Vous êtes, ici, des intervenants qui ont une culture philosophique avérée, alors que ma culture d'origine est purement scientifique (mathématique pour ma part).
Vous essayez de définir la philosophie en partant de vos savoirs acquis, en partant du "haut". Je vais essayer de partir du bas, cela peut vous donner des instruments de réflexion (j'espère).
Dans la vie courante, celle qui est faite du travail quotidien ou des relations familiales courantes, etc., quand dit-on d'un autre qu'il parle comme un "philosophe" ? (à part la classique définition de la sagesse ?). Quand un individu utilise des mots abstraits (sans rapport direct donc avec une réalité concrète, aussitôt imaginable), en respectant une logique de construction crédible (relation de cause à effet) et qu'il utilise cette manière de parler comme d'un filet pour se saisir de la réalité vécue concrètement par les autres, en laissant entendre qu'il maîtrise mieux cette réalité que les autres.
Il m'arrive sur un forum populaire, que fréquentent des personnes de tous horizons, de lire les écrits de personnes qui veulent philosopher (même si elles n'ont aucune notion de philosophie, peu importe d'ailleurs). Comment tentent-elles de s'imposer ? Toujours en versant dans l'abstraction (impression d'avoir accès à une connaissance réservée à des initiés ?), toujours en recourant à la causalité (même si c'est le plus souvent n'importe quoi, mais peu importe encore) et toujours en pensant ainsi rendre compte de la réalité vécue par les autres mieux que ces autres. Il y a donc, implicitement, une intention de prendre le pouvoir sur les autres ou sur l'esprit des autres par le moyen du raisonnement, en arguant toujours de l'emploi de la raison (qu'ils ne savent pas définir, mais ils ont l'impression de se référer à quelque chose qui ne peut pas être attaqué).
Conclusion : au quotidien, la philosophie paraît être métaphysique (abstraction), raison (emploi d'un raisonnement non seulement inattaquable mais qui doit s'imposer à tous) et expression d'une volonté de puissance.
Je n'emploie pas cette expression de "volonté de puissance" avec l'idée de condamner cette intention. Absolument pas, la volonté de puissance, selon la manière dont elle est mise en œuvre, est créatrice de notre humanité. C'est lorsqu'elle apparaît à l'état brut, sans s'actualiser dans le travail acharné sur les mots, les concepts, les constructions, le respect d'une logique formelle, etc., que cette volonté de puissance me paraît alors dévoyée.