Bonsoir,
En me relisant, je m’interrogeais sur ma compréhension du terme « intuition » et plus particulièrement de son sens chez Kant. Je me demandais si l’intuition est une « saisie directe » des choses de l’extérieur ou si c’est une « connaissance directe » des choses. Car il y a, pour moi, une différence. Je m’interrogeais donc sur la signification des termes « intuition sensible ».
Je développe ci-dessous ma compréhension de ces deux possibilités d’interprétation. Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez ?
Première hypothèse :
L’intuition c’est la connaissance directe, immédiate des choses. L’intuition s’oppose au raisonnement (connaissance médiate, indirecte, par voie de conséquence, nécessitant un raisonnement) : Il y a intuition lorsque nous connaissons quelque chose sans devoir le déduire indirectement, sans devoir raisonner. Il me semble important de souligner que l’on parle de « connaissance directe ». Puisque l’on parle de connaissance, l’intuition suppose la conscience. Autrement dit, si l’intuition doit être définie comme une connaissance directe, alors pour pouvoir dire que nous sommes « intuitionnés » par quelque chose nous devons en être conscients.
Si on définissait l’intuition comme la « saisie directe des choses », et non comme la connaissance, elle ne supposerait pas la conscience.
En général (pas chez Kant), on admet l’intuition sensible et l’intuition intellectuelle (ou rationnelle). Exemples d’intuition intellectuelle : - Nous pensons que toute chose a une cause sans devoir raisonner ; - Nous pensons qu’une chose est ce qu’elle est sans devoir raisonner (principe d'identité). Par contre, quelque chose déduit par un raisonnement mathématique ne relève pas de l’intuition. Exemple d’intuition sensible : Je vois ce cube devant moi.
Selon Kant : l’intuition intellectuelle des choses n’est pas possible dans le sens où il n’est pas possible que l’esprit seul connaisse directement des choses : L’esprit structure ce qui se donne d’abord à lui par les sens.
L’esprit ne peut connaître directement des choses puisque : - Un donné sensible est d’abord nécessaire ; - L’esprit structure le donné sensible. La connaissance des choses par l’esprit est donc indirecte. Ainsi, par exemple, on ne peut dire que la connaissance d’un cube de telle matière et de telle couleur ressort d’une intuition mais bien d’une perception par nature indirecte. En effet, celle-ci suppose un agencement par l’esprit d’un donné sensible.
Si : Le donné sensible s’imposant à nous est élaboré par l’esprit en perceptions (donc si les sensations pures recouvertes par les perceptions ne peuvent être consciemment connues par nous).
Et si : La perception n’est pas une intuition (car l’intuition est connaissance directe alors que la perception est indirecte par nature),
Alors que serait l’intuition sensible ?
En effet, l’intuition sensible devrait être autre que la perception (connaissance indirecte des choses puisqu’elle nécessite une structuration par l’esprit). En outre, les sensations pures ne peuvent nous atteindre par intuition puisque même si ces sensations pures nous affectent nous n’en avons pas conscience donc pas connaissance.
L’intuition sensible émanerait pourtant d’un donné sensible direct, une connaissance sensible directe, brute, existant en dehors d’une élaboration par l’esprit. Par exemple, lorsque nos mains butent contre un objet, nous savons qu’il y a là quelque chose, il y a là une matière : nous sentons une certaine dureté. Peu importent son degré de dureté, sa texture, sa forme, sa couleur, ses éléments constitutifs. Quelque chose existe en dehors de nous, dans l’espace et le temps. L’intuition sensible se limiterait à cela : la saisie de l’existence des choses existant hors de nous, dans l’espace et le temps. Tout le reste, la perception d’un certain degré de dureté, d’une forme, d’une couleur, d’une odeur, d’une texture, d’un assemblage de différents éléments constitutifs, etc., relève d’une structuration par l’esprit (perception). Il ne s’agit pas d’une intuition quelle qu’elle soit.
Pour Kant, l’intuition des choses (autrement dit la connaissance directe des choses) ne pourrait consister qu’en une intuition sensible par laquelle les choses nous donnent leur matière à l’état brut dans l’espace et le temps.
