses par les cinq sens et par les médias additifs de notre modernité, il serait donc indispensable de savoir ce qu'est cette information continue...

la reconnaissance, l'assentiment et la reposition sont les trois moments récapitulatifs de l'information continue qui permettent l'accès à notre conscience, ils sont évidement aussi et respectivement quelque chose de l'intelligence, de la volonté et de la mémoire, et en même temps un des apports à la croissance de notre personnalité, et donc aux limites de la vie psychique, comme nous allons le voir plus particulièrement dans la troisième partie qui traitera des soucis...
a/ reconnaissance de l'information continue
la récapitulation de cette reconnaissance nous optimise par le jugement d'existence pour percevoir toutes les réalités dans un ordre, c'est-à-dire dans leurs capacités particulières à être vraies, bonnes et unificatrices, ce pourquoi il est indispensable que cette récapitulation soit exempte des affectations de la conscience, car là aussi le risque de trouble dans la saisie brut de l'information est tel que les conséquences qui s'en suivent sont démesurées, et cela à cause de l'amplitude déformante qui se produit lors du contact avec le réel si il n'y a plus cette disponibilité, particulièrement au vrai, mais aussi évidement au bien et à l'unité...
v i s i o n   c r i t i q u e 
ce sera alors les erreurs de choix qui se multiplieront, occasionnant des remords et des regrets et renvoyant à la conscience, une fausse représentation de sa propre présence dans l'univers...

b/ assentiment de l'information continue
la récapitulation pas l'assentiment de la conscience pose une suite d'acceptabilités des réalités selon leur bienfaisance, leur bonté et leur bienséance, c'est-à-dire selon la relation, la présence et le moment de contact avec ces réalités, puisque la hiérarchisation des biens tout en étant personnelle, tient aussi à l'éducation et aux qualités de la culture qui sert de milieu éthique à la personne...
c'est pourquoi cet assentiment de l'information continue est un des fondements de la vie sociale, par la prudence politique qu'elle génère et exige même, à la suite de la prudence personnelle évidement...
enfin, si l'assentiment semble indiscutable dans l'ouverture et l'accès de la conscience au monde, dans le sens opposé la réprobation est le mouvement qui bloque l'information reconnue comme mauvaise, là même où l'intelligence ne l'avait pas reconnue nécessairement comme fausse...

c/ reposition de l'information continue
là nous avons un traitement de l'information continu spécifiquement soumis à deux contraintes, l'une est due à l'acte de mémorisation et l'autre à celui de la remémoration(distinction aristotélicienne), mais les deux sont de même nature, celle de la reposition, puisqu'il n'y a pas d'inventivité dans ces deux actes, juste une disposition à l'assimilation et à la restitution...
cette reposition est une astreinte car il est nécessaire d'avoir "un fond d'images" et "de références" pour que la conscience puisse avoir en retour une amplitude suffisante afin de se positionner face au réel...

donc la qualité première de cette reposition, sera de parfaire la disponibilité de la présence de la conscience face au réel, et cela dans la mesure où le devenir de la vie exige une continuelle ré-actualisation des informations...
 
 
3/ les soucis...blocages ou affectations...
tout d'abord, il semble que la notion de soucis soit apparue dans l'évolution de l'espèce humaine, au moment par lequel notre responsabilisation se trouva déborder de notre présence physiologique pour établir un "autre corps" relationnel et figuratif que l'on pourrait appeler "corps psychique", et qu'importe pour le moment si il était inconditionnellement une formalisation incontournable de l'évolution, pour l'instant nous sommes culturellement contraint de nous en servir pour compléter notre vie sociale...

toutefois cette contrainte qui est une manifestation interne du conditionnement externe de la vie en société, peut être nommée "soucis" sous les deux acceptions de prévenance, comme lorsque nous disons : "j'ai le soucis de bien faire" 
et de trouble, comme lorsque nous disons : " cela me cause du soucis" ...

mais dans les deux cas, cela nous propose de gérer toutes nos relations sous deux modes, qui parfois s'additionnent, parfois se remplace l'un l'autre parfois encore se suppriment mutuellement, c'est le mode "blocage du soucis" et le mode "affectation par les soucis"...

