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L'intuition sensible chez Kant : connaissance ou saisie directe ?

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descriptionL'intuition sensible chez Kant : connaissance ou saisie directe ? - Page 7 EmptyRe: L'intuition sensible chez Kant : connaissance ou saisie directe ?

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Je reviens sur cette question de "l'objet donné en représentation". Cette locution me conduit à reprendre le texte de Kant et à l'étudier avec encore plus de minutie.

P117 de la CRP (GF toujours) :

"La manière de recevoir des représentations par la manière dont nous sommes affectés par les objets s'appelle sensibilité. C'est donc par la médiation de la sensibilité que des objets nous sont donnés."

Si j'analyse avec le plus de minutie possible ces deux phrases il m'apparait que l'objet dont il s'agit dans la première phrase est l'objet en soi [ce qui m'affecte] et que l'objet dont il s'agit dans la deuxième phrase c'est le phénomène. En tout cas il est impossible que ce soit le même objet. 

L'objet qui est donné par la médiation de la sensibilité c'est le phénomène. 

Ce passage de l'affection (physiologique) à la matière puis au phénomène donc à l'intuition n'est pas évident à comprendre. La distinction est floue. Page 144 Kant appelle sensibilité la réceptivité de notre esprit, et dans les mots qui suivent il écrit que c'est l'esprit qui est affecté. Pourtant une sensation est d'abord une affection du corps, du moins pour moi. Mais il identifie esprit et corps quand il parle de la sensation. L'esprit est affecté par la sensation. Aujourd'hui on dirait : le cerveau est affecté par la sensation. En fait aujourd'hui nous disposons des concepts de cerveau et d'inconscient dont ne disposait pas Kant à son époque.

Bon peu importe, l'objet, le phénomène est donné par la médiation de la sensation elle-même effet de l'objet en soi (exactement : effet produit par un objet  sur la sensibilité, page 117).

Bon quid de la représentation ? Il semble à bien suivre Kant que l'objet et sa représentation soient deux façons de "voir" le même "objet". La représentation est ce qui est là, en impression, en matière, puis en matière mise en forme, ce qui au fond pourrait bien être un jour observable, si ça ne l'est déjà d'ailleurs vu le développement des sciences du cerveau, et que l'objet est le mot employé par l'observateur pour parler de ce qui est là. "Je vais faire de la représentation l'objet de mon étude" pourrait-on dire. Donc objet (phénomène) et représentation sont la même "chose" mais vu de deux manières différentes. La représentation relève de la description, l'objet relève du point de vue sur la description. 

La représentation est le fait de l'intuition, cela ressort clairement de la CRP. Ces représentations semblent passer les unes dans les autres au fur  et à mesure de la construction de l'objet final. L'entendement ne "travaille" que sur des représentations, il crée des représentations tout de même, mais des représentations de représentations (c'est écrit en toutes lettres dans la CRP). Notons que la spontanéité de l'entendement lui permet de créer des représentations mais ces représentations n'apparaissent que dans les formes pures de la sensibilité.  Bon tout ça pour essayer d'être exhaustif sur le mot représentation.

En définitive on peut en effet écrire que l'objet est donné en représentation. Même si au niveau du phénomène objet et représentation de l'objet  sont indéterminés.

Reste à parler du présent maintenant. Et de la saisie directe. Le mot "direct" semble tout de même plutôt qualifier la sensation, l'affection. Mais le terme "saisie" renvoie à une action. Je "saisis", action. Et l'action me semble qualifier l'entendement, pas l'intuition (qui, elle, "reçoit"). Donc à quel moment y-a-t- il, s'il y a, saisie directe ? Intéressante question. Mais voyons déjà ce fameux présent.

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Venons-en maintenant au présent (le mot n'est pas employé par Kant). Vous écrivez :« Au cœur du concept de représentation il y a la notion de présent...qui structure ce concept ». On peut en effet penser ainsi.


Kant écrit (page 179 CRP-GF) que le divers de l’intuition ne peut être représenté si l’esprit ne distingue pas le temps, ici la succession (des sensations). Selon lui il faut que soit d'abord parcourue la diversité des sensations pour que ce « divers soit rassemblé » pour qu'il y ait représentation, laquelle est unité absolue, laquelle unité absolue est obtenue par le rassemblement en un instant unique du divers des sensations. Ce rassemblement, cette synthèse est appelée par Kant synthèse de l'appréhension.


Vous parliez de saisie directe . A mon avis nous pouvons en effet parler ici d'une saisie, d'une action de l’esprit qui agit dans cette synthèse de l'appréhension.


Cette unité absolue, ce présent n'est pas insaisissable il est retenu, il est reproduit, il est mémorisé. Intervient alors la synthèse de la reproduction dans l'imagination. Cette synthèse s’applique à ces unités.


Ces synthèses mettent en connexion des représentations selon des lois dont parle Kant dans la troisième synthèse. Ces lois passent par l'entendement. C'est en cela que j'écrivais par ailleurs que l'entendement se saisit immédiatement des sensations pour les mettre en relation afin de constituer l'objet final, attention l'objet au sens scientifique, c'est-à-dire l'objet qui répond aux exigences de l'objectivité, de l'universalité de l'objectivité. Il ne faut pas oublier que c'est de cet objet-là dont parle Kant, pas de l'objet composé subjectivement.


