Zingaro a écrit: Une question pour Crosswind, quand il reviendra : bien qu'il soit envisageable que l'espace, tel qu'il se présente à nous, soit une illusion ; comment expliquez-vous cette illusion, si en réalité elle n'a aucun fondement ?
Vous posez la question que tout le monde se pose, scientifiques comme philosophes, sans trouver la réponse ! Si je ne dispose pas plus que les autres d'une réponse à votre question, qui représente le véritable nœud du problème - qu'est ce qui fait que le Monde m'apparaît comme il m'apparaît, et pourquoi ? - je tenterai néanmoins, succintement, de vous exprimer mon point de vue. Nos cinq sens transcrivent tous une interaction donnée (photon, énergie, molécule) en signal électrique. Tout ce qui arrive au cerveau, tout ce qui provient de nos sens, est représenté, véhiculé, sous forme de charge électrique variable. Cette quantité astronomique d'informations est, pour une raison inconnue de nous, traduite en perceptions particulières, dont on ignore la provenance. De fait, je ne peux nier (qui le pourrait ?) que dans le monde que je perçois, que je vis, l'espace existe. Qu'il soit espace euclidien ou espace conscientiel, mes sens et la représentation qui en découle, l'architecture même du système qui me construit, m'impose l'espace et le temps comme une évidence. Bien sûr, on peut choisir de s'arrêter là et décréter, comme Silentio :
Silentio a écrit: Le problème c'est que Crosswind ne veut pas voir que, peu importe l'existence de l'espace en-dehors de nous, la conscience implique cette notion. Or nous ne parlons jamais que de la conscience, de ce niveau d'être. Ce qui est purement descriptif de la réalité de l'expérience quotidienne, pour tout un chacun, est nié par Crosswind au nom de l'absolu, dont précisément nous ne savons rien ou ne pouvons pas dire grand-chose pour le moment.
Ce à quoi je réponds que si, au cours de la longue histoire de l'humanité il n'avait fallu parler que de ce que l'on connaissait, nous serions toujours dans les arbres. Je revendique donc un droit de recherche sur ce dont on ne connaît rien ou pas grand-chose.
Zingaro, je me plais à imaginer la somme des informations transmises par le système nerveux non pas en perceptions sensibles telles que je les perçois, mais en données brutes. J'ai cette intuition profonde que cette masse d'information pourrait être exploitée différemment. Pour le dire autrement, je ne peux considérer que mes perceptions sont nécessairement les seules possibles au regard des informations brutes qui en sont à la source. Ce sont mes perceptions, soit. Mais je réfute cet anthropocentrisme moderne qui affirmerait que la perception qui en découle est la seule possible. J'imagine ensuite un être qui, en lieu et place de traduire ses influx nerveux électriques en images, odeurs, sensations, etc, ne les traduirait qu'en sensations autres. Telle onde électrique serait ressentie par telle sensation. Cette, ou plutôt ces, sensations sont inconnaissables par nous, à l'instar de l'aveugle de naissance pour qui il est impossible de se représenter la vue, un sens dont il est privé dès le départ et dont il ne peut connaître la sensation. De cette manière, les informations envoyées par l'œil pourraient être vécue par cet être imaginaire comme une sensation inconnaissable par moi, et non plus comme une image. Cette sensation pourrait revêtir un même sens pour cet être que celui qu'a l'image pour moi... Et cette sensation peut parfaitement induire un raisonnement complexe chez cet être, le poussant dans la foulée à choisir parmi un panel de possibilité d'envois d'influx nerveux, à la recherche de quelque chose qui pourrait être une émotion de bonheur, par exemple. Cet être ne doit pas dès lors vivre avec une conception d'espace à proprement parler, alors même qu'il vivrait dans un espace au sens où je le perçois moi. Techniquement du moins.
Cet être imaginaire pourrait-il être conscient de lui ? Je le crois, pour une seule raison : on ignore comment la conscience se développe en nous, et à fortiori la conscience de soi. Partant de ce principe, la non-connaissance de la nature et de l'origine de la conscience de soi, je considère qu'il est possible jusqu'à preuve du contraire de développer une conscience de soi en se considérant seul au monde. Mon être imaginaire vivrait donc dans une bulle, isolé, seul au Monde.
Vangelis a écrit: Même si nous sommes très loin de tout expliquer dans ce domaine, le monde scientifique s'accorde sur le fait que s'il n'y a pas de cerveau, alors il n'y a pas de conscience.
Il fut un temps, à la conférence de Valladolid, se posait la question de savoir si les Indiens avaient une âme... S'il fallait lister l'ensemble des phénomènes sur lesquels le monde scientifique "s'était accordé" tout au long de l'histoire, et qui se sont révélés complètement faux, on serait encore là demain.
Dernière édition par Crosswind le Mar 22 Juil 2014 - 13:19, édité 1 fois