sous le mode blocage, le soucis prévenant nous contraint à bien faire pour des raisons morales, comme dans la recherche de se savoir honnête ou responsable, mais comme trouble, le soucis bloquera notre disponibilité et notre motivation jusqu'à nous convaincre nous même d'incompétence et d'irresponsabilité, ce qui nous interdira d'entrevoir consciemment la croissance de notre personne...

sous le mode d'affectation, le soucis de prévenance aura l'effet de configurer notre agir à notre psychisme, et qui a déjà eu conscience de cet effort sait à quel point c'est une affectation quotidienne, car la prévenance de bien faire dans l'agir est une entreprise qui doit transformer les intentions en réalisations...

pour le soucis comme trouble, le mode d'affectation semble évident et pourtant comme il n'est pas du tout confortable de se sentir "affecter" dans sa conscience par le trouble du soucis, nous voulons fuir comme nous le faisons face à la douleur physique, alors l'affectation se transforme en renoncement de la cause du trouble si elle est identifiée, et à une gestion approximative de cette impasse si elle ne l'est pas...

or, tout soucis de prévenance contient aussi une part de trouble, puisqu'il s'agit de faire passer notre présence consciente  dans toutes les nuances du conditionnement que le réel nous propose et/ou nous impose, et que toute affectation de notre conscience qui s'en suit peut ou pas nous bloquer, c'est pourquoi enfin, être soucieux et soucieuse nous donne une occasion de faire passer la croissance de notre personne par l'expérience singulière du contact de information continue en "filtrant le réel", ne gardant que ce qui nous est con-naturellement de "la nourriture psychique"...

nous pouvons donc conclure que le soucis est parfois une affectation si il est pressenti comme signe d'unification entre la prévenance et le trouble, et parfois le soucis est un blocage si il demeure comme un repoussoir à la croissance de notre personne...
 
4/ les causes du dénouement
le dénouement peut être comprit en deux significations, le fait de dénouer et le fait d'atteindre la fin d'une intrigue, et ce n'est pas sans raisons que l'accès à notre conscience tient des deux puisque il y a en notre être et en notre devenir une partie vitale commune qui doit faire croître symétriquement, 1/notre présence au monde et 2/notre conscience du monde, c'est-à-dire que ce que nous sommes en tant que personne humaine est appelée vitalement à en devenir une personne...

en fait c'est en dénouant que le dénouement est rendu 1/ possible, 2/ souhaitable et 3/ effectif, mais à chacune de ces trois modulations en devenir, il convient de faire participer l'intelligence, la volonté et la mémoire selon les lieux de blocages ou d'affectations comme nous allons le voir...
v i s i o n    c r i t i q u e    d e    l a   p s y c h o l o g i e
il n'existe aucun inconscient, juste une part de mémoration qui n'est pas définie comme telle par l'intelligence et se trouve en présence involontaire avec une autre part, c'est ce que l'on nomme un connu/inconnu et un inconnu/connu, ou plus exactement une attente de dénouement dans ces deux apories...

il n'existe pas non plus de complexes, ni de pulsions, ni de transfert rendus conscient suite à une introspection, juste le possible, le souhaitable et l'effectif moments de dénouer le seul soucis de l'existence et d'entrevoir sa fin, à savoir faire passer notre présence à l'état conscience...

1 le possible car la nature nous y convie à travers le devenir du corps, 2 le souhaitable car nos relations aux autres sont un appel à l'entraide, et 3 l'effectif car c'est par la réalisation de certaines activités que s'opère le don de notre présence et la réception du don de la présence des autres et du monde...

en ces trois modes de dénouements, nous atteignons notre finalité et c'est bien là aussi que la prudence prend toute sa force et devient tempérance, car si il existe une justice, c'est lorsqu'un être humain établi par sa présence ce pourquoi il existe...

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 la conscience ne m'apparaît pas avant tout comme une "capacité" mais comme une réalité substancielle, concrète, actuelle, une étendue d'être irrécusable.


