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Crise économique, crise démocratique ?

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baptistecanazzi
Georges Réveillac
etticeticettac
The Laughing Man
8 participants

descriptionCrise économique, crise démocratique ? - Page 8 EmptyRe: Crise économique, crise démocratique ?

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etticettac a écrit:
Mais l'homme se résume-t-il à cela, n'est-il qu'un consommateur, un jouisseur ? Nous touchons là le matérialisme des deux idéologies jumelles

Il y a une idéologie communiste, et l'économie soviétique était idéologique, mais le capitalisme est-il une idéologie ? Le capitalisme en tant que système économique s'est développé lentement, il a été idéologisé après être né. Sauf à considérer les mercantilistes, les physiocrates ou même Montesquieu comme des idéologues du capitalisme... Il faudrait aussi qu'on s'entende sur ce qu'est une idéologie.

D'ailleurs on remarque les mêmes symptômes, le communisme a enfanté une élite censée apporter la bonne parole marxiste, aujourd'hui il y a les prêtres du néo-libéralisme qui pareillement vous serinent qu'ils ont la connaissance. Quand quelqu'un élève la voix pour dire qu'on peut peut-être faire autre chose, tout de suite au nom de cette raison, de ce savoir absolu (ce qui est un non-sens, la connaissance scientifique étant toujours partielle et le fruit d'un instant donné) on traite cette personne de folle. Voire quand le gouvernement qu'un peuple a légitimement élu, qu'ils soient de droite (Berlusconi) ou de gauche (Papandréou), on le remplace par un technocrate.

Je suis bien d'accord pour les technocrates et l'abandon du politique. Mais il faut aussi voir que la crise de la dette était prévisible depuis qu'on s'est lancés dedans (la dette), que les économistes libéraux (Ludwig von Mises dans les années 50) l'avaient prévue dès les débuts de l'État-providence alors même que la situation était complètement différente... On peut se demander si on en est arrivés là par "la faute à la fatalité" (la technique nous y a-t-elle conduits inévitablement ?) ou si les politiques sont responsables de la situation. Et puis, quelles sont ces fameuses voix dissidentes ? Celles qui nous disent qu'il faut injecter de la monnaie dans l'économie pour sauver le monde ?

Or ce que nous vivons c'est une crise, mais une crise bien plus profonde. Qui questionne ce monde issu de la révolution industrielle et dont le communisme et le libéralisme sont les deux frères ? Ils nous faut inventer l'après révolution industrielle. Repenser notre rapport au monde. Est-ce que la nature a été donnée à l'homme uniquement pour qu'il l'exploite ?

Le libéralisme n'est pas né de la révolution industrielle... La société industrielle capitaliste occidentale pouvait être qualifiée de sœur jumelle de la société industrielle soviétique. Sinon, le libéralisme et le marxisme sont tous les deux modernes, c'est vrai.

Ce n'est pas la révolution industrielle qui a rendu l'homme exploiteur de la nature. C'est déjà dans la Bible... Voir aussi Descartes qui nous invite à nous rendre "maîtres et possesseurs de la nature". La question est importante, c'est celle de la place de l'homme dans l'univers. Sans parler de l'invention du sujet par les modernes, il faut quand même voir que la philosophie et l'Occident ont toujours été humanistes, l'homme a toujours eu une dignité supérieure, même quand il devait trouver sa place dans le cosmos plutôt que l'organiser comme il le désire (point de vue des Anciens). Dans le Phèdre, Socrate dit que la nature, les arbres et les animaux ne l'intéressent pas parce qu'il ne peut pas discuter avec eux. Aristote place l'homme au-dessus des animaux car il est seul capable de s'intéresser à la justice (cf. le langage). Alors "repenser notre rapport au monde/à la nature", c'est quand même très très ambitieux. Je pense que nos écolo ont partie liée avec la crise de la raison moderne qui redéfinit la place de l'homme dans la nature et lui retire sa position prééminente. On considère souvent aujourd'hui que l'homme n'est en rien supérieur aux autres êtres parce qu'il est doué de raison, mais que les autres êtres vivants se rapprochent de l'homme parce qu'ils souffrent, et qu'ils sont donc susceptibles d'être pris en pitié... Et tout ça à l'ère des droits de l'Homme, c'est étrange. Surtout si l'on met cela à la lumière de Rousseau, pour qui la pitié était ce qui permettait à l'homme de tempérer son égoïsme naturel (l'amour de soi) et le poussait à faire du bien aux autres hommes. :scratch:

