Machaon a écrit: @aliochaverkievPlusieurs points.
1. A la question de Goldo nous avons répondu que chez Kant « l'intuition sensible » n'était pas une connaissance. Ce n'est qu'une réponse partielle. Peut-on dire pour autant qu'elle est une « saisie directe » ? (Le mot saisir est-il dans la CRP ?) « Saisir », est-ce la fonction de l'intuition sensible ? Peut-on saisir directement ? Indirectement ? Plutôt que saisir (verbe très actif), Kant emploie « recevoir, être affecté », affection qui place le sujet en position passive.
A bientôt pour en reparler.
Bien à vous.
L'intuition sensible n'est pas une connaissance en ce sens qu'une connaissance c'est, sur le plan le plus élémentaire, l'adéquation entre la chose représentée et la chose constatée, ce qui est assez trivial (si un individu voit un arbre là ou tous voient une table, il y a un problème de connaissance de données triviales chez un tel individu). Sur un plan plus élaboré une connaissance c'est le fait de prédiquer un sujet, c'est-à-dire la capacité à émettre un jugement au sens kantien du terme que ce jugement soit analytique ou synthétique.
L'intuition c'est le lieu de la réceptivité, je reçois une "impression", je reçois une sensation. Il y a en effet un caractère passif en cela. La sensation est la matière du phénomène, matière mise en forme par les intuitions pures, les formes que sont l'espace et le temps.
A ce niveau nous n'avons encore aucune perception, ce qui a entraîné la critique de Husserl sur le phénomène tel que vu par Kant : au fond nous ne savons rien de ce qu'est le phénomène, puisque toute représentation implique déjà l'intervention de l'entendement. Je ne vais pas rentrer dans ce débat. En effet nous ne pouvons pas même imaginer ce qu'est la sensation, la matière du phénomène, puisque cette matière même, mise en forme dans les formes pures de l'intuition est immédiatement saisie, je dis bien saisie par l'entendement.
Oui le mot "saisie" est employé par Kant. Mais où il y a saisie, action, il y a intervention de l'entendement.
La synthèse de l'appréhension dans l'intuition est action de l'entendement. De quoi s'agit-il ? Pour Kant l'espace et le temps sont continus, ce sont des formes continues, ce qui entraîne aussi la continuité des sensations (la matière du phénomène).
Jacques Rivelaygue a écrit: Si tout est continu, si l'instant du temps n'est pas une unité mais une limite, les sensations passent alors les unes dans les autres sans aucun rupture... Dès lors qu'il y a continuité totale, le divers [de la sensation] ne peut être perçu... car tout passe d'une sensation à une autre. On ne peut pas saisir la diversité des choses, ni même la diversité des sensations, si le lieu où elles se donnent - l'espace et le temps - n'est pas constitué d'unités, mais d'infiniment petits passant l'un dans l'autre de façon continue.
Jacques Rivelaygue, Leçons de métaphysique allemande, tome II, page 11, Editions Grasset
Nous touchons là quelque chose de très important : l'opposition entre le continu et le discontinu. Cette opposition fait l'objet d'intenses réflexions par exemple en physique quantique, laquelle institue le discontinu. Mais le continu existe aussi ! Ne serait-ce que dans la théorie mathématique. Je ne vais pas rentrer dans ce champ immense. Mais le continu de la sensation et de sa mise en forme dans l'espace et le temps, d'après Kant, empêche la perception, laquelle a besoin de "fixer" les choses dans un moment qui "dure". La synthèse de l'appréhension dans l'intuition couplée avec la synthèse de la reproduction dans l'imagination a pour but de créer le présent, c'est-à-dire de construire un "moment" non continu, par juxtaposition de moments infiniment petits. Dans toute cette opération, oui, c'est l'entendement qui agit.