Les capacités sont des prédicats dispositionnels (ex : la fragilité ou la conductivité pour un matériau, l'optimisme ou l'émotivité pour un être humain), c'est-à-dire des prédicats dont la particularité consiste à ne se manifester phénoménalement que si et seulement si certaines conditions sont réunies (le verre doit tomber pour montrer sa fragilité, Untel doit être en situation de stress pour montrer son émotivité, etc.). Pour autant la structure sous-jacente (substantielle ?) qui justifie l'attribution de tels prédicats demeure même si lesdites conditions sont absentes. Bref, un prédicat dispositionnel est pleinement "une réalité concrète et actuelle". Or tous les prédicats mentaux ("conscience", "mental", "esprit", "âme", "psychisme", etc.) sont des prédicats dispositionnels. Aristote ne dit pas autre chose lorsqu'il définit l'âme comme l'acte premier d'un corps vivant, en l'occurrence, comme la forme que prend une matière corporelle lorsque sont réunies toutes les conditions qui en font un corps vivant. D'une manière générale, pour lui (cf. Métaphysique, Θ, 8) l'acte ("énergéïa") précède toujours la puissance ("dunamis").

ce qui est recherché ici, c'est avant tout de rétablir ce qu'est l'acte conscient en vue de permettre si possible de trouver en quoi il est initiateur de la conscience...


Il me semble percevoir une pétition de principe dans cette formule (ce qui initie la conscience serait un acte ... conscient). Mais je me réjouis néanmoins de ce que vous puissiez enrichir le débat d'une contribution néo-platonicienne.

Dernière édition par PhiPhilo le Lun 4 Fév 2019 - 11:19, édité 1 fois

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Dans son roman Siddhartha, Hermann Hesse conte l'histoire d'un personnage éponyme, un jeune brahmane hindou à la recherche de la sagesse. Ses qualités morales et intellectuelles lui font rencontrer le Gautama (Bouddha) qui lui enseigne sa doctrine consistant à combattre la souffrance existentielle en dissolvant son propre moi et en abolissant la tyrannie de ses désirs. Peine perdue, puisque Siddhartha n'y trouve pas le bonheur. Alors, par scepticisme autant que par dépit, il abandonne la recherche de la sagesse et se jette dans les mondanités que sa jeunesse et son rang social lui autorisent. Mais, là encore, il se rend vite compte que sacrifier sensuellement à la débauche ne le comble pas plus que d'y renoncer intellectuellement et moralement. Alors, il décide d'aller vivre au bord du fleuve, de se faire passeur et de méditer en écoutant le "AUM" que font "les dix-mille voix du fleuve". Là il comprendra que la sagesse consiste en la recherche de la paix intérieure plutôt que du bonheur :
peu à peu se développait et mûrissait en Siddhartha la notion exacte de ce qu'était la sagesse proprement dite, qui avait été le but de ses longues recherches. Ce n'était, somme toute, qu'une prédisposition de l'âme, une capacité, un art mystérieux qui consistait à s'identifier à chaque instant de la vie avec l'idée de l'Unité, à sentir cette Unité partout, à s'en pénétrer comme les poumons de l'air qu'on respire"(Hesse, Siddhartha, iii, 3).