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Je suis bien d'accord pour dire que le libéralisme n'est pas né en même temps que la révolution industrielle, Locke est un libéral. Le libéralisme de Locke s'insurge contre l'absolutisme, l'esclavage. Le libéralisme de Locke aurait sans doute été surpris par la pente que le libéralisme puis le néo-libéralisme ont pris. Je rappelle que la révolution industrielle, contrairement à ce que prétend la vulgate libérale actuelle, s'est attaquée à la propriété, des tas de petits propriétaires agricoles ont été chassés de leur(s) terre(s), ce qui a donné à l'industrie naissante ses flots de travailleurs pauvres, les prolétaires, tout ça au nom du progrès. On est loin de l'exemple de Locke qui dit que la pomme appartient à celui qui la cueille. De plus chez Locke il y a une éthique qui reste prioritaire. Pas comme chez les utilitaristes qui prétendent que d'un petit mal (l'égoïsme) peut sortir un grand bien (la prospérité des nations). Je suis, bien sûr, pour une éthque, il ne s'agit pas de remettre en cause les droits inhérents à tout être humain, mais au contraire de remettre en cause le primat de la volonté. Non la volonté n'est pas un principe qui flotte dans l'air. L'homme et son milieu sont liés. Le risque aujourd'hui, on le voit, c'est de penser que la technique, la science pourrait l'en libérer, c'est à mon avis une illusion. On encourage bien souvent l'homme à se révolter contre la nature, voire à la violenter, pour des raisons d'intérêts à court terme, mais on entend bien peu de gens dire aux hommes de se rebeller contre l'injustice qui est toujours un fait humain. C'est une façon de cacher les injustices de notre société. Quand il y a des inégalités on dit : "c'est comme ça" alors qu'au contraire ce que l'homme fait, il peut le défaire, alors qu'on se plaint contre les phénomènes naturels, en pensant que c'est injuste. C'est une erreur. La nature n'est ni mal ni bien. Seules les actions humaines le sont.

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NOU-JE a écrit:
Il n'y a du reste pas de nature humaine...

Encore une affirmation qui me paraît lourde de conséquences.
Voici d’abord ce qu’en pensait Marx : selon lui, l’essence de l’homme était à la fois le travail et l’esprit social :
Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l'homme et la nature. L'homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d'une puissance naturelle. Les forces dont son corps est doué, bras et jambes, tête et mains, il les met en mouvement, afin de s'assimiler des matières en leur donnant une forme utile à sa vie. En même temps qu'il agit par ce mouvement sur la nature extérieure et la modifie, il modifie sa propre nature, et développe les facultés qui y sommeillent. Nous ne nous arrêterons pas à cet état primordial du travail où il n'a pas encore dépouillé son mode purement instinctif. Notre point de départ c'est le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l'homme. Une araignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand, et l'abeille confond par la structure de ses cellules de cire l'habileté de plus d'un architecte. Mais ce qui distingue dès l'abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte, c'est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche. Le résultat auquel le travail aboutit, préexiste idéalement dans l'imagination du travailleur. Ce n'est pas qu'il opère seulement un changement de forme dans les matières naturelles ; il y réalise du même coup son propre but dont il a conscience, qui détermine comme loi son mode d'action, et auquel il doit subordonner sa volonté.
Marx, Le Capital (1867), traduction de j. Roy, Éd. Sociales, 1950.

La nature humaine étant la vraie communauté des hommes […], l’être social […] n’est pas une puissance générale, abstraite en face de l’individu isolé, mais l’être de l’individu, sa propre activité, sa propre vie, sa propre jouissance (NOT, p. 23). Dire que l’essence humaine est sociale signifie que l’homme n’est pas, par nature, indépendant des autres hommes contrairement à la manière dont il apparaît dans la société bourgeoise. Dans celle-ci, l’homme est l’homme égoïste […].
(Karl Marx par Francis Kaplan)

L’idée qu’il n’y aurait pas de nature humaine est apparue à notre époque, ce qui ne prouve pas qu’elle soit juste (ni fausse). D’où vient-elle ?

-« L’existence précède l’essence », selon Sartre. Donc, la nature humaine devrait se révéler après l’action de l’homme. Je pense un peu différemment. Selon moi, le besoin d’existence pousse l’homme à se réaliser. C’est cela, son essence. On ne peut connaître intégralement ce qu’il contient, ce besoin d’existence. Cela ne nous est révélé qu’après sa réalisation. Néanmoins, il existe une nature humaine, sinon, tous les choix seraient permis. J’ai développé cette hypothèse sur la page :
http://www.livingexistence.net/TheoriedelaLuttepourlExistence.html

Voici donc, pour commencer, comment je vois l’existence chez l’homme.
C’est la vie et les plaisirs en même temps que la communion avec nos semblables, à la fois dans le présent et dans la longue durée, l’éternité même, si possible. Elle se réalise tantôt de façon individuelle tantôt par procuration sur autrui – tantôt égoïste, tantôt altruiste, si tu préfères - ou encore en combinant les deux modes : nos enfants, nos ancêtres préférés, nos lointains descendants, les célébrités en tous genres, la patrie, l’humanité, la nature... peuvent être porteurs de notre existence.
Voici donc présentés les six éléments de base de l’existence humaine. Quand l’une de ces composantes est trop difficile à réaliser, le désir d’existence se tourne vers les autres. Si le présent n’offre rien de bon, l’homme va se tourner vers la pérennité, une religion, par exemple. Si sa vie personnelle ne présente aucun attrait, il peut déléguer son existence à quelqu’un de mieux placé : un champion de football, un savant, un grand acteur, son patron ou sa patronne, un ami… Il existera ainsi par procuration, comme le bon chien qui sacrifie sa vie pour son maître.
L’existence qui englobe l’espace-temps le plus large, régie par des lois morales, est prioritaire, mais celle qui touche au plus près l’individu - moi, ici, maintenant -, est la préférée.