L'objet qui nous est donné dans l'intuition sensible n'est pas un présent. L'objet nous est donné (l'objet en soi) en ce que cet objet affecte l'esprit sur un certain mode (la sensation, page 117 de la CRP).


Si nous appelons objet la représentation qui est le résultat des deux premières synthèses alors il ne nous est pas donné, il est construit. Cette représentation n'est plus dans l'intuition sensible elle est dans ce que Kant appelle l’imagination.

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Machaon a écrit:
Le second point concerne les deux niveaux de synthèse, dont on ne sait pas clairement s'ils sont tous deux nécessaires, s'ils s'impliquent ou non, réciproquement. Il semble que pour Aliochaverkiev tout objet donné dans une intuition sensible soit aussitôt (simultanément et nécessairement) soumis aux catégories de l'entendement.Aliochaverkiev a écrit :  « au fond nous ne savons rien de ce qu'est le phénomène, puisque toute représentation implique déjà l'intervention de l'entendement. Je ne vais pas rentrer dans ce débat. En effet nous ne pouvons pas même imaginer ce qu'est la sensation, la matière du phénomène, puisque cette matière même, mise en forme dans les formes pures de l'intuition est immédiatement saisie, je dis bien saisie par l'entendement ». Chez Kant c'est moins net, c'est même hésitant. C'est important pour la réponse à faire à Goldo.Kant a écrit : « P148 &13 Des principes d'une déduction en général. De la déduction des concepts purs de l'entendement. « Les catégories de l'entendement au contraire ( du temps et de l'espace, ppn), ne nous représentent aucunement les conditions sous lesquelles les objets sont donnés dans l'intuition ; conséquemment des objets peuvent sans doute nous apparaître, sans qu'ils aient nécessairement besoin de se rapporter à des fonctions de l'entendement et sans que celui-ci par conséquent en contienne les conditions a priori ».« ...des phénomènes peuvent très bien être donnés sans le secours de l'entendement ».« Il est clair en effet que les objets de l'intuition sensible doivent être conformes aux conditions formelles de la sensibilité résidant a priori dans l'esprit, puisqu'autrement ils ne seraient pas pour nous des objets ; mais on n'aperçoit pas aussi aisément pourquoi ils doivent en outre être conformes aux conditions dont l'entendement a besoin pour l'unité synthétique de la pensée ».P149« ...l'intuition n'a nul besoin des fonctions de la pensée ».


Qui a raison ?

Bien cordialement.


J'aimerais bien répondre à votre exposé reprenant des passages de la CRP mais je ne parviens pas à les retrouver dans le texte de Kant. Vos références ne semblent pas se rapporter à l'édition GF. 
En attendant de repérer ces textes je continue de vous répondre sur les trois synthèses (déduction subjective).
Les deux premières synthèses sont indissociables sur le plan psychologique et elles sont nécessaires. La première synthèse, celle de l'appréhension dans l'intuition, consiste à sortir du continu pour passer au quantum. Les formes de l'intuition, l'espace et le temps, sont continues et ne permettent de saisir aucun instant. Sans cette synthèse les sensations passeraient les unes dans les autres sans que nous puissions en saisir aucune. Cette synthèse n'est toutefois possible que si chaque instant est mémorisé afin de créer une unité, une représentation. Le fait d'associer un instant passé à un instant présent est l'acte de l'imagination empirique qui ouvre sur une autre synthèse, celle de la reproduction dans l'imagination. Cette association donne naissance à l'objet scientifique par application de règles universelles et nécessaires (a priori): les catégories. Ce processus est l'objet de la troisième synthèse, celle de la recognition dans le concept. Les catégories ne synthétisent pas directement les sensations ni les associations de l'imagination empirique mais elles synthétisent le temps (par le truchement du schème). C'est d'ailleurs au moment où ces catégories se temporalisent que nous en prenons conscience. 
Enfin les catégories n'ont pas elles-mêmes le pouvoir de synthèse, elle ne sont que des règles de synthèse. Elles sont mises en oeuvre par l'unité originellement synthétique de l'aperception. Cette unité suppose logiquement la réalité d'un sujet transcendantal dont nous ne pouvons toutefois pas prendre conscience. Ce sujet transcendantal est un "produit" logique pour  Kant. On notera que la pensée pour Kant, dans ce processus, est la représentation d'une règle de synthèse qui peut ensuite s'appliquer à la matière des objets. Il ne s'agit donc pas de la pensée telle que conçue par Euterpe quand il me fait remarquer que la pensée agit a posteriori car elle a besoin d'un apprentissage pour justement agir. Cette conception de la pensée exposée  par Euterpe n'est pas celle dont parle ici Kant. Euterpe se situe dans l'empirisme de Hume et non dans la pensée de Kant (pour Euterpe la pensée agit "après" constitution des objets). Pour Kant la pensée agit dès "modification" de l'esprit par la sensation, sans apprentissage. Elle met en oeuvre la relation qui va constituer l'objet, c'est tout le contraire de l'empirisme. Avec Kant la relation précède l'objet, et la relation est mise en oeuvre par la pensée : l'enfant voit sans que nous lui disions comment voir. La pensée dont parle Euterpe est une pensée qui relève de l'éthique, de la civilisation, alors que celle dont parle ici Kant est celle du fonctionnement propre à ce que nous appellerions aujourd'hui le cerveau. Kant tente d'expliquer le fonctionnement pratique de la pensée, pas son fonctionnement éthique.
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