Pour cet amoureux des sagesses orientales et, plus particulièrement, de l'hindouisme que fut Hermann Hesse, ce Bildungsroman n'est rien d'autre que le récit de la découverte par son personnage principal des fondements du Yoga ("Yoga" vient d’une racine sanskrite que nous retrouvons en français dans les mots  "joindre" ou "joug"). Si l'on se réfère, en effet, aux Yogas Sutras de Patanjali (Patanjali est le nom propre ou collectif que la tradition hindoue attribue au(x) sage(s) qui aurai(en)t rédigé les Yogas Sutras entre 300 av. J.C. et 500 ap. J.C.), "le yoga est la cessation de la fragmentation mentale"(Pantanjali, Yogas Sutras, i, 2), voulant dire par là que la recherche de la sagesse doit commencer par un renoncement, une phase négative : l'arrêt ("nirodhah") de ce qui nous perturbe, de ce qui nous fait souffrir ("vritti").
Jean Bouchart d'Orval, l'un des traducteurs et commentateurs des Yogas Sutras, remarque justement que "Pantanjali propose ici la même perspective pratique pour la vie spirituelle que celle mise en avant par le Bouddha, à savoir l'élimination de la souffrance"(in Pantanjali, Yogas Sutras, i, 5). Il commente ainsi Patanjali en disant que le terme "mental" est un "concept pour décrire une suite d'actions, de réactions, d'impressions, d'émotions, de pensées et de sensations données qui n'ont de lien entre elles que le sentiment d'être ressenties par une entité particulière qui se désigne elle-même par le vocable "je" mais qui ne possède, en fait, aucune existence réelle"(in Pantanjali, Yogas Sutras, iv, 5). Cela fait irrésistiblement penser à Pascal :
Qu'est-ce que le moi ? Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants, si je passe par là, puis-je dire qu'il s'est mis là pour me voir ? Non ; car il ne pense pas à moi en particulier ; mais celui qui aime quelqu'un à cause de sa beauté, l'aime-t-il ? Non : car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu'il ne l'aimera plus. Et si on m'aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m'aime-t-on moi ? Non, car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même. Où est donc ce moi, s'il n'est ni dans le corps, ni dans l'âme ? et comment aimer le corps ou l'âme, sinon pour ces qualités, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu'elles sont périssables ? car aimerait-on la substance de l'âme d'une personne, abstraitement, et quelques qualités qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n'aime donc jamais personne, mais seulement des qualités. Qu'on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n'aime personne que pour des qualités empruntées.
(Pascal, Pensées, B323)


Apparemment donc, pour Patanjali (comme pour Pascal), le mental ("citta") est conçu exactement de la même manière que chez les empiristes classiques et à l'opposé des cartésiens ou des phénoménologues, c'est-à-dire comme essentiellement fractionné et non unitaire. Sauf que, chez eux, le mental est présupposé en tant que réalité normalement co-présente au corps, tandis que Patanjali en fait, d'emblée, la forme dissolvante ou pathologique, du corps. Toute souffrance est souffrance du corps, mais du corps en tant qu'il est coupé de ce qui lui donne sa réalité. Donc, le mental, pour Patanjali, c'est le corps fractionné par "l'errance, l'égoïsme, l'attachement, l'aversion et la peur de la mort" (Pantanjali, Yogas Sutras, ii, 3), autrement dit, par ce qui fait que notre corps vivant se coupe de son milieu, soit en ne se reliant à rien (errance), soit en se reliant à un objet unique (attachement), soit en n'entretenant de relation qu'avec soi-même (égoïsme), soit en anticipant sa propre dissolution (peur de la mort). Cette irréalité mentale fait encore songer à Pascal qui dit :
le membre séparé, ne voyant plus le corps auquel il appartient, n'a plus qu'un être périssant et mourant. Cependant il croit être un tout, et ne se voyant point de corps dont il dépende, il croit ne dépendre que de soi, et veut se faire centre et corps lui-même.
(Pascal, Pensées, B483)


Or, pour Pascal,
la vraie et unique vertu est donc de se haïr (car on est haïssable par sa concupiscence), et de chercher un être véritablement aimable, pour l'aimer. Mais, comme nous ne pouvons aimer ce qui est hors de nous, il faut aimer un être qui soit en nous, et qui ne soit pas nous, et cela est vrai d’un chacun de tous les hommes. Or, il n’y a que l’Être universel qui soit tel. Le royaume de Dieu est en nous : le bien universel est en nous, est nous-mêmes et n’est pas nous.
(Pascal, Pensées, B485).