-On cherche depuis longtemps ce qui, par nature, distingue l’homme de l’animal et on n’a encore rien trouvé de fiable. Certains animaux ont un embryon de ce que nous croyions spécifique de l’homme, à commencer par l’appétit d’existence : invention d’outils, transmission des acquis, conscience de ce qui se trouve hors de portée des sens, empathie…
- Pour nombre de chercheurs, dont Claude Levy-Strauss et Pascal Pick, c’est sans importance, car cette démarche est malsaine. Chaque fois que l’homme a voulu se placer au-dessus des autres, « c’était pour mieux les exploiter, mon enfant ». Donc, il ne faut pas chercher le propre de l’homme.
Là encore, j’ai une hypothèse : la conscience qui se développe de plus en plus vite dans le champ de l’univers et nous permet, avec la magie de la main, de bâtir un monde selon nos désirs, ces deux qualités exceptionnelles seraient le fruit d’un accident improbable de l’évolution. S’il n’en était pas ainsi, d’autres espèces auraient progressé dans cette direction. Ces facultés sans pareilles qui nous ont permis d’envahir la planète, et peut-être de la détruire, nous donnent aussi l’espoir de développer la vie et l’existence dans le temps et l’espace, peut-être à l’échelle de l’univers. Ces aptitudes exceptionnelles font de nous les gardiens de la vie. Responsables ! Responsables et non supérieurs. Les animaux qui viennent vers nous ne le sentiraient-ils pas ? Permettez-moi de ma citer : Une autre hypothèse est envisageable. Elle m’a été suggérée par le paléoanthropologue Pascal Picq. Je le cite.
Les pressions de sélection qui finissent par fixer la durée de la gestation humaine à 9 mois n’émergent pas par enchantement du jour au lendemain. Cela débute certainement avec les premiers représentants du genre homo, les homo ergaster, il y a 2 millions d’années. D’un côté, une évolution vers une bipédie très efficace qui impose un bassin étroit. De l’autre, le développement relatif du cerveau. Ces deux tendances évolutives se rencontrent au moment de l’accouchement. Dès lors, les femmes qui portent en elles des petits dont la durée de gestation dépasse neuf mois meurent dans les pires souffrances. Cela ne cessera jamais, puisque si la taille du bassin change peu au cours de l’évolution du genre homo, la taille du cerveau double !...» (Pascal Picq – Nouvelle Histoire de l’Homme – ch. 6)

Cela me conduit à penser que l’évolution de l’homme est peut-être passée par une sorte de labyrinthe constitué d’une série d’impasses dont le franchissement était hautement improbable. J’appelle impasses des caractères nouveaux qui ne favorisent pas la survie de l’espèce : la sélection naturelle tend à les éliminer, ou du moins à ne pas les développer. Ceci expliquerait qu’une seule espèce sur terre ait réussi ce parcours.

J’ai longuement débattu de cette question dans un tumultueux forum sur le site de Futura-Sciences, débat utile puisqu’il m’a conduit à modifier mes hypothèses.

http://forums.futura-sciences.com/neuropsychologie-psychologie/366364-homme-animal.html

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NOU-JE a écrit:
"Il n'y a pas de phénomènes moraux, juste une interprétation morale des phénomènes." Nietzsche, Par delà le bien et le mal...

Le cerveau n'est qu'un principe de transformation ; ce serait là où résiderait la "nature humaine" si l'on y croit. La nature humaine, c'est le cerveau lui-même selon moi ; sa plasticité et son indétermination, d'un point de vue culturel.

Sur ces points, nous sommes d'accord.
Chaque idéologie engendre sa morale, laquelle finit nécessairement par être obsolète, l'évolution aussi bien naturelle que culturelle ayant changé la donne. C'est pourquoi il me paraît nécessaire de refuser le dogmatisme. Les piliers de la foi que sont les dogmes doivent s'ouvrir pour l'examen des idées d'autrui. C'est bien ce que nous pratiquons ici.
Le cerveau n'est qu'un principe de transformation ; ce serait là où résiderait la "nature humaine"

Voici de quelle façon je rejoins votre point de vue.
Ce que j'appelle "besoin d'existence" se trouve, selon moi, aux commandes de notre cerveau, ayant à disposition la mémoire des expériences heureuses et malheureuses. C'est au niveau de cette mémoire que des aberrations se produisent. En effet, ce qui fut bénéfique en d'autres temps peut être maléfique à notre époque. Le caractère prédateur d'Achille est malvenu dans notre époque. Il me paraît donc important de chercher l'origine de nos convictions.

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@ NOU-JE et Thrasymaque : ne supprimez pas le nom du membre que vous citez dans la balise de quotation, merci (Euterpe).
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