L’intuition sensible se limite donc à saisir la matière, l’existence des choses hors de nous dans l’espace et le temps. L’existence des choses hors de nous, dans l’espace et le temps, est le seul donné sensible dont nous pouvons avoir connaissance par l’intuition, les autres sensations pures étant soumises à l’élaboration de la perception. Ces autres sensations pures (autres que la présence des choses dans l’espace et le temps), nous n’en avons pas conscience, donc pas connaissance.
Kant ne dit pas que l’intuition intellectuelle n’existe pas : Il y a bien l’intuition intellectuelle des principes (nous utilisons dans nos raisonnements des principes connus immédiatement c’est-à-dire qui ne sont pas obtenus par un raisonnement ou une expérience), par exemple le principe d’identité, mais il n’y a pas d’intuition intellectuelle des choses :
Il y a d’une part, l’intuition sensible des choses (quelque chose existe hors de nous dans l’espace et le temps) et la perception des choses (forme, couleur, texture, assemblage d'éléments, etc.) élaborée par notre entendement.
Il y a pour Kant des sensations pures (la présence de la matière des choses dans l’espace et le temps) qui se livrent par l’intuition sensible et des perceptions qui sont l’élaboration des autres sensations par l’esprit.
Deuxième hypothèse :
Par contre, si on doit définir l’intuition non comme la connaissance directe des choses mais comme la saisie directe des choses, l’intuition ne suppose pas la conscience : Les choses m’affectent, je suis directement saisi par des sensations pures (que j’en sois conscient ou pas, là n’est pas la question) qui seront élaborées par la perception.
Cette saisie directe, premier pas vers la connaissance d’une chose, constituerait l’intuition sensible. Elle conditionnerait la connaissance (pas de connaissance sans intuition sensible) mais ne la présuppose pas.
L’intuition sensible serait synonyme de saisie directe ses sensations (expérimentées consciemment ou pas) concourant à la connaissance et non pas synonyme de connaissance directe. L’intuition sensible ne se limiterait pas à saisir l’existence des choses hors de nous, dans l’espace et le temps, elle concernerait toutes les sensations pures nous saisissant (toutes les sensations considérées en faisant abstraction de la perception) même si nous ne pouvons en faire l’expérience consciente.
Merci à vous.
En me relisant, je m’interrogeais sur ma compréhension du terme « intuition » et plus particulièrement de son sens chez Kant. Je me demandais si l’intuition est une « saisie directe » des choses de l’extérieur ou si c’est une « connaissance directe » des choses. Car il y a, pour moi, une différence. Je m’interrogeais donc sur la signification des termes « intuition sensible ».
Je développe ci-dessous ma compréhension de ces deux possibilités d’interprétation. Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez ?
Première hypothèse :
L’intuition c’est la connaissance directe, immédiate des choses. L’intuition s’oppose au raisonnement (connaissance médiate, indirecte, par voie de conséquence, nécessitant un raisonnement) : Il y a intuition lorsque nous connaissons quelque chose sans devoir le déduire indirectement, sans devoir raisonner. Il me semble important de souligner que l’on parle de « connaissance directe ». Puisque l’on parle de connaissance, l’intuition suppose la conscience. Autrement dit, si l’intuition doit être définie comme une connaissance directe, alors pour pouvoir dire que nous sommes « intuitionnés » par quelque chose nous devons en être conscients.
Si on définissait l’intuition comme la « saisie directe des choses », et non comme la connaissance, elle ne supposerait pas la conscience.
En général (pas chez Kant), on admet l’intuition sensible et l’intuition intellectuelle (ou rationnelle). Exemples d’intuition intellectuelle : - Nous pensons que toute chose a une cause sans devoir raisonner ; - Nous pensons qu’une chose est ce qu’elle est sans devoir raisonner (principe d'identité). Par contre, quelque chose déduit par un raisonnement mathématique ne relève pas de l’intuition. Exemple d’intuition sensible : Je vois ce cube devant moi.
Selon Kant : l’intuition intellectuelle des choses n’est pas possible dans le sens où il n’est pas possible que l’esprit seul connaisse directement des choses : L’esprit structure ce qui se donne d’abord à lui par les sens.