S'unir à Dieu, pour Pascal, c'est retrouver l'unité du soi véritable par la participation au corps mystique du Christ, c'est pourquoi il faut "se haïr", c'est-à-dire haïr cela même qui fait souffrir le corps en le fractionnant. De même, pour Patanjali, "nous atteignons l'état de parfait samâdhi [Terme sanskrit très difficile à traduire qui connote en même temps l'unité finale, la stabilité et la paix intérieures du yogi] en nous abandonnant totalement au Divin"(Pantanjali, Yogas Sutras, ii, 45). Ce que Bouchart d'Orval commente de la manière suivante : "l'abandon au Divin ne constitue pas un exercice délibéré ou volontaire […]. C'est le relâchement complet de toute emprise sur la rive du connu"(in Pantanjali, Yogas Sutras, ii, 45). Il ne s'agit donc pas, pour le yogi, de tendre intentionnellement vers le bonheur comme but aléatoire de sa recherche, mais au contraire de se dé-tendre, de s'abandonner à ce qui, de toute façon, nous dépasse. Cette condition remplie, le but est atteint ipso facto ou, plus exactement, se confond avec le moyen de l'atteindre.

(à suivre...).

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ce qui est recherché ici, c'est avant tout de rétablir ce qu'est l'acte conscient en vue de permettre si possible de trouver en quoi il est initiateur de la conscience...



réponse de PhilPhilo : " Il me semble percevoir une pétition de principe dans cette formule (ce qui initie la conscience serait un acte ... conscient). Mais je me réjouis néanmoins de ce que vous puissiez enrichir le débat d'une contribution néo-platonicienne. "


comme seule la deuxième phrase est de mon cru, je ne répondrais qu'à votre deuxième commentaire ci-dessus...


la pétition de principe qui est un mésusage de l'induction, n'est ici absolument pas présent, car c'est justement pour moi ce point nodal de notre recherche du  mind-body problem  qui me fît poser que la conscience,( tout comme la liberté), est acte et état, dans un rapport dynamique constitué par la position du corps vivant en son milieu de vie...




pour ce qui est de l'apport néo-platonicien à ce débat, il est un fait que l'extension de la culture hellénistique qui désignait un objet d'étude par son appartenance au monde des idées dans l'exposé platonicien, mais aussi à la catégorisation dans la physique pour Aristote, toujours  subalterne à la science de l'être en tant qu'être du livre Γ et étendu aux livres Z et H, car même si tout le génie de la philosophie grec n'est pas restitué totalement par ces deux auteurs, la ligne qu'ils ont tracé pour rendre compte des questions philosophiques véhiculées par leur culture(les présocratiques entre autres) et par les apports d'autres cultures et religions, est ce qui a servit de contrefort à la gnose, au stoïcisme et en presque totalité au néoplatonisme, pour traiter et tenter d'affiner certaines notions...


ainsi on peut lire dans chez Plotin Ennéade IV, livre viii : De la Descente de l’âme dans le corps [481]
"Il y a en effet dans l’univers deux espèces de Providence [l’une universelle, l’autre particulière : la première, sans s’inquiéter des détails, règle tout comme il convient à une puissance royale ; la seconde, opérant en quelque sorte comme un manœuvre (αὐτουργῷ τινι ποιήσει) abaisse sa puissance créatrice jusqu’à la nature inférieure des créatures en se mettant en contact avec elles. Or, comme c’est de la première manière que l’Âme divine administre toujours tout l’univers, en le dominant par sa supériorité, et en envoyant en lui sa dernière puissance [la Nature], on ne saurait accuser Dieu d’avoir donné à l’Âme universelle une mauvaise place : en effet, celle-ci n’a jamais été privée de sa puissance naturelle ; elle la possède et elle la possédera toujours (parce que cette puissance n’est point contraire à son essence) ; elle la possède, dis-je, de toute éternité et sans aucune interruption."



