Liber a écrit: Non, cela montre qu'on ne domine pas encore ! Nietzsche dit quelque part que vouloir est un sentiment très agréable. "Vouloir libère", dit-il ailleurs. Il est absurde de penser qu'un sentiment agréable et libérateur soit rejeté.
Seulement si on est en position de se commander et de commander à autrui, non dans le cas de l'esclave qui voudrait sortir de son impuissance. La domination, en général, on souhaite la maintenir parce que la force fluctue, elle peut se perdre. Le noble n'a pas besoin de dominer pour exister pleinement parce qu'il est plein de force vis-à-vis de lui-même, tandis que l'esclave ou le faible souhaite établir un rapport de force par des moyens qui ne relèvent pas de sa nature et qui compensent sa faiblesse.
Liber a écrit: Nietzsche n'est pas un moraliste soucieux des autres, qui va les respecter en se contrôlant lui-même. Cherche-t-il davantage à gouverner les autres, cet homme épris de liberté ? Je ne le pense pas. S'il le faisait, ce serait en petit groupe, comme le Vieux de la montagne, esprit libre par excellence.
Je ne dis pas qu'il se soucie des autres et qu'il les respecte. Cependant, il lui faut se gagner à lui-même pour conquérir sa liberté, c'est-à-dire se singulariser, se détacher d'un autrui, créer l'écart qui le différencie et qui permette dans la tension et le conflit l'affirmation et l'approfondissement de soi. En cultivant sa puissance il peut créer l'écart différentiel qui le mettrait en position de ne plus être assujetti à la présence d'autrui. La maîtrise de soi crée un rapport de la force avec elle-même de façon à ne pas en être dépossédé et à pouvoir l'accumuler en soi pour agrandir sa sphère d'influence ou sa marge de manœuvre face à la nécessité du monde.
Liber a écrit: La sienne propre oui, pas toujours celle des autres. Quand il parle d'esclavage, d'extorsion, d'assujettissement, il emploie ces mots pour ce qu'ils veulent dire.
Nietzsche peut être très cru et réaliste, et son projet vise à réformer les valeurs et les corps qui s'y associent, bref les formes de vie, mais sur ces sujets j'ai tendance à considérer ses saillies sous l'angle de la métaphore et du symbole. Le Nietzsche d'
Ecce Homo est à la fois ironique et grave, je pense toutefois qu'il y est plus en guerre sur le plan des idées et des valeurs, avec en vue la civilisation, que dans l'
Antéchrist où l'on ne sait plus du tout si la guerre est celle des consciences sur une scène de théâtre ou un appel véritable à prendre les armes contre la civilisation chrétienne (en même temps, la seule arme qu'a Nietzsche, et la plus terrible, c'est sa plume). Cela dit, il est certain que des guerres de valeurs peuvent provoquer de véritables guerres, de celles comme on en aura jamais vues auparavant (les Guerres mondiales ?).
Liber a écrit: Essentiellement des guerres individuelles, surtout celles des cités italiennes à la Renaissance. Pour établir une hiérarchie entre les hommes, il n'y a qu'un seul moyen : qu'ils se combattent, lutte qui prépare le retour à l'énergie. Cette partie de sa philosophie a été profondément marquée par Burckhardt et plus tard, Stendhal.
Je vois plus cela comme un affrontement que l'on peut dorénavant traduire symboliquement et qui ne se fait sur le modèle grec que comme une véritable mise à mort en temps de guerre. Je verrais aussi plus des luttes intérieures avec soi-même, des luttes de valeurs et des luttes avec la morale ou les mœurs (notamment pour l'artiste) que des luttes de pouvoir. A moins de prendre en compte l'admiration de Nietzsche pour les Romains, seulement ils ne passaient pas leur temps à s'entretuer et les grands hommes ne faisaient pas que conquérir des terres. Mais il est indéniable que Nietzsche souhaite que nous retrouvions notre capacité à agir et à imposer notre loi à l'être, que l'on se fasse dur et que l'on sache trancher. La
virtù contre la nécessité, la
fortuna (que l'on doit battre telle une femme...).
Liber a écrit: Dionysos déchiré en morceaux, la tragédie, tout cela n'aurait aucun sens si on était dans un jeu vidéo ou sur un ordinateur à faire contrôle-Z.
Je ne comprends pas la remarque vis-à-vis de que j'ai dit.
Liber a écrit: Les hommes de virtù ne se préoccupent pas du bien ou du mal ! Sinon, ce sont des hommes de vertu.
Certes, pour le bon mot, mais j'ai bien dit que Machiavel séparaît la sphère politique et la sphère éthique.