jean ghislain a écrit:Se découvrir soi-même comme un autre est le signe même que le moi n'est qu'une habitude. On s'habite soi-même et on s'habitue à soi-même, et on se laisse croire qu'on se connaît soi-même. Or on ne connaît que ce qui affleure, les supposées profondeurs n'étant que supposées. Et même quand on postule un inconscient, l'inconscient étant inconscient, on ne peut rien en dire, on ne peut que le faire dire, ou faire qu'il se dise, comme un autre, ou par un autre (le psychanalyste, le rêve, le démon, la vocation, etc.). Mais cette altérité qui parle ou qu'on fait parler est et reste une altérité, avec laquelle on apprend à vivre. Du reste, quand on dit qu'on a changé, on dit moins qu'on a changé, en soi, qu'on a appris à vivre avec quelqu'un d'autre qui frappait à la porte depuis un certain temps, et qu'il a bien fallu accepter.il y a bien en nous quelque chose de peu familier parfois, ne dit-on pas : "je ne me reconnais pas"
Enfin, la découverte même de l'inconscient montre qu'il n'y a personne, puisque l'inconscient désigne justement une instance qui n'est pas un sujet, mais qui peut fonder, alimenter, etc., ce qu'on appelle un sujet, et qui n'est rien d'autre que la combinaison de processus et de relations multiples auxquelles il faut bien donner une certaine consistance, car on ne peut vivre non plus comme des fantômes que le réel ne ferait que traverser. Si tel était le cas, nous serions tous des psychotiques. Pour être plus précis, je crois qu'il y a de plus en plus de psychotiques, traversés par les choses, mais que les choses n'atteignent pas ; des personnes absentes, que les sensations et les émotions font clignoter, et qui leur servent de signes et d'instruments de reconnaissance mutuelle, mais qui sont insensibles, autrement dit qui n'ont pas idée de ce que peut être l'altérité, qui doutent parfois que ça puisse exister, ou qui s'en effraient quand elles ne nient pas l'altérité, ce qui est le cas le plus fréquent. D'où le moi comme réponse et comme bouclier. Dire : "moi", c'est même pire, puisqu'au fond ça consiste à s'enfermer, à se replier sur soi.