cette réalisation consciente de la nature de l'âme et de sa place participative, à mesure que l'effet du devenir vital la conduit jusque dans des "états"de troubles, se cherche une voie et l'on peut lire plus bas   : [493]
VIII. "S’il convient que je déclare ici nettement ce qui me paraît vrai, dussé-je me mettre en contradiction avec l’opinion générale, je dirai que notre âme n’entre pas tout entière dans le corps: par sa partie supérieure, elle reste toujours unie au monde intelligible, comme, par sa partie inférieure, elle l’est au monde sensible. Si cette partie inférieure domine, ou plutôt, si elle est dominée et troublée, elle ne nous permet pas d’avoir le sentiment de ce que contemple la partie supérieure de l’âme. En effet, ce qui est pensé n’arrive à notre connaissance qu’à la condition de descendre jusqu’à nous et d’être senti. En général, nous ne connaissons tout ce qui se passe dans chaque partie de l’âme que lorsque cela est senti par l’âme entière : par exemple, la concupiscence, qui est l’acte de l’appétit concupiscible, ne nous est connue que lorsque nous la percevons par le sens intérieur (τῇ αἰσθητιϰῇ ἔνδον δυνάμει), ou par la raison discursive (τῇ διανοηητιϰῇ), ou par toutes les deux à la fois. Toute âme à une partie inférieure tournée vers le corps, et une partie supérieure tournée vers l’Intelligence divine. L’Âme universelle administre l’univers par sa partie inférieure sans aucune espèce de peine, parce qu’elle gouverne son corps non par raisonnement, comme nous, mais par intelligence, par conséquent d’une tout autre manière que celle dont procède l’art. Quant aux âmes particulières, qui administrent chacune une partie de l’univers [c’est-à-dire le corps auquel chacune est unie], elles ont aussi une partie qui s’élève au-dessus du corps ; mais elles sont distraites de la pensée par la sensation et par la perception d’une foule de choses qui sont contraires à la nature, qui viennent les troubler et les affliger. En effet, le corps dont elles prennent soin, ne constituant qu’une partie de l’univers, étant d’ailleurs incomplet et se trouvant entouré d’objets extérieurs, a mille besoins, désire la volupté et est trompé par elle. La partie supérieure de l’âme est au contraire insensible à l’attrait de ces plaisirs passagers et mène une vie uniforme."

là encore, nous retrouvons une des questions que souleva le stoïcisme(surtout aristocratique) dans la recherche de maîtrise du corps et des passions en vue de l'απάθεια  et reprenant l'ἀταραξία de Démocrite,  si il est assez simple de faire des connexions entre la théorisation de cet effort au moment où une nouvelle forme de renoncement naissait à partir du proto-christianisme, c'est aussi avec certaines formes du bouddhisme que le stoïcisme pourrait être comparé (voir la thèse de Pierre HAESE  (décembre 2016) Stoïcisme et bouddhisme, une réflexion des origines à nos jours Thèse dirigée par Michel TERESTCHENKO)


a p o s t i l l e à PhiPhilo
la mise en lecture parallèle de la réflexion de Pascal et de Patanjali sur le mental est bien vue compte tenue que la rigueur des vertus est portée dans le jnana-yoga et le Bakti-yoga tout comme dans une des formes acétiques chrétiennes dans le primo-jansénisme au même point de syndérèse : l'abandon qui est en même temps un renoncement et une disposition à l'unification supérieure, réclame en effet que l'intelligence laisse passer devant elle un des actes les plus ultimes de la volonté:  le désir indifférencié, le Samâdhi ...










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la pétition de principe qui est un mésusage de l'induction, n'est ici absolument pas présent, car c'est justement pour moi ce point nodal de notre recherche du  mind-body problem  qui me fit poser que la conscience, ( tout comme la liberté), est acte et état, dans un rapport dynamique constitué par la position du corps vivant en son milieu de vie...


Dans ce cas, votre formulation ("ce qui est recherché ici, c'est avant tout de rétablir ce qu'est l'acte conscient en vue de permettre si possible de trouver en quoi il est initiateur de la conscience") est maladroite dans la mesure où vous ne recherchez pas en quoi "l'acte conscient [...] est initiateur de la conscience" mais plutôt en quoi "l'acte conscient [...] est initiateur d'un rapport dynamique constitué par la position du corps vivant en son milieu de vie".


nous retrouvons une des questions que souleva le stoïcisme (surtout aristocratique) dans la recherche de maîtrise du corps et des passions en vue de l'απάθεια  et reprenant l'ἀταραξία de Démocrite,  s'il est assez simple de faire des connexions entre la théorisation de cet effort au moment où une nouvelle forme de renoncement naissait à partir du proto-christianisme, c'est aussi avec certaines formes du bouddhisme que le stoïcisme pourrait être comparé


Tout à fait d'accord.
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