L’esprit ne peut connaître directement des choses puisque : - Un donné sensible est d’abord nécessaire ; - L’esprit structure le donné sensible. La connaissance des choses par l’esprit est donc indirecte. Ainsi, par exemple, on ne peut dire que la connaissance d’un cube de telle matière et de telle couleur ressort d’une intuition mais bien d’une perception par nature indirecte. En effet, celle-ci suppose un agencement par l’esprit d’un donné sensible.
Si : Le donné sensible s’imposant à nous est élaboré par l’esprit en perceptions (donc si les sensations pures recouvertes par les perceptions ne peuvent être consciemment connues par nous).
Et si : La perception n’est pas une intuition (car l’intuition est connaissance directe alors que la perception est indirecte par nature),
Alors que serait l’intuition sensible ?
En effet, l’intuition sensible devrait être autre que la perception (connaissance indirecte des choses puisqu’elle nécessite une structuration par l’esprit). En outre, les sensations pures ne peuvent nous atteindre par intuition puisque même si ces sensations pures nous affectent nous n’en avons pas conscience donc pas connaissance.
L’intuition sensible émanerait pourtant d’un donné sensible direct, une connaissance sensible directe, brute, existant en dehors d’une élaboration par l’esprit. Par exemple, lorsque nos mains butent contre un objet, nous savons qu’il y a là quelque chose, il y a là une matière : nous sentons une certaine dureté. Peu importent son degré de dureté, sa texture, sa forme, sa couleur, ses éléments constitutifs. Quelque chose existe en dehors de nous, dans l’espace et le temps. L’intuition sensible se limiterait à cela : la saisie de l’existence des choses existant hors de nous, dans l’espace et le temps. Tout le reste, la perception d’un certain degré de dureté, d’une forme, d’une couleur, d’une odeur, d’une texture, d’un assemblage de différents éléments constitutifs, etc., relève d’une structuration par l’esprit (perception). Il ne s’agit pas d’une intuition quelle qu’elle soit.
Pour Kant, l’intuition des choses (autrement dit la connaissance directe des choses) ne pourrait consister qu’en une intuition sensible par laquelle les choses nous donnent leur matière à l’état brut dans l’espace et le temps.
L’intuition sensible se limite donc à saisir la matière, l’existence des choses hors de nous dans l’espace et le temps. L’existence des choses hors de nous, dans l’espace et le temps, est le seul donné sensible dont nous pouvons avoir connaissance par l’intuition, les autres sensations pures étant soumises à l’élaboration de la perception. Ces autres sensations pures (autres que la présence des choses dans l’espace et le temps), nous n’en avons pas conscience, donc pas connaissance.
Kant ne dit pas que l’intuition intellectuelle n’existe pas : Il y a bien l’intuition intellectuelle des principes (nous utilisons dans nos raisonnements des principes connus immédiatement c’est-à-dire qui ne sont pas obtenus par un raisonnement ou une expérience), par exemple le principe d’identité, mais il n’y a pas d’intuition intellectuelle des choses :
Il y a d’une part, l’intuition sensible des choses (quelque chose existe hors de nous dans l’espace et le temps) et la perception des choses (forme, couleur, texture, assemblage d'éléments, etc.) élaborée par notre entendement.
Il y a pour Kant des sensations pures (la présence de la matière des choses dans l’espace et le temps) qui se livrent par l’intuition sensible et des perceptions qui sont l’élaboration des autres sensations par l’esprit.
Deuxième hypothèse :
Par contre, si on doit définir l’intuition non comme la connaissance directe des choses mais comme la saisie directe des choses, l’intuition ne suppose pas la conscience : Les choses m’affectent, je suis directement saisi par des sensations pures (que j’en sois conscient ou pas, là n’est pas la question) qui seront élaborées par la perception.
Cette saisie directe, premier pas vers la connaissance d’une chose, constituerait l’intuition sensible. Elle conditionnerait la connaissance (pas de connaissance sans intuition sensible) mais ne la présuppose pas.
L’intuition sensible serait synonyme de saisie directe ses sensations (expérimentées consciemment ou pas) concourant à la connaissance et non pas synonyme de connaissance directe. L’intuition sensible ne se limiterait pas à saisir l’existence des choses hors de nous, dans l’espace et le temps, elle concernerait toutes les sensations pures nous saisissant (toutes les sensations considérées en faisant abstraction de la perception) même si nous ne pouvons en faire l’expérience consciente.
Merci à vous.