sophie.h a écrit:La vérité est relative au discours et à la connaissance. Ce que l'on dit est vrai ou faux. La vérité philosophique consiste à clarifier ses pensées par le langage pour appréhender la réalité telle qu'elle est. La réalité, c'est la vérité. Saint Thomas d'Aquin pensait que "la vérité est l'adéquation de la pensée et des choses." Mais peut-on objectivement connaître la réalité ? Notre langage est conditionné par la perception que nous avons de celle-ci et donc par nos sens, notre raisonnement, nos émotions... Notre regard ne peut être que subjectif et intrinsèque à l'être humain et non extérieur à lui.
L'esprit humain a su inventer et créer pour s'adapter à cette réalité. Par l'expérience et la recherche, il a su aussi découvrir une infime partie de cette réalité extérieure à l'homme. Mais nos découvertes ne sont jamais totalement acquises et perpétuellement remises en question par de nouvelles découvertes. Donc la vérité ne peut être que relative car subjective de par notre perception limitée. Il n'y a donc pas une mais des vérités. Et il y a autant de vérités qu'il y a d'hommes.
Vous assimilez vérité et réalité, transposant ainsi tout ce que vous dites de la "réalité" à la vérité elle-même. C'est très platonicien. Pourtant, dans le même temps, vous affirmez purement et simplement qu'il y a autant de vérités que d'hommes. Sans vous en rendre compte, vous adoptez deux positions incompatibles : l'une, dogmatique (métaphysique) ; l'autre, relativiste. Affirmer la réalité d'une chose, ce n'est pas en affirmer la vérité, mais l'existence. Si la vérité est relative au discours et à la connaissance, discours et connaissance sont relatifs à ce à quoi ils sont rapportés. Le réel constitue donc le critère de la vérité. Je me contente de mentionner cette seule difficulté. On pourrait en ajouter d'autres.
Tom a écrit:Pourquoi une discipline comme la philosophie semble autant stagner dans sa course au progrès
La philosophie ne court pas après le progrès.
Tom a écrit:Quand on pense à la vérité, on pense à Descartes. Nul doute que Descartes soit à l'origine d'une certaine science moderne. La vérité, qui est opposée au faux (faux qui vient du latin fallere qui signifie tomber il me semble), est pour Descartes, par opposition, infaillible. C'est ce qui ne peut pas tomber. Si un énoncé, même sur ses quatre pieds, semble rien moins que bancal, il doit être considéré comme faux. Mais comment savoir que quelque chose est ou n'est pas faux ? En appliquant une méthode qui doit tourner autours d'un doute méthodique et hyperbolique. Le problème de Descartes selon moi, est le suivant : Descartes doute de tout SAUF d'une chose. Devinez : . . . . . . . . le doute lui même !
Chez Descartes, la vérité s'oppose à l'erreur ; la vérité n'est pas infaillible, mais indubitable.
Tom a écrit:Le problème d'un concept comme Dieu, c'est qu'il est sans objet ! Pensez au triangle sémantique d'Aristote : tout concept (c'est-à-dire langage mental) par lequel on fait référence à quelque chose à partir d'un mot vocal choisi de manière arbitraire (on aurait, oui, pu appeler un chien un chat) fait signe vers un objet. Quand je dis : "chaise", je pense au concept chaise, et je pense à l'objet chaise. On a trois chaises pour le prix d'une. Mais quand je dis Dieu, je n'en ai que le concept, et encore, vague, et je n'en ai nullement l'objet ! Or, comment ne prouver l'existence d'un objet qu'à partir d'un concept ?! On est, ou on n'est pas. Comment être à partir d'une déduction de concept ? Russell disait que l'existence est un prédicat de prédicat. C'est un prédicat qui dépasse le langage.
Mais qu'est-ce qu'un objet ? Si vous exceptez le christianisme, aucune religion ne se donne un "concept" de Dieu. Pour le reste, vous ne tenez le concept que pour un fait de langue, en ne tenant compte que de l'arbitraire du signe linguistique. On peut certes appeler une tomate "Mickey", la tomate n'en reste pas moins la tomate. Enfin, quand je dis : "chaise", je ne pense tout à la fois au vocable, au concept et à l'objet correspondant que si je suis un linguiste ou un sémioticien. Au quotidien, quand je dis : "chaise", je ne pense ni au vocable ni au concept (ce qui revient à ne penser qu'à l'objet, justement). Si les hommes parlent si facilement, c'est précisément parce qu'ils le font sans y penser, comme on marche si facilement parce qu'on marche sans penser qu'on marche.
sophie.h a écrit:le philosophe traite de questions abstraites et interprète ses pensées.
Il ne traite pas seulement de questions abstraites. Et avant d'interpréter ses pensées, si et seulement s'il estime devoir le faire, sa pensée même est une interprétation.
sophie.h a écrit:Ses pensées représentent son rapport au monde. Peut-on dire que sa perception est fausse ? Si son discours est sincère, elle est le témoignage de ce qu'il est (son héritage génétique et culturel, son expérience, etc.). Elle fait donc partie de la réalité.
Et comment appliquez-vous votre hypothèse à un penseur nazi ? Sa sincérité parle-t-elle pour lui ?
sophie.h a écrit:Peut-on comparer les valeurs d'un philosophe à un autre et dire que l'une de ces valeurs est fausse par rapport à l'autre ?
On ne passe pas comme ça de la question de la vérité à celle des valeurs !
sophie.h a écrit:Effectivement le langage n'est pas l'unique moyen d'appréhender la réalité. On peut aussi considérer la poésie
La poésie, c'est du langage.
Dernière édition par Euterpe le Mar 11 Fév 2014 - 12:18, édité 1 fois